(Le Pays 31/12/2010)
Tempête politique sur la capitale sénégalaise au moment où se termine la 3e édition du Festival mondial des arts nègres (FESMAN). Visiblement, la vision nouvelle "d’une Afrique libérée, fière, créative et optimiste" que devait incarner cette grande manifestation culturelle n’est pas partagée par tous. Et c’est en voulant exprimer son désaccord que l’opposition s’est vu interdite de manifester au Sénégal.
En effet, dans ce pays en proie à diverses crises, notamment le problème de l’énergie, de l’eau et du chômage, l’opportunité de cette fête culturelle peut-être sujette à caution. Peut-on se réjouir devant des spectacles de danse et de musique quand le ventre crie famine et que dans les quartiers on attend le "jus" à tour de rôle ? Mieux, le régime de Wade n’a pas montré patte blanche dans la gestion des fonds (quelque 30 milliards de F CFA), ce qui a augmenté la colère des opposants. Enfin, le président sénégalais semble n’avoir pas encore tiré leçon de la tenue du sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI).
Parce qu’il en avait confié la responsabilité à son fils Karim Wade, il y avait eu une levée de boucliers, jusque dans les rangs du pouvoir, consécutive à des accusations de détournements. Cette fois-ci, c’est sa fille qui a assuré la coprésidence de l’organisation du FESMAN. Ce qui fait dire aux opposants que Wade a érigé la gestion patrimoniale de l’Etat en système. Pour toutes ces raisons, l’opposition a bien le droit de manifester, même si on peut lui rétorquer que le bien-fondé du FESMAN ne peut être contesté.
En effet, c’est par de telles actions, si elles sont bien organisées, que l’on peut véritablement donner un coup de pouce à la culture et aux artistes. Mais, en voulant bâillonner son opposition parce qu’allergique à la contestation, Wade lui a permis de se faire entendre partout, même sans avoir marché. Les arguments qui ont été avancés ne peuvent pas masquer l’agacement du régime qui voulait éviter que l’on gâche une fête aussi grandiose, à l’image des ambitions souvent démesurées du président sénégalais.
En tout cas, Wade, une fois de plus, vient de montrer qu’il ne tolère pas la contradiction. Pourtant, le Sénégal est un pays de tradition démocratique. Et nul doute qu’il survivra à tous les coups de boutoir que lui a donnés Wade, depuis son arrivée au pouvoir.
Dayang-ne-Wendé P. SILGA
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