(Le Figaro 30/08/2010)
Un mois après la Coupe du monde, Jacob Zuma doit faire face à une grève illimitée des fonctionnaires.
La trêve du football n'aura pas duré. Un mois après l'enthousiasme justifié qui a entouré l'organisation impeccable de la Coupe du monde, l'Afrique du Sud a renoué avec le quotidien et ses problèmes. Il y a deux semaines, près de 1,3 million de fonctionnaires ont commencé une grève dure pour obtenir une augmentation. Professeurs, professionnels de la santé, policiers ont cessé le travail, plongeant parfois le pays dans le chaos. Des élèves ont été chassés des écoles. Plus grave, dans les hôpitaux publics des malades ont été abandonnés à leur sort, des piquets de grève empêchant médecins et infirmières d'approcher. L'armée a dû être déployée dans plusieurs cliniques pour assurer la sécurité et les services essentiels.
Samedi, le président Jacob Zuma a réagi dans un discours où se mêlaient menaces et appels à la négociation. Le patron de l'ANC affirmait «comprendre les besoins des travailleurs» tout en jugeant «inadmissible» que l'on «abandonne des bébés dans des couveuses». Jacob Zuma s'est néanmoins dit «confiant» et assurait qu'une bonne «solution de compromis sera rapidement trouvée».
Une analyse souvent jugée optimiste. Entre les syndicats et le gouvernement, les positions demeurent éloignées. Les fonctionnaires exigent une hausse de 8,6 %, le double de l'inflation. On leur en offre 7. Jeudi, de vastes manifestations ont montré la détermination des grévistes à ne rien céder. Or, la croissance faible du pays n'autorise que peu de marge budgétaire.
Mais pour Jacob Zuma, le plus gênant est ailleurs. Le mouvement risque d'attiser les tensions politiques au sein de la coalition marquée à gauche qui soutient la présidence. Pilier de cette coalition, la Cosatu, une puissante centrale syndicale, n'écarte pas d'unir ses forces à celles des grévistes.
La Cosatu, qui bénéficie toujours de l'immense prestige de ses longues années de combat contre l'apartheid, a appelé tous les travailleurs, y compris les mineurs, à cesser le travail une journée jeudi si les revendications n'étaient pas satisfaites. Un tel arrêt sur le long terme serait dévastateur économiquement et politiquement.
Car les manifestations et les grèves sont aussi des signes de l'exaspération des Sud-Africains les plus fragiles. Si Jacob Zuma et l'ANC ont été confortablement réélus en mai 2009, la victoire semble avant tout liée à l'absence d'une opposition crédible. Seize ans après la fin de l'apartheid, les populations noires pauvres attendent toujours les bienfaits promis par le changement de régime. Le chômage touche officiellement 25 % des actifs, un chiffre qui ne reflète que peu la réalité. Nombre de travailleurs ne survivent que dans l'économie parallèle et bien des emplois, notamment ceux de la fonction publique, sont sous-payés.
Populiste, Zuma pourrait donc être tenté de céder aux revendications pour satisfaire sa base et ne pas s'aliéner les syndicats indispensables à une éventuelle réélection. Mais ces largesses lui seraient immédiatement reprochées par les économistes et les investisseurs. Pour Zuma, la trêve du football est bien finie.
Par Tanguy Berthemet
Par Tanguy Berthemet
30/08/2010
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