(Congo Libre 23/03/2011)
La conférence des Présidents des parlements de la Communauté Economique des pays des Grands Lacs (CEPGL) s’est tenue à Kigali le 09 mars 2011. Un texte y a été adopté concernant la création d’une force militaire régionale de la RDC, du Rwanda et du Burundi.
Nul n’est besoin de rappeler que ces deux pays limitrophes et l’Ouganda ont participé au pillage des ressources du sol et du sous-sol de la RD Congo. Leurs armées ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes pouvant s’apparenter au génocide sur notre sol. Cela avec la complicité des élites compradores de notre pays. Le rapport Mapping publié au mois d’octobre 2010 en témoigne. Logiquement, il aurait mieux fallu que le parlement congolais se penche sur ce rapport et exige la mise sur pied des tribunaux mixtes pouvant juger tous ces crimes commis chez nous depuis « la guerre d’agression de 1996 ».
Malheureusement, ce parlement héberge en son sein certains individus ayant trempé dans lesdits crimes. Ils ont donc intérêt à soutenir un ordre politique fondé sur le manque de justice et l’impunité. Les petites opérations sélectives dénommées « tolérance zéro » constituent de la poudre jetée aux yeux de nos populations. (Une véritable opération « tolérance zéro romprait avec l’ordre politique actuel fondé sur la sécurisation des criminels de guerre, des criminels contre l’humanité et autres criminels économiques tels qu’ils sont désignés dans les différents rapports de l’ONU, dans ceux des commissions Lutundula, Bakandejà, etc.)
La création d’une force militaire régionale de la RDC, du Rwanda et de la RD Congo s’inscrit dans ce contexte de protection mutuelle que s’offrent ces criminels aux dépens de grandes masses de nos populations. Elle est une officialisation de l’infiltration des (militaires) démobilisées de ces deux pays limitrophes chez nous et une confirmation des alliances du genre AMP-CNDP, en marge de toute exigence de justice juste et au nom de la paix des cimetières.
La création d’une force militaire régionale avec deux pays agresseurs des populations congolaises est un défi lancé aux Congolais(es) croyant dans la capacité des urnes de renverser les rapports de forces, sous une armée d’occupation. Elle les interroge sur leur connaissance des réels enjeux face auxquels notre pays est en proie. Elle est un signal indiquant que tout ne se jouera pas dans les urnes ; la RD Congo étant au cœur des enjeux géostratégiques, géoéconomiques et géopolitiques très sérieux.
La création d’une force militaire régionale obéit à la logique du maintien de l’équilibre et de la stabilité régionaux. Qu’est-ce que cela veut dire ? La reconduction (après les élections ?) à la tête de leurs pays des dictateurs du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda, employés des trans et multinationales, impose, pour maintenir l’équilibre régional, la reconduction de « Joseph Kabila » ou d’un autre homme lige en RD Congo. « Les petites mains » des trans et multinationales y veillent. Et ce maintien de l’équilibre régional signifie tout simplement le fait que la RD Congo ait en permanence un pouvoir faible, incapable d’assumer les fonctions régaliennes d’un Etat classique, c’est-à-dire d’assurer les droits sociaux, économiques et culturels des populations ; d’assurer la justice sociale.
Et pour que cet équilibre soit stable (au profit des cosmocrates), il faut une armée et une police fortes, bien formées et bien équipées. Aux dires de grandes puissances agissant dans notre région, c’est l’armée rwandaise, à dominance tutsi, qui est capable de veiller à cette stabilité. (Une trentaine de ses membres font partie de l’actuelle garde rapprochée de « Joseph Kabila »). C’est-à-dire cette armée dont le chef et plusieurs membres sont impliqués dans les crimes commis chez nous depuis 1996 et décriés dans le dernier rapport du HCDH du mois d’octobre 2010. Voilà comment la boucle est en train de se boucler.
Pendant ce temps, à Kinshasa et dans certaines provinces de la RD Congo, les partis politiques et la société civile épiloguent autour des élections sans que nous sentions comment ils intègrent cette donne de l’équilibre et de la stabilité régionaux voulus par « les maîtres du monde et ceux qui leur obéissent » dans leurs débats.
La chose se complique davantage quand ces partis politiques et une certaine partie de la société civile s’en remettent aux soins de la communauté dite internationale (c’est-à-dire aux petites mains des trans et multinationales) afin qu’elle participe au financement des hypothétiques élections et les observe. C’est comme s’ils ne comprenaient pas qu’il n’est pas dans l’intérêt de cette communauté dite internationale de rompre l’équilibre régional tel qu’elle l’a conçu.
Il y a là un sérieux problème de renversement des rapports de force. Les Tunisiens et les Egyptiens qui l’ont compris ont travaillé et travaillent encore durement à la rupture avec l’ordre dictatorial soutenu par la communauté dite internationale. D’autres peuples arables sont en train de leur emboîter le pas. Tous prouvent, les uns mieux que les autres, que la fameuse communauté internationale vacille là où les peuples se mettent debout, sans peur, pour devenir, contre vents et marées, les responsables de leur destin. Les débuts de véritables changements partent d’en bas et créent des synergies porteuses d’un autre devenir commun.
Dans certaines de ses composantes, la diaspora congolaise et certaines forces de changement au pays seraient en train de maîtriser cette voie de la sagesse politique citoyenne. Ils doivent aller plus loin.
J.-P. Mbelu
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