(Liberation 27/08/2010)
Cellou Dalein Diallo, 58 ans, ex-cadre de la Banque centrale et ancien Premier ministre sous Lansana Conté (décembre 2004-avril 2006), part favori pour le second tour de la présidentielle, qui se tiendra le 19 septembre en Guinée. Il a remporté 43,69 % des voix au premier tour et ensuite passé une alliance avec Sydia Touré, un autre ancien Premier ministre, battu avec 13,62 % des suffrages au premier tour. Cellou Dalein Diallo devrait donc l'emporter face à l'opposant historique Alpha Condé, 72 ans (18,25 % des voix au premier tour). Ce dernier, condamné à mort sous le régime de Sékou Touré, a attendu sa chance toute sa vie, passant de longues années d'exil à Paris et 28 mois en prison en Guinée, Lansana Conté l'ayant fait arrêter avant la présidentielle de 1998. Alpha Condé, aujourd'hui, accuse ses rivaux d'être "une mafia formée par certains hommes d'affaires pour continuer à piller le pays", tandis que Cellou Dalein Diallo le soupçonne de ne pas vouloir envisager la défaite, et de préparer rien moins qu'un nouveau putsch, dans un pays où l'armée est au pouvoir depuis la mort de Sékou Touré, en 1984.
Le second tour a été fixé au 19 septembre, en raison d'un premier tour contesté, le 27 juin. Doit-on redouter de nouvelles fraudes ?
Cette date a été fixée après consultation de tous les acteurs et avec l'accord des deux candidats. Il n'y a pas de raisons de reporter à nouveau cette échéance. Je n'ai aucun doute sur la capacité du pays à organiser des élections transparentes. Les dysfonctionnements observés lors du premier tour ont été corrigés ou sont en train de l'être. Ce n'est de toute façon pas envisageable de changer la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ou d'attribuer ses compétences à d'autres structures entre les deux tours.
Votre score au premier tour, 43,69 % des voix, correspond au poids démographique de votre communauté, les Peuls, en Guinée. Avez-vous bénéficié d'un vote ethnique ?
Non, les Guinéens ont voté pour moi dans toutes les régions, et pas seulement la mienne. Je suis arrivé premier à Kindia, en Basse Guinée, et en deuxième position dans trois villes de Haute Guinée. Si quelqu'un rassemble les Guinéens, c'est bien moi... D'où cette performance, dont je suis fier.
A l'issue du premier tour, le débat politique a pris un tour nettement ethnique en Guinée. Est-ce dommage ?
C'est déplorable ! Beaucoup de gens ont mené campagne sur cette base. Les Guinéens du XXIe siècle doivent accepter de se moderniser et cesser d'apprécier l'homme en fonction de sa langue ou de son origine, mais en fonction de ses compétences et de ses actes. Il faut construire un Etat de droit qui ne reconnaisse que le citoyen, et non le Malinké, le Peul ou le Soussou.
Quelles seront vos priorités, si vous accédez à la présidence ?
Mettre en place un gouvernement avec des cadres compétents, tournés vers le redressement du pays, la promotion d'un développement durable. Il s'agira de renouer avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale pour faire annuler une partie de la dette guinéenne, grâce à l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Les priorités iront également au système éducatif, qui est à l'abandon, au système de santé et à la restructuration de l'armée, qu'il faut poursuivre pour avoir une armée républicaine et disciplinée.
Comptez-vous sur le général Sékouba Konaté pour tenir l'armée après les élections ?
Cela dépendra de lui, mais nous comptons sur lui pour garantir le respect des résultats. Le général Sékouba Konaté a beaucoup d'autorité. Il s'est engagé à organiser des élections libres et transparentes. Il faudra qu'il prenne des dispositions pour faire accepter les résultats à ceux qui seront vaincus. Le perdant risque de semer le désordre, pour que l'armée reprenne le pouvoir...
Y a-t-il déjà des manoeuvres dans ce sens ?
Il y a des suspicions. Ce que je peux vous dire, c'est que le risque de troubles n'est pas nul.
•Par Sabine Cessou
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