Si on se replongeait dans l’histoire récente de ce pays. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, il y a de quoi développer la chair de poule.
A voir les nuits de longs couteaux qui se fourbissent dans les états-majors, notre pays pourrait ne pas échapper à l’explosion de violences. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Outre que la mise en place du bureau de la CÉNI, la Commission Électorale Nationale Indépendante - outre le déroulement à pas de tortue des opérations de révision du fichier électoral - n’apparaît pas à l’horizon trois mois après son annonce qui ressemblait à un ultimatum lancé par le président de l’Assemblée nationale Évariste Boshab Mabudj, nul ne voit l’actuelle CÉI, la Commission Électorale Indépendante tenir ses propres promesses avec la Présidentielle et les Législatives nationales organisées le 27 novembre 2010.
A LA FIN DE MOBUTU, TSHISEKEDI FUT LOIN D’ETRE SON PIRE ENNEMI.
Au 6 décembre 2011 - soit dans onze mois selon le prescrit de la Constitution de la République -, le pays n’aura ni son nouveau Président de la République, ni, encore moins, son Président de la République installé. De même, dans moins d’un an, le 22 septembre, à l’échéance constitutionnelle, aucune Chambre législative, Assemblée nationale et Sénat, ne sera mise en place.
Imparablement, le régime basculera dans ce qui est le plus redouté, à savoir, l’illégitimité.
N’exagérons rien: ce n’est pas la première fois que le pays tombera dans ce qui est un vide institutionnel même si le Constituant prévoit des accommodements. Sous Mobutu, le régime était arrivé à échéance et le Léopard avait su et pu gouverner «par défi», pour reprendre son expression fétiche. Sous le 1+4, le pays n’avait pas non plus tenu ses délais constitutionnels.
Si ce régime des cinq armées (celle de Kinshasa, celle de Goma, celle de Gbadolite, celle de Beni-Butembo, celle de Bafwasende) avait pu se maintenir, c’est, peut-être, après que le chef de l’ex-armée du MLC (Gbadolite) Jean-Pierre Bemba Gombo, alors vice-président de la République en charge des Finances, eût menacé de régler le cas échéant lui-même personnellement toute contestation de l’illégalité.
Politiquement, l’ex-rébellion du nord tenait la ville. Elle en fera la démonstration en s’imposant aux scrutins. On peut affirmer que ce fut à sa ville que Jean-Pierre Bemba avait adressé sa mise en garde.
Mobutu, peu avant la conférence nationale en 1992, eût moins de chance. Vomi dans la Capitale assiégée par ses opposants, il dût se résoudre à trouver le calme en se retranchant dans son village et dans son palais de Gbadolite, à l’extrême nord du pays alors qu’à Kinshasa, ses partisans rasaient les murs.
Il ne fut plus possible de se faire appeler petit ou grand Mobutiste et d’errer dans certains quartiers de la Capitale.
Depuis Gbadolite, le Léopard désespérait d’une ville aussi peu reconnaissante pour laquelle, dit-il, il avait consacré toute sa vie. Par deux fois - dans son discours de démocratisation à la N’Sele comme dans l’adresse de sa villa du camp Tshatshi à son retour de Roquebrune-Cap Martin -, il se lâcha en public. Le Léopard vivait déjà ses dernières heures...
Que se passera le 6 décembre 2011 lorsqu’à minuit l’opposition rassemblée fera résonner les casseroles, comme à son habitude, signe que minuit a sonné?
N’exagérons rien: il faudrait d’abord qu’il y ait ce jour-là une opposition en place!
D’ici le 6 décembre 2011, dans un pays où la météo est fort changeante, où les gens vont et viennent, le ciel peut se révéler plus clément. De même que nul ne saurait exclure la production d’un événement imprévisible.
Si rien ne se bâtit hormis les contingences, miser sa stratégie sur l’improbable surgissement d’événements inattendus ou sur la grâce divine est, le moins que l’on puisse dire, fort dangereux. Certes, l’homme propose, Dieu dispose. Mais, ne dit-on pas en même temps, aides-toi, le ciel t’aidera?
Menacé par un tsunami, le régime Mobutu aurait pu s’effondrer plus vite. S’il avait pu tenir quelques années et ne fut assommé que par une coalition armée internationale formée de voisins ennemis dont la main était guidée par les puissances occidentales, c’est parce qu’il avait pu faire usage de savantes ingéniosités, montant en première ligne ses meilleurs hommes, ralliant nombre de gros formats de toutes origines et de tous horizons, fragilisant et isolant une opposition poussée à l’extrême à la tribalisation avant de la faire déconsidérer.
Reconnaissons-le: à la fin de Mobutu, Tshisekedi fut loin d’être son pire ennemi. Bien au contraire... Ayant refusé de pactiser avec la rébellion de l’Afdl poussée par la main étrangère, le nationaliste irrédentiste accepta pour la deuxième fois la tâche de former un gouvernement impossible qui ferait échec à «l’aventure» de Laurent-Désiré Kabila. Il l’annonça au chevet de Mobutu, à Roquebrune-Cap Martin où le Léopard posséda un domaine pour milliardaire.
