(Le Figaro 31/12/2010)
Nommé ministre de la Jeunesse, le chef des Jeunes Patriotes est l'aboyeur de Laurent Gbagbo.
Il a suffi que la situation en Côte d'Ivoire se détériore pour le voir revivre. Depuis un mois, depuis le début de la crise politique, Charles Blé Goudé est de retour. Costume un rien trop chic, le désormais ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo s'invite très régulièrement sur les plateaux de la télévision nationale, sourire carnassier et messages ambigus. Laurent Gbagbo lui a confié le rôle d'aboyeur, et il s'en acquitte avec un certain professionnalisme. D'abord parler de paix, de calme, de respect des étrangers, puis, inévitablement, se faire ensuite menaçant : «Qu'ils s'avisent de toucher un cheveu de M. Gbagbo et ils le regretteront.» Mercredi, il s'en est pris à ses adversaires politiques affirmant qu'il marcherait dimanche avec ses troupes «à mains nues » vers l'hôtel du Golf. Dans cet établissement, où Alassane Ouattara est réfugié avec les siens, l'annonce a fait sourire. «Nous l'attendons avec des fleurs. »
Mais derrière ces blagues, personne ne s'avise plus d'oublier Blé Goudé. Malgré ses 39 ans, l'homme reste le chef des Jeunes Patriotes, un groupe furieusement pro-Gbagbo qui dispose d'une forte capacité de nuisance. En 2004, après la destruction de l'aviation ivoirienne par l'armée française, c'est déjà par un message télévisé qu'il avait appelé aux manifestations hostiles aux étrangers en général et aux Français en particulier. La foule était descendue en masse dans la rue poussant 7000 Français à s'enfuir et les soldats tricolores à ouvrir le feu. Charles Blé Goudé y avait gagné le surnom de «général de la jeunesse» et des sanctions de l'ONU jamais levées.
Un charisme indéniable
Certes, l'époque a changé. Mais, sans l'avouer, celui qui se compare volontiers à Kwame Nkrumah voire à Gandhi compte sur ses années d'expérience pour rebondir. Ses échecs scolaires ne l'ont pas empêché de prendre la tête en 1998 de la puissance Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci). Le mouvement, longtemps dirigé par Laurent Gbagbo, est une vraie matrice de la politique ivoirienne. Il y succède d'ailleurs à un certain Guillaume Soro.
Depuis trois semaines, le «général» n'a de cesse de mobiliser ses troupes, enchaînant les meetings dans les quartiers favorables à Laurent Gbagbo. Sur scène, sans notes, Charles Blé Goudé fait jouer son indéniable charisme et sa mauvaise foi pour électriser les partisans. «Soyez prêts», hurle-t-il. En filigrane, se dessine la technique éprouvée de mobilisation des foules civiles pour s'opposer à la force. L'ONU en a eu un avant-goût. Mardi, l'une de ses patrouilles fut ainsi bloquée par des militants déchaînés dans une rue de Yopougon, un fief gbagbiste d'Abidjan. Jeudi, c'est à Abobo mercredi que des casques bleus ont été pris à parti.
Malgré ces signes inquiétants, Charles Blé Goudé semble avoir perdu de sa superbe. Récemment, dans une interview, il avouait que le rôle de rebelle sur commande lui pesait un peu. «On n'est jamais rebelle pour la vie ou alors on termine comme Charles Taylor ou Savimbi.» La morale n'a sans doute pas beaucoup à voir dans cette prise de conscience. Charles Blé Goudé, le militant, est entre-temps devenu un homme d'affaire prospère. Selon un télégramme diplomatique américain révélé pat WikiLeaks et Le Monde, il aurait grâce aux réseaux financiers de Laurent Gbagbo «des intérêts conséquents dans des hôtels, boîtes de nuit, restaurants, stations-service et dans l'immobilier en Côte d'Ivoire.»
Par Tanguy Berthemet
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