(Le Pays 30/12/2010)
Le président sortant de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, est en passe de devenir plus que jamais un héros aux yeux de ses thuriféraires. Il a réussi, envers et contre tous, à se maintenir sur un fauteuil présidentiel que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il l’a usurpé, et ce, en dépit de la pression internationale qui s’acharne contre lui.
Pour tout dire, Gbagbo finira par réussir son pari d’autant que, jusque-là, les mesures coercitives prises à son encontre, n’ont vraisemblablement pas produit l’effet escompté qui est de le faire partir du pouvoir. De plus, la CEDEAO vient de décider de mettre en stand-by toute option militaire, ce qui laisse un répit supplémentaire à Gbagbo. La guerre actuelle entre Gbagbo et la communauté internationale ressemble mutatis mutandis au fabuleux combat entre David et le géant philistin, Goliath. Les jours passent, la pression s’accentue, mais Gbagbo est là. Personne n’aurait parié un kopeck que ce personnage excentrique digne d’un Mamadou Tandja, aurait pu continuer à défier et à narguer la communauté internationale, tout en confisquant le pouvoir.
En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que les trois présidents, Boni Yayi du Bénin, Ernest Koroma de la Sierra-Léone, et Pedro Pires du Cap-Vert, qui avaient été mandatés par la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) pour négocier le départ de Laurent Gbagbo, n’ont, sans surprise, pas réussi à le faire fléchir d’un iota. Ce dernier, du reste, s’est employé à démontrer la légalité de son maintien au pouvoir. Autant dire que les voies diplomatiques ont échoué, puisque Gbagbo ne veut pas entendre raison. Toutes proportions gardées, on a parfois l’impression que Gbagbo souffre d’une pathologie schizophrénique et paranoïaque. Il dit "o" là où tout le monde voit "a". Pourtant, pas plus tard qu’en 1999, il disait ceci à propos de Slobodan Milosevic : "Quand dans un village, tout le monde voit un pagne en blanc et que vous êtes le seul à le voir en noir, c’est que vous avez un problème". Gbagbo a donc un problème.
Qu’il ait l’humilité de le reconnaître afin qu’on lui apporte une cure psychanalytique. On a tout lieu de croire qu’il a peur de se retrouver à nouveau dans l’opposition, persécuté qu’il fut durant son parcours politique. Les garanties que lui propose son rival Alassane Dramane Ouattara, notamment l’exemption de poursuites judiciaires et la reconnaissance de son statut d’ancien chef d’Etat, ne semblent pas le rasséréner. Et entêté qu’il est, il s’agrippe toujours au pouvoir.
La communauté internationale doit nécessairement adopter une nouvelle stratégie afin d’extirper Gbagbo du Palais de Cocody et le remettre à son légitime locataire, Alassane Dramane Ouattara, reclus avec son gouvernement, à l’hôtel du Golf, depuis plus d’un mois. Cela y va aussi de sa crédibilité et de son hégémonie. En brandissant la menace de représailles diplomatiques contre tous les Etats qui reconnaîtront les ambassadeurs nommés par son rival Alassane Ouattara, Gbagbo a franchi le Rubicon en démontrant une fois de plus, si besoin en était encore, qu’il se considère plus que jamais maître du jeu. Sans doute donc que toutes les chancelleries mettront la clé sous le paillasson, au regard de la quasi unanime position des différents Etats. Gbagbo joue au dur et à l’indocile, développant ainsi des stratégies pour diviser la communauté internationale. Inadmissible et insupportable est surtout l’attaque d’un convoi de l’ONUCI à Yopougon, au moment même où séjournait la troïka de la CEDEAO en Côte d’Ivoire. En réalité, Gbagbo a subtilement déclaré la guerre à la communauté internationale en actionnant ses soi-disant "patriotes" qui n’hésitent pas à se jeter en pâture pour défendre de sombres desseins politiques. Le général de la rue et de la pagaille, Charles Blé Goudé, ne disait-il pas avoir reporté sine die son "assaut final pour la libération totale de la Côte d’Ivoire", sous prétexte qu’il voulait donner plus de chances à la diplomatie ? Quid alors de ces attaques isolées contre les Casques bleus dont la mission essentielle est de protéger les civils ? Sans être dupe, Gbagbo et son clan ourdissent une conspiration contre les forces impartiales en présence.
Au total, que fera maintenant la CEDEAO ? Doit-elle laisser tout le temps à Gbagbo pour qu’il continue à asseoir ses tentacules ? De toute façon, la mission de la dernière chance ayant accouché d’une souris, on attendait des résolutions plus contraignantes qu’un autre ballet diplomatique qui ne fait que retarder l’échéance. En tout cas, Gbagbo aura réussi son pari. Celui de rester au pouvoir contre vents et marées.
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