(L'Avenir Quotidien 24/03/2011)
L’Iccn, Institut congolais pour la conservation de la nature mène au secteur pétrolier une guerre que sous d’autres cieux on assimilerait à de la naïveté. Cet institut demande à la Rdc de renoncer au pétrole au profit de la conservation de la nature. Pendant ce temps, deuxième poumon du monde après Amazone, la Rdc ne bénéficie rien en compensation.
Le réalisme aurait pourtant voulu que la Rdc cherche à ménager et les explorations pétrolières et la conservation de la nature. Les deux objectifs ne sont pas nécessairement opposés. Pour parler sincèrement, le pétrole peut aider à la conservation de la nature en produisant les moyens qui manquent toujours. Mais le contraire n’est pas vrai. Il n’est donc pas acceptable que l’Iccn fasse de la Rdc un objet des slogans mondiaux sur la conservation de la nature. Si tel était le cas, les Usa, la Chine et les autres pays industriels du monde, muvais élèves en conservation de la nature, n’auraient plus de place dans le concert des nations. On peut dire que la suspension des prospections pourtant autorisées par le Chef de l’Etat, cache quelque chose qu’il faut à tout prix découvrir. On peut pour compenser la partie exploitée, en allant aménager un parc ailleurs, mais on ne peut pas trouver du pétrole partout en conservant le parc Virunga. C’est donc une question essentielle de choix pour l’avenir du pays. Il n’est donc pas question que certains individus imposent les lunettes des intérêts obscurs.
La petite histoire du bras de fer
Pour la petite histoire, le ministre de l’Environnement, conservation de la nature et tourisme, par un arrêté du 17 mars 2011, suspendait les activités de prospection pétrolière de la société Soco exploration and production DRC, filière du groupe britannique SOCO international, dans le bloc V du Graben Albertine. Par le temps qui court, telle décision ne pouvait qu’apparaître normale parce qu’elle a pour motivation la protection de la nature et de l’environnement. En outre, la décision est normale lorsqu’on sait qu’il s’agit du Parc national de Virunga, classé patrimoine mondial de l’humanité. En effet, faut-il rappeler, il est question d’exploration pétrolière sur une superficie de près de 50% du parc. Raison pour laquelle, dans une sorte d’émotion, les médias nationaux ont fait de cette affaire leurs choux gras. Peut-on résoudre cette question qui engage l’avenir économique du pays dans la passion ? C’est pourquoi, estimons-nous qu’il faille examiner la question à fond. Car, lorsqu’on entre dans le fond de la question et dans la forme de la décision du ministre de l’Environnement, on peut ne pas découvrir certaines bourdes qui frisent le scandale.
L’accord gouvernement-Soco
En effet, pour rappel, le 5 décembre 2007 le Gouvernement congolais a signé le contrat de partage de production pétrolière (CPP) avec l’association SOCO exploration-production DRC, dominion Pétroleum Congo et la Congolaise des Hydrocarbures (COHYDRO). A travers ce contrat, le Gouvernement de la RDC, dûment représenté par les ministres des Hydrocarbures et celui des Finances avait accordé à SOCO RDC l’autorisation de faire les activités d’exploration et d’exploitation du pétrole dans le bloc V du Graben Albertine. Quelques mois plus tard, ce contrat de partage de production a été examiné, discuté puis adopté en plein conseil de ministres du gouvernement. Et pour couronner la démarche juridique, le CPP de SOCO pour le Graben a été approuvé par l’ordonnance présidentielle n° 10/044 du 18 juin 2010.
Il ne s’agit plus ici de l’initiative d’un candidat à l’Investissement ni d’un arrêté ministériel mais d’une décision du Président de la République, Chef de l’Etat, garant du bon fonctionnement des institutions nationales et magistrat suprême du pays. Et ceux qui connaissent le droit et les règles élémentaires en matière d’administration le savent, au nom du parallélisme de compétence, on ne peut pas remettre en cause une ordonnance présidentielle par un arrêté ministériel. On ne peut bloquer la délibération d’un conseil des ministres qui représente tout le gouvernement par une circulaire ministérielle. Bien plus, un ministre ne peut pas en solo remettre en cause, par un communiqué de presse, un arrêté interministériel c’est-à-dire signé par plusieurs ministres. C’est pourtant ce qu’a fait le ministre de l’Environnement. On croit pourtant savoir qu’après études en cours, le gouvernement serait amené à évaluer et à prendre les dispositions en vue de concilier l’exploitation pétrolière et la conservation de l’environnement. Au Conseil des ministres, il reviendrait donc au numéro un de l’Environnement d’aligner les arguments pour convaincre ses pairs. La décision reviendrait des délibérations du Conseil et non d’un ministre qui s’octroierait les pouvoirs de tout un gouvernement. Pourquoi aller jusqu’à remettre en cause une ordonnance présidentielle ?
