(Xinhuanet 27/08/2010)
YAOUNDE-- Comme tentative de solution à l' assèchement de cette étendue d'eau aux enjeux multiples, les six pays membres de la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) ont mobilisé 6 millions de dollars US pour un transfert d'eaux de fleuves, a annoncé jeudi à Yaoundé à Xinhua le ministre tchadien de l'Environnement et des Ressources halieutiques, Hassan Terap.
En visite pour des rencontres avec les autorités camerounaises, M. Terap a fait état de la tenue, fin octobre à N'djamena, la capitale du Tchad, d'un forum sur le développement durable de ce lac qui directement ou indirectement fait vivre 30 millions de personnes, mais se réduit aujourd'hui à une superficie de 2.500 km2 contre 25.000 km2 en 1964, soit 90% de taux d'assèchement.
"Les Etats ont pu mobiliser 6 millions de dollars pour les études qui sont en train d'être menées, rien que pour le transfert des eaux de l'Oubangui au Chari dont la session est de 186 kilomètres. C'est une des pistes de solutions, mais le forum essayera de nous trouver d'autres pistes de solutions pour essayer de juguler ce phénomène", a-t-il expliqué.
Les origines de cette crise sont situées en 1973, à la suite d' une sévère sécheresse qui avait frappé le Tchad. Soit moins de 10 ans après la création le 22 mai 1964 de la CBLT à Fort-Lamy, ancien nom de N'Djamena, avec pour mission la gestion équitable et durable des ressources en eau du lac. Outre le Tchad, sont également concernés: le Cameroun, la Centrafrique, la Libye, le Niger et le Nigeria.
"Au-delà des pays membres de la CBLT, le bassin du lac Tchad s' étend très loin. Jusqu'à l'Algérie et au Soudan. Il y a des répercussions dans tous ces Etats. Selon les prévisions climatiques de la NASA et des études concordantes, si le niveau de l'eau continue à baisser au rythme actuel, ce lac disparaîtra d' ici une vingtaine d'années", informe le ministre Terap.
L'un des écueils subis par la CBLT, dotée d'un budget de plus de 3 milliards de francs CFA (environ 5 millions de dollars US) cette année, réside dans le paiement à intervalles irréguliers des contributions financières statutaires des Etats membres réparties à 40% pour le Nigeria, 20% pour le Cameroun, 18% pour la Libye, 11% pour le Tchad, 7% pour le Niger et 4% pour la Centrafrique.
"Il y a quelques mois, nous avions environ 6 milliards de francs CFA (environ 10 millions de dollars) d'arriérés. Mais depuis le mois de mai, les pays membres ont fait un effort assez important, parce qu'ils ont pratiquement diminué de moitié ces arriérés. Je pense que ces efforts vont être poursuivis de manière à apurer ces arriérés", a révélé le responsable de la communication, Alex Blériot Momha.
Avec des ressources limitées pour leurs propres besoins, les Etats multiplient les appels en direction des partenaires au développement pour la recherche des solutions à la menace de disparition du lac.
"Si on n'y prend pas garde, les générations futures apprendront qu'il a existé un lac en Afrique centrale dénommé lac Tchad", a lancé en mai à Bamako le président malien Ahmadou Toumani Touré lors d'une réunion des ministres africains de l'Environnement.
Evoquée également par le chef de l'Etat camerounais Paul Biya lors du récent sommet Afrique-France fin mai-début juin à Nice en France, la question avait déjà amené son homologue tchadien Idriss Deby Itno à appeler, à l'occasion du sommet mondial de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en décembre 2009 à Copenhague au Danemark, à la tenue d'une conférence spéciale sur le lac Tchad.
"Tout cela confirme le caractère urgent de la problématique du lac Tchad (..) Suite à ces multiples appels des chefs d'Etat, il a été décidé de la tenue prochaine à N'Djamena de la session Afrique du 8e Forum mondial du développement durable du 29 au 31 octobre 2010. Lors de ce forum, il y aura deux jours de segment scientifique et un jour de segment politique", a rapporté le ministre tchadien de l'Environnement et des Ressources halieutiques.
Pour la visite au Cameroun en compagnie de responsables de la CBLT, il a indiqué l'objectif est d'"amener tous les ministres des Affaires étrangères des pays membres à porter le message au niveau de l'Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 65e session qui se déroulera en septembre, pour que la question du lac soit quand même une préoccupation mondiale et non pas une préoccupation des Etats membres de la CBLT".
De l'avis de M. Momha, l'assèchement du lac Tchad aujourd'hui n' intègre pas uniquement la perte en eau.
"La perte de l'eau, a-t-il dit, suppose une dégradation de la santé, parce qu'il n'y a plus suffisamment d'eau pour nourrir les bêtes, pour alimenter la flore et la végétation. Il y a au niveau des différentes utilisations un déficit. Il y a des problèmes de mobilité des populations, ça fait un problème de gestion des frontières, de sécurité transfrontalière".
"Dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation, les populations riveraines qui menaient des activités pour gagner leur vie, la tendance est inversée. Je prends l'exemple de N'Djamena, la capitale de la République du Tchad qui était alimentée par la région du lac Tchad en produits agricoles. Aujourd'hui, c'est N' Djamena qui alimente le lac Tchad", a démontré M. Terap.
A côté des questions environnementales relatives à la dégradation du couvert végétal et ses répercussions sur le cheptel, la propagation des maladies telles que le VIH/SIDA suscite de sérieuses inquiétudes. Avec le concours des partenaires au développement, la CBLT a entrepris une série de projets qui permettent de redonner espoir aux populations riveraines en attendant des solutions définitives à préconiser lors du forum prévu en octobre.
A travers la GTZ et la BGR, la coopération allemande intervient dans deux projets sur les eaux de surface et un autre sur les eaux souterraines du lac. Un autre projet sur la gestion intégrée des ressources en eau mobilise l'Union européenne (UE). Pour sa part, la Banque africaine de développement (BAD) a octroyé 21 milliards de francs CFA (environ 42 millions de dollars) pour un programme de développement durable.
"Nous avons également avec la BAD un programme de santé pour la lutte contre le SIDA et les infections liées à cette maladie. C' est un projet d'environ 3 milliards. Nous avons avec la Facilité africaine de l'eau un projet en cours sur la charte de l'eau. Nous avons en perspective, d'ici la fin de l'année, un projet avec la FAO, toujours pour soutenir le programme de développement durable dans le bassin du lac Tchad", assure par ailleurs Alex Blériot Momha.
Par Raphaël MVOGO
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