Mobutu avait dû déployer ses meilleurs hommes dans l’art de l’approche et de l’inhibition. Beyeye Djema, Kitenge Yezu, Tshimbombo Mukuna (Kasaï), Vunduawe Te Pemako, N’Kema Liloo (Equateur), Baudouin Banza Mukalay (Katanga), etc., resteront dans l’histoire comme des personnalités d’ouverture qui repoussèrent les limites de l’inéluctable avant que la violence des armes imprévue ne vienne imposer un nouvel ordre politique.
Avec ces personnalités, l’histoire retiendra un autre homme de choc, appelé aussi Bulldozer, Bernardin Mungul Diaka (Bandundu) qui fut nommé Premier ministre quand Mobutu se prit à l’idée de jouer gros, de jouer son régime, en dégommant de la Primature le leader vénéré de l’UDPS. Celui-ci avait rendu son serment inconstitutionnel en refusant de jurer loyauté et fidélité au Maréchal et en raturant une ligne de son serment.
Ce fut la chienlit. A Mungul, l’ancien compagnon de Lumumba à la tête d’un parti RDR introuvable mais qui se trouvait dans sa ville, de tenir la Capitale.
Mobutu avait vu juste: en un mois, Ya Mungul - qui parlait à ses frères dans sa langue - réussit à faire baisser la tension dans la Capitale et à donner un souffle au régime que par ailleurs, au fond de lui-même, il abhorrait. Mais cet homme de poigne considéra que le plus important était à faire: rendre service en restaurant un certain ordre politique institutionnel!
IL N’Y A RIEN QUI COMPTE TANT QUE LA GESTION DES HOMMES ET DES HUMEURS.
Plus tard, Mobutu à qui tout manquait sauf le génie de gérer ses hommes, le nomma ministre d’Etat, un poste symbolique mais qui permit à cet homme atypique de lui rester fidèle même lorsqu’il quitta le pouvoir.
Dans une assemblée humaine, il n’y a rien qui semble tant compter que la gestion des hommes et des humeurs changeantes. Le Léopard savait qu’il ne pouvait appeler à ses côtés tous ses proches mais il en prenait bien soin, savait suivre qui par qui, demandait les nouvelles du petit dernier né dans la famille de tel proche, donnait la conviction à chacun qu’il avait son mot à dire dans la conduite des affaires publiques.
Disons-le: Quand vous écrivez, appelez, demandez à rencontrer une personne et ne recevez aucune réponse ou trouvez systématiquement portes closes, vous vous laissez aller à la lassitude et vous vous laissez convaincre que vous êtes l’objet de mépris, que personne ne vous prend en compte. Or, l’homme politique n’est jamais fini que le jour de ses funérailles.
Dieu! Je ne saurais assez le remercier pour le courage dont il ne m’a jamais privé. En mai 2008, à la première réunion du Comité politique de l’AMP - où je siège depuis le début de la Législature -, il me vînt à l’esprit de suggérer au Président de la République devant tous les notables de l’Alliance de la Majorité Présidentielle que le Chef de l’État avait tout à gagner en recevant ses élus, Députés et Sénateurs, ceux de l’Alliance de la Majorité Présidentielle et d’ajouter que cette réception scellerait à jamais le lien affectif voire «corporel» entre eux et le Chef de l’Etat. Dieu! Je ne saurais assez le remercier que le Président de la République m’ait écouté et suivi.
A voir comment lors de ces folles journées du Palais de la Nation, Députés et Sénateurs de l’AMP se prirent en valeur, se bousculant pour la photo avec le Président de la République, j’avoue n’avoir eu aucune raison de bouder mon bonheur.
Je regrette que ces journées portes ouvertes n’aient pas été poursuivies sauf lors de grandes crises ayant secoué l’AMP, celles de Kamerhe par exemple.
En vérité, je souhaiterais tant savoir ce qui pourrait par exemple expliquer qu’un Mulubakat de la trempe de Mwenze Kongolo, l’ancien ministre de l’Ordre et de la Sécurité du Mzee Laurent-Désiré Kabila, annonce sa fin avec Joseph Kabila Kabange pour rejoindre Vital Kamerhe, accompagne l’ancien président de la Chambre basse dans ses tournées dans les Kivu et s’offre dans tous les médias anti-Kabila, au pays comme à l’étranger. Même s’il ne draine aucune troupe, lorsqu’un tel homme ouvre la bouche, il est tout sauf un anonyme personnage et l’effet que cela produit est dévastateur dans l’opinion publique.
Kamerhe lui-même dont il me fut donné de présenter à la Nation et au monde la plaquette «Pourquoi j’ai choisi Kabila?» lors d’une cérémonie mémorable à la Rtnc devant des diplomates, hormis l’ambition personnelle compréhensible, aurait-il vraiment franchi le Rubicon s’il avait eu quelque sentiment d’être encore utile à sa famille politique? Si hier le prix à payer pour le garder au sein de la famille pouvait être considéré comme inacceptable, à quelle hauteur Kamerhe pourait se négocier aujourd’hui, encore faut-il savoir maintenant qu’il croit son triomphe proche s’il pourrait accepter de remettre sur le tapis.
