mardi 24 août 2010

Sénégal -Présidentielle 2012 : Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat

(Leader Africa 24/08/2010)
La candidature annoncée prématurément de l’actuel président sénégalais, Me Abdoulaye Wade à sa réélection en 2012 a provoqué une vive polémique au Sénégal. Pape Demba Sy, professeur de droit constitutionnel à l’université Cheikh Anta Diop et secrétaire général du parti politique Udf/Mbolo mi, a soutenu le 15 août au cours de l’émission « Remue Ménage » de la Radio futurs médias (Rfm) que l’actuel président « Me Abdoulaye Wade ne peut pas se présenter à la prochaine présidentielle de 2012 parce qu’il est « frappé par la limitation du mandat « . Il convient de rappeler que Pape Demba Sy est un des rédacteurs de la Constitution de la République du Sénégal de 2001. « Je ne peux pas être candidat. La Constitution me bloque », a reconnu Me Abdoulaye Wade.
En effet la Constitution sénégalaise en son article 27 est très claire: "La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.
Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou constitutionnelle."
Pourtant le débat fait rage depuis quelques semaines sur la légalité ou non d’une éventuelle candidature du président Abdoulaye Wade, à l’élection présidentielle de 2012. Mais pour tous ceux qui ont suivi l’actualité politique au Sénégal, ce débat devrait être sans objet, parce que tranché par le Président Wade lui-même, lors d’une interview accordée le 1er mars 2007.
Lors de ce face à face avec la presse, après la publication des résultats de l’élection présidentielle de 2007, qu’il venait de remporter au 1er tour, le président a été sans équivoque dans sa réponse. En effet, interpellé par un journaliste sur le fait que c’était son dernier mandat, il lui demandait qui devait être son successeur. D’abord, Wade répond par une boutade qui a déclenché l’hilarité dans la salle. En s’adressant à l’auteur de la question, il lance : « j’espère que vous n’êtes pas cardiaque. Je vous dis que je me représenterai en 2012 ». Puis il devient plus sérieux, pour dire : « non. Parce que j’ai bloqué le nombre de mandats à deux. Donc je ne peux me représenter ».
"Non, j'y peux rien parce que j'ai bloqué le nombre de mandat à deux. Donc ce n'est pas possible. Donc je ne peux pas me représenter. Je le dis sérieusement, je ne me représenterais pas".
La version sonore de cette déclaration est rediffusée par le site Yolele.com qui l’a tirée des archives du portail Archipo.com. Sud fm en a diffusé des extraits et l’intégralité de la conférence est disponible sur le site sudfm.net. La même affirmation était d’ailleurs reprise par l’agence de presse gouvernementale APS dans une dépêche en date du jeudi 1er mars 2007 où il est écrit : « Auparavant, il avait donné l’assurance qu’il ne se présenterait pas en 2012, au motif qu’il a lui-même ’’bloqué’’ via la Constitution, le nombre de mandats à deux.
De cette conférence de presse, l’opinion avait surtout retenu les attaques contre Moustapha Niasse, Tanor Dieng, Amath Dansoko et les 40 milliards de francs Cfa dont il disait qu’Idrissa Seck avait « planqués » dans un compte trust à New York. Wade victorieux de l’élection présidentielle de 2007, avait envoyé son opposition dans les cordes, surpris son propre camp et déçu une opinion publique qui s’attendait à un appel à l’union et au rassemblement. Mais son 2ème mandat venait d’être entamé sur un ton belliqueux, des accusations graves et la mise sur orbite de son fils Karim.
Tous ces éléments réunis ont fait que presque personne n’avait fait attention à cette déclaration/désistement du Président en faveur de son fils. Cette option de laisser Karim Wade se présenter à sa place n’a jamais été abandonnée par le père. Au cours de la même rencontre avec la presse ce 1er mars 2007, le patron du Pds a dressé le portrait-robot de son éventuel successeur à la tête du pays. Le chef de l’Etat disait que son remplaçant devrait être « intelligent, qui travaille, qui écoute les populations qui aide les populations. » Il doit également être « représentatif et avoir de bonnes relations internationales. »
Depuis lors, le président s’est employé à donner de son fils, l’image de l’homme du portrait. Il lui confie tous les travaux qui sont susceptibles de le montrer à l’opinion comme ce travailleur dont il parle. Il a déclaré à plusieurs reprises que s’il a confié un ministère aussi important à Karim Wade, c’est parce qu’il n’a pas vu un autre sénégalais aussi intelligent pour gérer un tel département. Quid des relations internationales ? Les ministères de l’Economie et celui des Affaires étrangères sont cannibalisés pour laisser la voie libre au successeur qui peut se faire concocter des relations sur la scène internationale.
