lundi 23 août 2010

Sénégal -PRESIDENT WADE SUR SA CANDIDATURE EN 2012: « Je ne peux pas être candidat. La Constitution me bloque »

(Sud Quotidien 23/08/2010)
Le débat fait rage depuis quelques semaines sur la légalité ou non d’une éventuelle candidature du président Abdoulaye Wade, à l’élection présidentielle de 2012. Mais pour tous ceux qui ont suivi l’actualité politique au Sénégal, ce débat devrait être sans objet, parce que tranché par le Président Wade lui-même, lors d’une interview accordée le 1er mars 2007.
Lors de ce face à face avec la presse, après la publication des résultats de l’élection présidentielle de 2007, qu’il venait de remporter au 1er tour, le président a été sans équivoque dans sa réponse. En effet, interpellé par un journaliste sur le fait que c’était son dernier mandat, il lui demandait qui devait être son successeur. D’abord, Wade répond par une boutade qui a déclenché l’hilarité dans la salle.
En s’adressant à l’auteur de la question, il lance : « j’espère que vous n’êtes pas cardiaque. Je vous dis que je me représenterai en 2012 ». Puis il devient plus sérieux, pour dire : « non. Parce que j’ai bloqué le nombre de mandats à deux. Donc je ne peux me représenter ».
La version sonore de cette déclaration est rediffusée par le site Yolele.com qui l’a tirée des archives du portail Archipo.com. Sud fm en a diffusé des extraits et l’intégralité de la conférence est disponible sur le site sudfm.net.
La même affirmation était d’ailleurs reprise par l’agence de presse gouvernementale APS dans une dépêche en date du jeudi 1er mars 2007 où il est écrit : « Auparavant, il avait donné l’assurance qu’il ne se présenterait pas en 2012, au motif qu’il a lui-même ’’bloqué’’ via la Constitution, le nombre de mandats à deux.
De cette conférence de presse, l’opinion avait surtout retenu les attaques contre Moustapha Niasse, Tanor Dieng, Amath Dansoko et les 40 milliards de francs Cfa dont il disait qu’Idrissa Seck avait « planqués » dans un compte trust à New York. Wade victorieux de l’élection présidentielle de 2007, avait envoyé son opposition dans les cordes, surpris son propre camp et déçu une opinion publique qui s’attendait à un appel à l’union et au rassemblement. Mais son 2ème mandat venait d’être entamé sur un ton belliqueux, des accusations graves et la mise sur orbite de son fils Karim.
Tous ces éléments réunis ont fait que presque personne n’avait fait attention à cette déclaration/désistement du Président en faveur de son fils. Cette option de laisser Karim Wade se présenter à sa place n’a jamais été abandonnée par le père.
Au cours de la même rencontre avec la presse ce 1er mars 2007, le patron du Pds a dressé le portrait-robot de son éventuel successeur à la tête du pays. Le chef de l’Etat disait que son remplaçant devrait être « intelligent, qui travaille, qui écoute les populations qui aide les populations. » Il doit également être « représentatif et avoir de bonnes relations internationales. »
Depuis lors, le président s’est employé à donner de son fils, l’image de l’homme du portrait. Il lui confie tous les travaux qui sont susceptibles de le montrer à l’opinion comme ce travailleur dont il parle. Il a déclaré à plusieurs reprises que s’il a confié un ministère aussi important à Karim Wade, c’est parce qu’il n’a pas vu un autre sénégalais aussi intelligent pour gérer un tel département.
Quid des relations internationales ? Les ministères de l’Economie et celui des Affaires étrangères sont cannibalisés pour laisser la voie libre au successeur qui peut se faire concocter des relations sur la scène internationale.
Quand à l’écoute des populations et à l’aide apportée à ces dernières, le Chef a déjà décerné un satisfecit à son fils, en disant qu’il ne voit pas dans l’opposition une personne qui peut battre Karim Wade. En stratège méthodique qu’il est, le président Wade peut utiliser sa candidature déjà déclarée pour emmener l’opposition à faciliter son retrait en faveur du chef de file de la Génération du Concret. Il a déjà réussi un coup similaire en 2007. Quand le Pds, son parti, était sur le bord de l’implosion à cause des difficultés rencontrées pour la confection des listes de candidats députés aux élections législatives, qui devaient être « couplées » avec la présidentielle, et que le vote sanction à la présidentielle semblait évident, le candidat du parti au pouvoir a trouvé une parade.
Il fait adopter un texte législatif manifestement anticonstitutionnel qui devait régir les règles d’organisation de l’élection des députés. Ce piège tendu à l’opposition a bien fonctionné. Le Parti socialiste et la Ligue démocratique, ont, contre l’avis de leur allié d’alors Idrissa Seck, saisit le Conseil constitutionnel qui annula le texte. Donnant ainsi l’occasion au secrétaire général du Pds de séparer les deux scrutins et neutraliser la révolte dans le Pds.
Ici encore en 2012, si le locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor arrive à domestiquer son camp et faire accepter Karim Wade d’en être le nouveau chef, Wade père peut déposer une candidature et la faire annuler par le Conseil constitutionnel pour laisser le fils prendre sa place.
Quoi qu’il en soit, si la question de l’acceptabilité de la candidature d’Abdoulaye Wade devait se poser devant les tribunaux, le candidat lui-même a déjà dit que celle-ci n’était pas admissible. Ce sont plutôt ses avocats, (dont les premiers à se manifester sont Souleymane Ndéné Ndiaye, Madické Niang et « l’avocat de l’Etat » Ousmane Seye), qui doivent bien se demander comment contredire Wade pour défendre Wade. Dans ce procès, des circonstances atténuantes seront difficiles à trouver pour un client qui a déjà plaidé coupable.
par Dame Babou

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