(Le Pays 26/08/2010)
Que faire, pardon, comment venir à bout de ces "talibans africains" ? Cette interrogation traduit les sentiments d’impuissance, de désarroi que l’on peut ressentir face à la terreur que les shebab, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, sèment en Somalie. Les shebab, ces tristement célèbres combattants qui ont réussi la prouesse de faire de la Somalie une zone de non-droit, sont plus que jamais déterminés dans leur lutte pour contrôler l’entièreté du territoire.
C’est le message sans équivoque qu’ils envoient au régime du président, le Cheick Sharif Ahmed, et, par-delà, au monde avec les derniers attentats qui ont encore, hélas, fait leurs lots de victimes, directes ou indirectes. Ces insurgés qui ont repris ces jours-ci les combats contre les troupes gouvernementales appuyées par l’Amisom, ont une telle force de frappe qu’ils contrôlent la quasi-totalité du territoire (certaines sources avancent le chiffre de 80%), confinant le gouvernement légal dans un carré réduit.
Ce carré d’ailleurs ne tient que grâce à l’action de la Mission de paix des Nations unies et de l’Union africaine en Somalie (Amisom). On s’en souvient, l’Union africaine a décidé lors de son dernier sommet en Ouganda, de renforcer les effectifs de cette mission. Mais comme on pouvait plus ou moins s’y attendre, les Etats africains ne s’empressent pas d’envoyer des contingents dans ce bourbier. Des hésitations assez compréhensibles au regard de la virulence et de la capacité de nuisance de ces "fous de Dieu" qui écument le pays. Ce territoire d’Afrique orientale est devenu une plaque tournante pour les combattants de la nébuleuse Al Qaïda.
Toute chose qui lui confère du reste le nom de nouveau sanctuaire du terrorisme international. De fait, des combattants de toutes nationalités y accourent pour proposer leurs services aux insurgés islamistes. Beaucoup de combattants partent également de là-bas pour alimenter les réseaux de terrorisme en Afghanistan et ailleurs. C’est donc peu de dire qu’une pieuvre géante règne dans cet Etat, si Etat il y a encore. Cette mouvance islamiste est alimentée et traversée par maints courants et intérêts, politico-religieux notamment, comme la détermination à instaurer à tout prix un Etat islamique et à lutter farouchement contre l’Occident. Que faire quand on ne dispose pas vraiment d’une base solide, d’un consensus minimal pour négocier avec cette pieuvre ?
De fait, les shebabs ne semblent pas réceptifs à une solution concertée, convaincus (ou aveuglés ?) de la pertinence de leur combat et grisés qu’ils sont par leur force de frappe. Ils cultivent le mythe des "fous de Dieu" qui ont pu venir à bout de l’engagement américain sur leur territoire et en tirent toutes les dividendes auprès des anti-Occidentaux. Face à des extrémistes de cette trempe, la marge de manoeuvre est évidemment réduite. Comme on le sait, il est très difficile, voire suicidaire, de vouloir tenir tête à quelqu’un qui brave le danger et est prêt à se faire hara-kiri.
Les rançons et autres butins de guerre que les pirates acquièrent d’une manière ou d’une autre, ne servent pas à la réalisation d’infrastructures de base au profit des populations. Ils alimentent l’effort de guerre, pour ne pas dire le "djihad". Il n’est point besoin d’être grand clerc pour se rendre à l’évidence qu’aucun Etat ne peut se développer dans un tel climat de terreur. L’incapacité des institutions légitimes somaliennes de remettre de l’ordre dans le pays est plus qu’inquiétante. Les Etats-Unis, après le traumatisme de l’opération "Restore Hope", ont préféré laisser la gestion de cette crise aux Etats africains. Hélas, ceux-ci brillent par leurs atermoiements et leur passivité.
Ils ne semblent vraiment s’émouvoir que quand les insurgés s’illustrent en dehors de la Somalie comme cela a été récemment le cas avec les attentats meurtriers perpétrés en Ouganda. Encore que cet émoi reste au stade des lamentations, les mesures et stratégies prises notamment par l’Union africaine avec le concours de l’Organisation des Nations unies pour faire face à ces talibans n’étant pas encore inscrites dans le champ du concret.
En tout état de cause, on est face à un échec ; un autre échec africain. L’on ne peut plus se contenter seulement de protéger le gouvernement dit légitime. Il faut aller au-delà, au regard de la souffrance des pauvres populations. Il faut donner espoir à la Somalie. En faire un Etat pacifié et résolument tourné vers le développement.
"Le Pays"
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