(Afriscoop 24/03/2011)
Analyse. (AfriSCOOP Analyse) — Le 19 mars dernier, le ministre de la Justice Cheikh Tidiane Sy a interrompu les programmes de la télévision nationale sénégalaise pour annoncer un coup d’État en préparation, pour renverser le régime de Abdoulaye Wade. L’argumentation était très à la fois laborieuse, mal pensée et peu convaincante. Tout simplement parce qu’il mentait sciemment. Il accusait des jeunes d’essayer de fabriquer des armes et s’en servir pour commettre un putsch. En vraie démocratie, le coup d’État est toujours horrible, quelque soit la motivation de ses auteurs.
C’est connu depuis des siècles. Le recours au mensonge est une vieille arme qui a pendant longtemps servi à des régimes de se maintenir ou même d’être un alibi pour commettre des crimes horribles. Mentir pour se maintenir ou pour obtenir quoique ce soit est un énorme manquement moral que tout dépositaire d’un quelconque pouvoir doit pouvoir jurer d’éviter. Surtout quand on a juré, devant le Président de la république d’arrêter de mentir ; ce qui n’est d’ailleurs pas une obligation constitutionnelle.
Le mensonge peut être une tentation, mais jamais un choix. Depuis le début de cette affaire, les maladresses, les gaffes et les gaucheries se sont poursuivies. Quand un ministre, noble serviteur de la cause publique ment et se fait découvrir, il doit démissionner ou être démis. En plus de trainer une réputation d’un homme de main fourbe, sournois, bas et retors, Cheikh Tidiane Sy vient de démontrer qu’il est un fieffé menteur. Qui n’a ni principes ni scrupules ni valeurs. Ceux qui ont la charge de conduire des charges publiques aussi importantes que la Justice doivent mettre en avant les principes moraux et éthiques qui encadrent leur fonction.
Pour un pays qui s’enorgueillit d’un long passé démocratique, qui n’a jamais connu de renversement, surtout en Afrique, l’annonce d’un coup d’État n’est pas une farce. Le régime de l’alternance nous a souvent fait part de coup d’État avec divers qualificatifs ; « couché », « rampant » et « debout », sans jamais nous énumérer des faits solides pour étayer leurs thèses. Mentir par omission est une chose, mentir sciemment en est une autre que personne ne doit pardonner à un ministre.
Et maintenant, ces jeunes qui étaient déférés sous prétexte qu’ils tentaient de défaire ce que le suffrage universel a noué, comment pourront ils se remettre d’une aussi ignoble accusation ? Et pourtant, ils se réunissaient pour exercer un droit fondamental reconnu par notre Constitution : le droit à l’expression. S’en prendre à un citoyen tout en sachant qu’il n’a commis ni tenté de commettre un délit ou un crime est illégal et immoral. Si tant est qu’on se préoccupe de respecter les lois qu’un ministre de la Justice est censé faire respecter. Il ne suffit pas que le gouvernement recule pour que cela finisse en eau de boudin. Personne pas plus que lui-même ne croyait que des jeunes sénégalais peuvent en deux jours fabriquer des armes qui vont servir à renverser le régime.
Avec un pareil ministre de Justice sommes-nous sûrs que nos droits inaliénables seront respectés ? Comment en aurait-on la preuve si celui qui incarne l’étalon le plus élevé de notre système judiciaire veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ou des innocents pour des coupables ? Le ministre de la Justice est là pour doit être plus soucieux de défendre la vérité qu’un régime qui serait menacé par autre chose-son incurie et son incapacité à régler les préoccupations des sénégalais- qu’un coup d’État. Comment peut on continuer d’être le ministre de la Justice si on symbolise soit même le mensonge ?
Quelqu’un qui est prêt à s’appuyer sur le mensonge pour faire arrêter des innocents dans le but de défendre un gouvernement pourra t il dire la vérité si ce même gouvernement perdait son mandat par la sanction du suffrage universel ? Il s’agit d’un précédent dangereux qui ne peut trouver aucune excuse. La désignation de bouc émissaire et l’externalisation du mal sont toujours dangereuses.
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