Quand à l’écoute des populations et à l’aide apportée à ces dernières, le Chef a déjà décerné un satisfecit à son fils, en disant qu’il ne voit pas dans l’opposition une personne qui peut battre Karim Wade. En stratège méthodique qu’il est, le président Wade peut utiliser sa candidature déjà déclarée pour emmener l’opposition à faciliter son retrait en faveur du chef de file de la Génération du Concret. Il a déjà réussi un coup similaire en 2007. Quand le Pds, son parti, était sur le bord de l’implosion à cause des difficultés rencontrées pour la confection des listes de candidats députés aux élections législatives, qui devaient être « couplées » avec la présidentielle, et que le vote sanction à la présidentielle semblait évident, le candidat du parti au pouvoir a trouvé une parade.
Il fait adopter un texte législatif manifestement anticonstitutionnel qui devait régir les règles d’organisation de l’élection des députés. Ce piège tendu à l’opposition a bien fonctionné. Le Parti socialiste et la Ligue démocratique, ont, contre l’avis de leur allié d’alors Idrissa Seck, saisit le Conseil constitutionnel qui annula le texte. Donnant ainsi l’occasion au secrétaire général du Pds de séparer les deux scrutins et neutraliser la révolte dans le Pds. Ici encore en 2012, si le locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor arrive à domestiquer son camp et faire accepter Karim Wade d’en être le nouveau chef, Wade père peut déposer une candidature et la faire annuler par le Conseil constitutionnel pour laisser le fils prendre sa place.
Quoi qu’il en soit, si la question de l’acceptabilité de la candidature d’Abdoulaye Wade devait se poser devant les tribunaux, le candidat lui-même a déjà dit que celle-ci n’était pas admissible. Ce sont plutôt ses avocats, (dont les premiers à se manifester sont Souleymane Ndéné Ndiaye, Madické Niang et « l’avocat de l’Etat » Ousmane Seye), qui doivent bien se demander comment contredire Wade pour défendre Wade. Dans ce procès, des circonstances atténuantes seront difficiles à trouver pour un client qui a déjà plaidé coupable.
AUDIO de la declaration de Wade du 1er mars 2007
http://www.politicosn.com/Audio-Wade-trahi-par-ses-propres-propos-C-est-pas-possible-je-ne-peux-pas-me-representer_a1381.html
ECLAIRAGES SUR L’ANTICONSITUTIONNALITE DE LA CANDIDATURE DE WADE
Les initiateurs du mouvement Terminus 2012, sous la houlette de l’Union des indépendants du Sénégal (Unis) ne démordent pas quant à leur projet de disqualifier la candidature du président à un 3e mandat. Amadou Guèye, ancien expert consultant à la Banque mondiale, revient à la charge après les avis de constitutionalistes pour réitérer l’anti-constitutionnalité d’un troisième mandat de Wade.
Par Oumar Seydou BA
«Pourquoi la candidature de Wade est anticonstitutionnelle ?» La réponse à cette interrogation se trouve, d’après le mouvement Terminus 2012, dans le texte de la Constitution. Après avoir été porté au pouvoir en 2000 sur la base de la Constitution de 1963, «Wade a initié non pas une modification de la Constitution, mais une révision majeure, raison qui fait qu’on parle maintenant de la Constitution de 2001», indique l’Union des indépendants du Sénégal (Unis)/ nouvelle République. Cette Constitution, d’après l’Unis, est demeurée la même en dépit des modifications et autres tripatouillages apportés, comme le prolongement de la durée du mandat de 5 à 7 ans. De 2001 à 2008, relativement au mandat du président de la République, la Constitution, en son article 27 se lit ainsi : «La durée du mandat du président de la République est de 5 ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.»
