mardi 28 décembre 2010

Guinée - Cellou Dalein Diallo, bon perdant

(Liberation 28/12/2010)
Cellou Dalein Diallo partait favori pour le second tour de l'élection présidentielle de Guinée – un processus dont le dénouement a été éclipsé par la Côte d'Ivoire. Il a accepté sa défaite, malgré le refus de la Cour suprême d'examiner ses recours, nombreux. Si le vote dans les circonscriptions où les irrégularités ont été les plus flagrantes avait été annulé, le candidat de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), crédité de 43,6% des suffrages au premier tour, affirme qu'il l'aurait emporté. Aujourd'hui, Cellou Dalein Diallo envisage son avenir comme celui d'un opposant. Il prépare les législatives, dont la date n'a pas été fixée, et espère emporter une majorité à l'Assemblée nationale.
Comment évaluez-vous la situation en Côte d'Ivoire ?
C'est vraiment déplorable. Je connais les deux acteurs, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. En Guinée, je me suis conformé aux résultats publiés par la Cour suprême, l'équivalent du Conseil constitutionnel ivoirien, sans être convaincu. La fragilité des institutions pose toujours problème en Afrique. Accepter les résultats m'a donné une nouvelle dimension. J'ai reçu les félicitations de Ban Ki-Moon, de Kofi Annan, du ministre britannique des Affaires étrangères et de Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée. J'ai fait le bon choix, alors que beaucoup de gens ont compris qu'avec près de 44 % des voix au premier tour, j'aurais pu revendiquer une victoire.
Pourquoi vous êtes-vous rangé aux résultats proclamés par la Cour suprême ?
Je suis déçu, bien entendu, des résultats du second tour, et du refus de la Cour suprême d'examiner mes réclamations. Il y a eu bourrage d'urnes en Haute-Guinée et en Guinée forestière. Je me suis rangé aux résultats pour préserver la paix et l'unité nationale. La contestation des résultats impliquait leur refus par mes partisans, qui sont des jeunes nerveux et déterminés. Les affrontements auraient été préjudiciables à l'unité nationale, la majorité de mes partisans étant issus d'une ethnie, les Peuls.
Y a-t-il eu répression dirigée contre les Peuls après la proclamation des résultats ?
C'est la première fois, en Guinée, que nous connaissons des violences de cette nature. Il y a eu 12 morts et 600 personnes arrêtées après la proclamation des résultats provisoires, et 10 femmes violées dans la ville de Labé par des militaires. Les Peuls sont accusés de tous les maux : d'avoir les bonnes terres, de concentrer tout le pouvoir économique, d'avoir empoisonné avec de l'eau les partisans d'Alpha Condé pendant un meeting, de la même manière que les Juifs, en Europe, ont été accusés d'avoir empoisonné les puits au Moyen-Age. J'ai toujours dit, et je le répète aujourd'hui, qu'il ne faut pas tomber dans le piège du tribalisme. Je le dis à mes partisans à Conakry et tout particulièrement à mes partisans peuls : le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) a fait une incitation à la haine contre vous, mais montrons-nous dignes, évitons de tomber dans le piège et soyons fidèles à nos principes. Tous les Guinéens sont égaux. Il faut que les valeurs républicaines soient maintenues. Travaillons pour restaurer la confiance. Ceux qui se sont laissés entraîner par cette folie, essayons de les récupérer...
Avez-vous commis une erreur en ne communiquant pas mieux sur le caractère non ethnique de votre candidature ?
Si des faiblesses ont été dénoncées, elles ne concernent pas ce sujet. J'ai toujours eu un discours responsable et j'ai fait campagne à travers toutes les préfectures du pays, alors qu'Alpha Condé ne s'est pas rendu dans le Fouta Djallon. J'ai essayé de rassembler au-delà de mon ethnie, et j'ai réussi. Pour me combattre, mes adversaires m'ont collé une étiquette de candidat des Peuls, par jalousie à l'égard des Peuls, considérés comme plus riches et plus intelligents. Au premier tour, nous étions 24 candidats, et la question ne se posait pas. Au second tour, il y avait un candidat peul et un autre. Le camp adverse s'est dit : s'ils prennent le pouvoir, c'est pour 100 ans, et c'est fini pour les autres.
Après sa victoire, Alpha Condé a continué de fustiger la « mafia » des commerçants peuls. Comment réagissez-vous ?
Ces commerçants sont des sympathisants de mon parti. Il estime que c'est une mafia qui s'est enrichie par la fraude, alors que notre diaspora est dynamique et a fait fortune en Angola, à Hong Kong, à Singapour, en Afrique du Sud et au Botswana. Je sens venir vers moi toute une partie de l'opinion peule qui se sent visée par ces attaques. Or, mon parti est national, et mon directeur de campagne s'appelle Fofana (un nom malinké, ndlr). Nous serons les pionniers de la construction d'une Guinée unie et prospère.
Il a été question d'un gouvernement d'union nationale avant le second tour. Alpha Condé vous a-t-il sollicité ?
Non, il ne m'a rien proposé, mais de toute façon, je décline. J'entends rester dans une opposition responsable, civique et constructive.

Par Sabine Cessou
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