mercredi 29 décembre 2010

Côte d'Ivoire - Convaincre Gbagbo ?

(La Libre 29/12/2010)
Trois chefs d’Etat africains ont tenté mardi de convaincre Laurent Gbagbo de céder le pouvoir. 19 000 Ivoiriens ont fui au Liberia voisin.
Trois chefs d’Etat ouest-africains ont été reçus mardi en début d’après-midi par Laurent Gbagbo au palais présidentiel qu’il refuse de quitter, à Abidjan, la capitale économique de la Côte-d’Ivoire. M. Gbagbo a donné l’accolade à chacun - les présidents Yayi Boni du Bénin, Pedro Pires du Cap-Vert et Ernest Koroma de Sierra Leone - avant la rencontre.
Rien n’avait filtré de ces entretiens mardi soir, sinon qu’une manifestation potentiellement violente prévue mercredi par le camp Gbagbo a été annulée. On sait que les trois chefs d’Etat devaient persuader le perdant des élections du 28 novembre de quitter la présidence de son propre gré, faute de quoi les pays voisins pourraient recourir à la force contre lui. M. Gbagbo a déjà rétorqué que dans un tel cas, les ressortissants de ces pays en Côte d’Ivoire seraient la cible de représailles.
A l’issue de cette rencontre, les trois chefs d’Etat devaient rencontrer le président élu, Alassane Ouattara, confiné dans un hôtel d’Abidjan avec le gouvernement, l’armée, qui a fait allégeance à Laurent Gbagbo, assiégeant les lieux.
La CEDEAO (organisation régionale ouest-africaine) et l’Union africaine ont toutes deux demandé à Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à son vainqueur. Lundi dernier, la seconde a demandé au Premier ministre du Kenya, Raila Odinga, de coordonner les efforts de l’organisation panafricaine pour résoudre la crise.
M. Odinga est Premier ministre à la suite d’un accord de 2008 entre lui et le président Mwai Kibaki. Rivaux à la présidentielle de Noël 2007, ils affirmèrent chacun avoir gagné alors que le décompte des votes avait été suspendu lorsque le président sortant, Mwai Kibaki, sembla perdre. De graves violences ethnico-politiques (1 500 morts et 600 000 déplacés) avaient poussé la communauté internationale à faire pression pour cet accord de partage du pouvoir entre les deux hommes, dont M. Odinga a récemment récusé le bien-fondé. Ce ne devrait donc pas être une solution qu’il soutiendrait pour la Côte-d’Ivoire.
L’Union africaine "soutient la mission" effectuée mardi à Abidjan par les trois chefs d’Etat ouest-africains et a souhaité qu’elle permette "d’enclencher une dynamique salutaire qui soit de nature à préserver les acquis de la démocratie en Côte-d’Ivoire".
Abidjan était quant à elle, mardi, dans l’attente de la grande marche annoncée pour ce mercredi par un des principaux chefs de milice de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, sous le coup de sanctions de l’Onu depuis 2006 pour sa responsabilité dans des violences contre des civils désarmés durant la guerre civile (2002-2004). Cette marche a toutefois été annulée mardi soir, apparemment sur ordre de M. Gbagbo, "pour donner une chance à la diplomatie", selon Blé Goudé.
La peur frappe aussi les populations des provinces, en particulier à l’ouest du pays, d’où un peu plus de 19 000 personnes - de moins de 18 ans pour 62 % d’entre eux - ont pris la fuite vers le Liberia. "La majorité sont des pro-Ouattara. Depuis quelques jours, il y a des pro-Gbagbo", a indiqué une porte-parole du Haut Commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR).
Ces réfugiés viennent essentiellement des villes de Danané (en zone pro-Ouattara) et Guiglo (en zone pro-Gbagbo). Le HCR a accusé les Forces nouvelles (FN, ex-rebelles nordistes; pro-Ouattara) qui tiennent encore le nord de la Côte-d’Ivoire, d’empêcher les civils de fuir vers le Liberia. Leur porte-parole a nié et accusé "des miliciens libériens (agissant comme mercenaires) appuyés par des éléments de la garde républicaine" (garde prétorienne de Gbagbo) d’avoir attaqué Zouanhouan et ses environs (à 30 km de danané), obligeant la population à fuir.
A Abidjan, a dénoncé l’organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW), "les forces de sécurité liées à Laurent Gbagbo se livrent à des enlèvements et à des "disparitions" de partisans de son rival", dont certains réapparaissent morts, abattus par balles. "Les dirigeants ivoiriens qui ordonnent et encouragent pareilles violations graves des droits humains pourraient être tenus pour responsables de leurs actes par la Cour pénale internationale" (CPI), a jugé HRW.
L’organisation a dénoncé les "incitations à la violence" contre les casques bleus par Blé Goudé et le "recrutement de mercenaires libériens par les forces gouvernementales pro-Gbagbo" depuis le début décembre.

MFC
Mis en ligne le 29/12/2010
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