De même faut-il noter la rupture quoique non prononcée du Député de l’AMP Tshibangu Kalala qui a annoncé la création de son parti, le NBP, Notre Beau Pays. Présentant ce parti le 15 décembre au Salon Congo du GHK, le Député indépendant, président d’un groupe parlementaire de la majorité, aurait pu donner son texte à lire à Tshisekedi que celui-ci n’en aurait modifié sans doute aucune ligne. Ainsi, il revient à ce proverbe Mongo cher à Tshisekedi: «Le poisson commence à pourrir par la tête».
Puis, le Député de poursuivre: «C’est dire que les difficultés quotidiennes et la misère généralisée de notre peuple proviennent en grande partie du fait que le peuple congolais n’a pas encore réussi à placer à la tête de notre pays depuis 1960 jusqu’à ce jour de bons dirigeants à tous les niveaux du pouvoir et de la société, des dirigeants politiques capables de prendre des décisions stratégiques justes et efficaces et de les appliquer avec courage et détermination en vue de développer le pays et de bâtir une société harmonieuse et prospère au cœur de l’Afrique».
Puis: «Il y a donc pour notre peuple un défi immense à relever concernant l’émergence dans notre pays d’un leadership politique moderne, visionnaire, compétent, efficace et dévoué totalement pour la défense et la satisfaction des intérêts vitaux de notre peuple».
Le Léopard? Il a sans doute plus de flair que nombre de ses congénères. C’est pour cela que le Togolais Eyadema, le Rwandais Habyarimana, tout comme le Gabonais Bongo dans une certaine mesure singèrent sa toque et sa canne.
Sauf que Mobutu a eu à gouverner à une époque où la démocratie et les droits de l’homme étaient balbutiants, à une époque où la liberté de parole à commencer par celle de presse était à ses débuts.
Qui aurait pu hier parmi les siens, Mobutu ayant parlé, contester sa parole céleste? Qui aurait pu hier parmi les siens, Mobutu ayant décidé de prendre la course pour la Présidentielle, se présenter contre lui hormis un Tshisekedi qui fut de ce fait considéré comme un héros sinon comme un mentalement déréglé, selon un bulletin de santé produit par un professeur de médecine?
Que ne voit-on pas aujourd’hui? Petit ou grand personnage, tout le monde revendique sa liberté pleine et entière. Petit ou grand personnage, tout le monde entreprend de s’essayer à la Présidentielle.
A ce jour, la législature ne se serait-elle pas déroulée comme on l’aurait souhaité? Le régime n’a-t-il pas fait montre un tant soit peu d’assez d’impartialité pour séduire autour de lui?
Certes, les compétences, le service rendu n’ont pas toujours été récompensés quand des échecs avérés ont parfois été transformés en réussites, quand d’aucuns ont parfois été vus en public le jour où tombait une nomination au plus grand désarroi de ceux qui ont reçu l’onction du peuple ou ont le sentiment de s’être dépensés corps et âme. En fin de législature, on ploie sous le poids de mots qui résonnent à nos oreilles venant de notre propre camp.
Aujourd’hui, on se trouve face à une obligation de réflexion: comment protéger le pouvoir pour gagner demain? Il faut connaître et comprendre. «Connaître, c’est connaître par les causes. Comprendre, c’est remonter aux origines», nous dit Jean d’Ormesson de l’Académie française dans C’est une chose étrange à la fin que le monde (R. Lafont, 2010).
Mobutu a eu de la chance.
Quand il parlait, toute la jungle était terrorisée. Quand il parlait, toute la jungle était à l’écoute. Aujourd’hui, les urgences ne sont plus les mêmes. La contrainte ne peut réussir. Les temps ont si changé. Les chaînes se sont brisées. La parole s’est libérée. Ne pas comprendre c’est faire fausse route. Nous sommes à l’époque de la persuasion. Seule la séduction fonctionne désormais à tous les coups...
Comment pensons-nous gagner demain face à des regroupements rompus au sacrifice et donc à la mobilisation spontanée là où les nôtres réclameront des moyens dont on peut imaginer la direction que cela prendra.
Une recette, une seule: rassembler et toujours rassembler, rassembler les personnalités de premier ordre, rassembler les personnalités de premier ordre de chaque province. Rassembler les derniers fidèles qui se sont parfois et souvent entredéchirés mais qui sont restés collés à une alliance qui est à revisiter. Elles seules sauront rassembler dans leurs milieux d’origine en rassurant les leurs.
Reprendre aussi la main sur des partenaires traditionnels occidentaux décidés de ne jamais se laisser dribbler par une Asie certainement séductrice pour ses finances mais trop encore fragile politiquement.
Terminées certainement les années où un homme seul, du haut de son piédestal, haranguait et galvanisait les foules partout dans le pays et emportait des voix.
La bataille qui s’annonce sera rude. Seule une mise en place conséquente saura faire face.
TRYPHON KIN-KIEY MULUMBA
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