mercredi 30 mars 2011

Libye - Washington et Paris évoquent un armement des insurgés en Libye

(Challenges 30/03/2011)

Le "groupe de contact" sur la Libye a affiché son unité à Londres autour du constat que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi doit partir.
Sur le terrain. Mardi en fin d'après-midi, des avions ont survolé Tripoli et de fortes explosions ont secoué la ville peu après, dont deux dans le secteur de la résidence du colonel Kadhafi, selon un journaliste de l'AFP. Et sept fortes détonations ont retenti à Tajoura, un secteur visé presque chaque jour par la coalition. Selon des témoins, un site de radars a été touché.
A 200 km plus à l'est, les forces pro-Kadhafi continuaient de progresser dans Misrata, ville rebelle assiégée par l'armée régulière, selon les rebelles à Benghazi, qui redoutaient "un massacre".
Dans l'Est, après avoir rapidement progressé ces derniers jours, les rebelles visaient Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi, mais ils ont reculé sous le feu des forces régulières, à plus d'une centaine de kilomètres de leur objectif, selon des journalistes de l'AFP.
Aucune frappe aérienne n'a eu lieu contre l'armée libyenne sur la route de Syrte depuis plus de 24 heures. L'appui aérien est essentiel aux rebelles, plus des manifestants en armes qu'une véritable force combattante.
Le Pentagone a annoncé quatre sorties aériennes au cours des dernières 24 heures ainsi que le tir de 22 Tomahawk contre des entrepôts de missiles Scud libyens, portant à 214 le nombre de missiles de croisière utilisés depuis le début des opérations.
Quelque 200 sorties aériennes ont par ailleurs été conduites par la coalition pendant cette période, dont 60% par des avions américains, une proportion stable par rapport aux jours précédents.
Au total, 1.802 sorties ont été conduites sous l'égide de la coalition depuis le début des opérations.
Les opérations ont été lancées le 19 mars pour faire cesser plus d'un mois de répression d'une révolte populaire entamée le 15 février.
Sur le plan diplomatique. A Londres, une quarantaine de pays et d'organisations régionales ont confirmé officiellement la création d'un "groupe de contact" sur la Libye chargé du pilotage politique de l'opération internationale, dont l'Otan doit prendre en main le volet militaire jeudi à 6H00 GMT. Ce groupe a affiché son unité autour du constat que Mouammar Kadhafi doit partir, tandis que Washington et Paris évoquaient un armement des insurgés pour l'y contraindre. Mardi soir, le président Barack Obama s'est dit persuadé que Mouammar Kadhafi finirait par quitter le pouvoir.Interrogé sur NBC sur un éventuel armement des rebelles, il a répondu: "Je ne l'exclus pas. Mais je ne dis pas non plus que cela va se faire". Auparavant, à Londres, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait déclaré que la France était prête à discuter avec ses alliés d'une aide militaire aux rebelles, tout en reconnaissant que ce n'était pas prévu par les récentes résolutions de l'ONU.
En marge de la réunion à Londres, le Conseil national de transition (CNT) de l'opposition libyenne a enregistré plusieurs avancées. Mahmoud Jibril, son responsable des affaires internationales, a rencontré les ministres des Affaires étrangères américaine, britannique et français.
Un émissaire américain était attendu mardi ou mercredi à Benghazi, fief de la rébellion, où un diplomate français, Antoine Sivan, a pris ses fonctions en fin de journée auprès de l'opposition libyenne.
Ainsi conforté, le CNT a promis des "élections libres et justes" et souligné ses "aspirations à un Etat uni, libre et moderne". Il a aussi insisté pour que "les crimes" commis par le colonel Kadhafi ne restent "pas impunis".
Un porte-parole du CNT à Benghazi a déclaré que la rébellion cherchait à se procurer des armes lourdes auprès de "nations amies".
L'amiral James Stavridis, commandant des forces américaines en Europe, a souligné que l'Otan n'avait "pas de représentant" en Libye pour assurer une liaison avec les rebelles. Lundi, le Pentagone avait reconnu ne "pas savoir" grand-chose des rebelles. L'amiral a par ailleurs affirmé qu'il y avait des "signes" de présence possible de militants d'Al-Qaïda ou du Hezbollah dans les rangs rebelles, tout en jugeant que les chefs de l'opposition semblaient "responsables".
Sur le plan humanitaire. Rome a affirmé craindre une vague d'au moins 200.000 à 300.000 immigrés en cas de chute de Mouammar Kadhafi qui a prévenu que des milliers de migrants pourraient rejoindre l'Europe. Les forces loyales au colonel Mouammar Kadhafi ont tué 109 personnes et en ont blessé plus de 1.300 dans leur offensive contre les rebelles à Misrata, à l'est de Tripoli, a indiqué jeudi à l'AFP un médecin de l'hôpital de la ville. Les raids de la coalition internationale ont fait "environ 100 morts" parmi les civils en Libye depuis le début de son offensive, selon un bilan provisoire donné jeudi par Moussa Ibrahim, un porte-parole du régime. Depuis le 15 février, la répression sanglante de l'insurrection a fait au moins des centaines de morts et poussé plus de 300.000 personnes à fuir le pays.
Sur le plan économique. Selon les insurgés, les champs pétroliers des régions qu'ils contrôlent produisent actuellement 100.000 à 130.000 barils par jour. L'opposition projette d'exporter du pétrole d'ici "moins d'une semaine", a déclaré un porte-parole rebelle, Ali Tarhoni, ajoutant que la rébellion a délégué au Qatar la commercialisation.
Les sanctions. Les dirigeants des pays européens se sont dit prêts à renforcer leurs sanctions contre le régime du colonel Kadhafi en le privant de tous revenus pétroliers et gaziers, pour qu'il ne puisse plus recruter de mercenaires. Et ils ont appelé l'ONU à endosser cette mesure.
La Tunisie a gelé les avoirs du colonel Kadhafi, a indiqué à l'AFP une source proche du Premier ministre de transition Béji Caïd Essebsi.
Selon les médias britanniques, le colonel Kadhafi possède environ 20 milliards de livres (23,1 milliards d'euros), principalement à Londres. Le second enfant du colonel libyen, Seif Al-Islam Kadhafi, détient également à Londres une maison estimée à 10 millions de livres (11,6 millions d'euros). Or les autorités britanniques ont gelé pour 12 milliards de livres (13,9 milliards d'euros) d'actifs libyens au Royaume-Uni.
Immigration illégale. Le chef du Conseil national de transition (CNT) libyen, Moustapha Abdeljalil, a assuré lundi soir que son mouvement combattrait l'immigration illégale s'il parvenait au pouvoir. "Nous participerons (aux efforts) pour stopper l'immigration clandestine en les empêchant (les clandestins) d'entrer en Libye et en combattant les organisations criminelles qui le permettent", a-t-il affirmé à la télévision italienne.

(Challenges.fr)
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