(Le Figaro 22/03/2011)
Les moyens d'y parvenir divisent les chancelleries engagées dans l'intervention militaire en Libye.
La mission de la coalition est de chasser Kadhafi du pouvoir. Cela signifie-t-il qu'elle entend le supprimer grâce à une frappe militaire bien ciblée?
La question divise les chancelleries engagées dans - ou concernées par - l'intervention militaire en Libye. Pour les uns, il est évident que le Guide libyen doit s'en aller et qu'il constitue donc l'une des cibles principales de la coalition. Car, si la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU énonce la nécessité de «protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaques», comment ce but pourrait-il être atteint en gardant à la tête de la Libye l'homme qui envoie son armée frapper ces zones?
Les Britanniques, qui ont l'habitude d'appeler un chat un chat, ne voient pas le problème. Il est «légal», disent-ils, «de prendre pour cible ceux qui tuent des civils». Deux ministres, celui des Affaires étrangères, William Hague, et celui de la Défense, Liam Fox, ont laissé entendre lundi que cibler directement Kadhafi avec une frappe militaire était une «possibilité». Même son de cloche côté belge, où le premier ministre, Yves Leterme, considère que l'objectif de «déloger» le colonel Kadhafi du pouvoir a été «clairement énoncé» par la communauté internationale. Quant aux Français, ils sont plus discrets, mais n'en pensent pas moins. D'autres, en revanche, sont plus ambigus. Barack Obama a répété lundi, en visite au Chili, que «la position américaine est que Kadhafi doit partir». Mais d'un point de vue strictement militaire, le secrétaire à la Défense, Robert Gates, estime qu'il serait «mal avisé de fixer des objectifs que nous ne pourrions pas forcément atteindre». Aux États-Unis, l'idée d'imposer des changements de régime par la force, longtemps défendue par les néoconservateurs sous George W. Bush, a pris du plomb dans l'aile lors du conflit en Irak.
Les précédents Saddam Hussein et Ben Laden
Le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a exhorté les pays de la coalition à respecter plus strictement le cadre de la résolution. L'affaire a fait si grand bruit lundi que le chef d'état-major de l'armée britannique, le général David Richards, a dû prendre le contre-pied des ministres en excluant que les forces de la coalition prennent directement pour cible Kadhafi. Volontairement flou pour pouvoir rallier le plus grand nombre et n'exclure aucune option, le texte de la résolution est interprété différemment par les gouvernements, en fonction de leurs intérêts nationaux ou régionaux.
Sur le terrain, certains éléments laissent pourtant penser que la décapitation du régime libyen est bien une option envisagée par les forces de la coalition, comme le changement de régime est l'objectif inavoué de l'intervention militaire. Des frappes ont visé, dans la nuit de dimanche à lundi, des bâtiments se situant à deux pas du quartier général de Kadhafi. Et, selon certaines informations, des commandos de marine britanniques auraient été envoyés dans la région par Londres.
La question, en fait, est davantage de savoir comment s'y prendre pour ne pas échouer. En 1986, les frappes aériennes ordonnées par Ronald Reagan contre le palais présidentiel avaient manqué le colonel Kadhafi. Comme Saddam Hussein, le Guide libyen est obsédé par sa sécurité, il change d'endroit pour dormir et s'entoure d'une garde rapprochée essentiellement composée de femmes, qu'il pense plus fiables. En 2003, la traque contre le dictateur irakien avait duré de longs mois. Quant à Ben Laden, que les troupes américaines avaient juré de capturer, il a disparu dans la nature.
L'encre que ces deux exemples ont fait couler dans les médias et la rapidité avec laquelle l'opération a été déclenchée, avant même que la coalition des volontaires soit solidifiée, justifie la discrétion imposée sur le sujet. «C'est sans doute l'un des objectifs les plus difficiles à atteindre et les plus sensibles politiquement, puisqu'il implique qu'on impose un changement de régime par la force. Les pays de la coalition ne communiqueront sur le sujet que le jour où ils l'auront fait», commente un officier.
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