Dès lors que la durée du mandat était différente de celle fixée à 7 ans dans l’ancienne Constitution, il fallait donc régler la transition d’un mandat de 7 ans (Constitution de 1963) à un mandat de 5 ans (Constitution de 2001). Pour cela, les rédacteurs de la Constitution ont fixé les dispositions transitoires dans l’article 104, précise l’Unis. Il se lit ainsi : «Le président de la République en fonction, poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables.» Le verbe «poursuivre», relève l’Unis, nous édifie clairement que le premier mandat de Wade aura une durée de 7 ans et ira donc jusqu’en 2007. «La rétroactivité est donc réglée. En l’absence de cette précision, il y aurait eu un flou», révèle le document de l’Unis signé par Amadou Guèye, un des initiateurs de Terminus 2012. En effet, ajoute cette source, on aurait pu interpréter que «la durée du mandat du Président en fonction en 2001 s’achèverait en 2005 en prenant l’année 2000 comme année de référence pour une durée de 5 ans. On aurait pu argumenter aussi que la durée du mandat du Président en fonction en 2001 doit prendre fin en 2006 en comptant 5 ans à partir de 2001, date d’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. On pourrait encore argumenter que le mandat doit durer 7 ans, puisque c’est la durée accordée au Président lors de son élection en 2000 et que la loi n’est pas rétroactive». D’après toujours Terminus 2012 -pour éviter ce flou- l’article 104 précise que le président de la République poursuit son mandat jusqu’à son terme. «Il est aussi clair que cette précision est apportée pour circonscrire l’exception accordée sur la durée et non sur le nombre de mandats», a-t-il relevé. En effet, hormis cette exception sur la durée, toutes les autres dispositions sont précisées être applicables au Président en fonction (Abdoulaye Wade). La limite du nombre de mandats à 2 fait partie de ces dispositions. «Il est important, lit-on, de préciser qu’aucune disposition ne dit que le Président en fonction fait exception à cette limite du nombre de mandats.» Pourquoi en serait-il ainsi d’ailleurs, s’est interrogée l’Unis qui rappelle ceci : «La transition constitutionnelle n’avait nullement besoin d’exclure le premier mandat. Seule la durée devait être constitutionnellement réglée et tout le reste appliqué comme tel au Président en fonction. C’est exactement ce que dit l’article 104. La Loi est donc claire. Le Président ne peut y déroger en 2012.»
UNE CANDIDATURE ANTIDEMOCRATIQUE ET ANTIREPUBLICAINE
Pourquoi la candidature de Wade est antidémocratique ? «La réponse se trouve aussi dans la nécessité de consolider les acquis démocratiques au compte duquel la limitation des mandats qui est maintenant consacrée comme un standard minimal que doivent respecter les Etats démocratiques», est persuadé Terminus 2012. Pour Amadou Guèye, ancien expert à la Banque mondiale, «c’est cette disposition élémentaire qui garantit l’alternance démocratique que nous proclamons si fièrement. En limitant la durée de pouvoir qu’un Président peut exercer, nous garantissons la possibilité de renouveler le leadership, la vision et l’orientation de notre Nation». Puis, l’Unis rappelle : «La Constitution n’est pas une convenance personnelle ni un papier à dessin.» Battant en brèche les arguments du camp des tenants du pouvoir, Terminus 2012 déclare : «La liberté de candidature n’est pas un argument convaincant face à la responsabilité que l’on a comme président de la République vis -à-vis des dispositions de la Constitution.» Par ailleurs, Amadou Guèye et Cie tentent de montrer «pourquoi la candidature de Wade est antirépublicaine». Pour eux, la réponse est la finalité et les conséquences possibles de cette candidature sur la République : la «monarchisation». «Le Président Wade, par sa candidature forcée, projette la République au cœur d’un enjeu qui lui semble plus capital à protéger et perpétuer son propre héritage, littéralement, sa progéniture et son patrimoine. Malgré les assurances répétées que le Sénégal a une histoire qui ne se prête pas à un schéma de succession de père en fils, il est impossible de lever les yeux sur la dynamique en marche», écrivent-ils. Les initiateurs du mouvement Terminus 2012 évoquent certains signes qui, pour eux, ne trompent pas. «D’abord, en instituant la vice-présidence, le président de la République a fini d’aménager la possibilité de déléguer toute tâche qu’il estime utile à une personne nommée par lui. En nommant son fils aux fonctions ministérielles démesurées par rapport aux autres ministères, il énonce que son homme de confiance n’est personne d’autre que son propre fils. Lui, qu’il dit être le meilleur sera probablement le choix évident lorsque viendra le moment de confier la haute charge de vice-président.»Ils sont convaincus que l’enjeu primordial sur ce poste surviendra après, en cas de victoire de Me Wade. Pour M. Guèye et Cie, mieux vaut barrer la route à Wade à qui une «élection pourra offrir la légitimité pour confier la réalité du pouvoir à son fils tout en gardant les habits de la légitimité populaire».
D’où ce cri d’alerte : «Au moins, ayons l’humilité de considérer que ce qui s’est passé dans les pays voisins peut se passer chez nous.» Voilà une «situation en marche, disent-ils, que «politiques et citoyens, dignitaires religieux et société civile ont, tous, intérêt à comprendre».
(Sud Quotidien, Politicosn.com et lequotidien.sn )

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