Une violation du principe de collégialité
Il y a donc de raisons que d’aucuns considèrent ce geste comme un acte d’insubordination sinon d’indiscipline de la part du ministre de l’Environnement. Ils ont également raison ceux qui voient dans cet agir du patron de l’Environnement un manque de solidarité avec non seulement ses collègues des Hydrocarbures et des Finances, mais aussi avec l’ensemble de l’équipe gouvernementale. Rappelons que c’est le ministre des Hydrocarbures qui chapote les travaux d’exploration comme celle d’exploitation et de distribution pétrolière. Imaginez son étonnement lorsque son collègue de l’Environnement suspend les travaux sans s’en référer à qui que ce soit. Tel acte qui tend à faire croire qu’il y aurait dysfonctionnement du gouvernement, ne devrait pas être impuni sous d’autres cieux.
Jusqu’où laissera-t-on faire en Rdc au point d’élargir le cercle des émules ? Il faut éviter que tels dérapages deviennent la règle au point de voir tout le monde y verser. Cette affaire, dans le cas où la décision du ministre de l’Environnement trouverait un écho favorable, même à travers un mutisme qui laisserait la place à la politique d’usure, devra amener le gouvernement à revoir sa position. Cela signifierait remonter la filière de la décision jusqu’à la déportation de l’ordonnance présidentielle. Ce sera une grande première dans ce pays. Ce sera une façon d’ouvrir la brèche. Car, désormais, chaque ministère qui ne trouvera pas son compte dans une action engagée ou coordonnée par l’un de ses collègues, en dépit de la sanction par l’ordonnance présidentielle, chercherait à bloquer la démarche par cette manière qui fera désormais jurisprudence. Telle que la chose a été présentée, on a fait croire que la société Soco aurait déjà commencé dans le Bloc V du Graben la campagne sismique qui est la première étape de l’exploitation pétrolière.
Le cas du bloc de Nganzi
Car, cette société, nous a-t-on fait savoir, entend respecter en la matière, la procédure appliquée dans le cas du bloc Nganzi dans le bassin côtier dans la province du Bas-Congo. Il nous revient également que cette compagnie avait réalisé les campagnes d’exploitation aéro-gravimétrique, sismiques et des forages sans polluer 10 m2 de l’environnement, sans tuer une seule antilope ou un seul serpent.
Pourquoi pense-t-on qu’il en sera autrement au bloc V du Graben ? Pour quelle raison a-t-on parlé d’exploration pétrolière et de la suspension des activités au bloc V du Graben ? En quelque sorte, on a suspendu les activités qui n’ont même pas encore commencé. C’est aussi une contre-vérité que de penser que l’exploration pétrolière viserait de raser le parc. Comme on l’a dit, l’Etat peut s’organiser afin de ménager et la nature et l’exploitation pétrolière. Dans le cadre de sa souveraineté, l’Etat congolais peut redimensionner, déplacer et créer des parcs sans déroger à la nécessité de conserver la nature. La communauté internationale a le droit d’accompagner les initiatives de la Rdc et non de les inhiber. C’est aussi faux de dire à l’opinion que la société civile et la population sont contre le projet SOCO exploration-production. Bien au contraire, de Rutsuru à Beni en passant par Rumangabo, Nyakakoma, Vitsumbi et Tshavinyonge, la population du Nord-kivu, souvent victime des actes gratuits de brimades des gardes-parcs de I’ICCN et qui ne voit jamais venir la manne que ferait tomber l’UNESCO, attend plutôt bénéficier autrement de cette richesse de son sol, que dis-je de son sous-sol avec l’implantation de Soco. Les images diffusées dernièrement par les télévisions de Kinshasa, avec la marée humaine qui a accueilli les représentants de SOCO dans les localités du Nord-Kivu en est une preuve suffisante.
Si on organisait un sondage à ce sujet, on s’imagine d’avance le résultat. Par conséquent, le gouvernement avec le Chef de l’Etat en tête, écoutera cette aspiration légitime de la population afin de ne pas faire rater à la Rdc sa chance de devenir un pays pétrolier en ce moment où la question de l’énergie se pose avec acuité, sans renoncer à sa vocation de poumon du monde.
JDG
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