jeudi 5 août 2010

Liberia, Sierra Leone - Le diamant de la brute à la belle

(La Libre 05/08/2010)
Charles Taylor : son nom a fait trembler des milliers de Libériens et Sierra-Léonais. L’ ouverture de son procès a donné un peu d’espoir à des millions d’Africains résignés, jusqu’ici, à ce que leurs dictateurs - les Mengistu, Habré et autres Béchir - restent impunis. Si le cas de l’ancien Président du Libéria, jugé à La Haye par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone depuis le 4 juin 2007, revient au-devant de la scène, ces jours-ci, c’est parce que des people ont été appelés à la barre : le mannequin Naomi Campbell, ce jeudi, ainsi que son agent Carole White et l’actrice Mia Farrow, le 9 août. De quoi attirer du monde sur les bancs d’audience.
Mais que peuvent bien avoir en commun un ancien chef de l’Etat libérien, accusé de meurtres, de mutilations et d’esclavage sexuel, entre autres, et une top-modèle mondialement connue qui n’a jamais mis un pied, ni à Monrovia, ni à Freetown ? Les diamants, ou plutôt un supposé diamant brut offert, un soir de 1997, à Johannesbourg.
Les juges du Tribunal spécial ont délivré, le 1er juillet dernier, une citation à comparaître à Naomi Campbell, à la demande de l’accusation : le bureau du procureur (Brenda Hollis, depuis février 2010) souhaite voir la Britannique donner sa version du cadeau éternel que lui aurait offert Charles Taylor après un dîner organisé par Nelson Mandela et auquel participaient notamment les deux autres témoins cités. L’ex-chef de l’Etat libérien, 62 ans, avait catégoriquement nié, le 14 janvier, avoir donné un diamant brut à la diva, laquelle avait - on s’en doute - déclaré publiquement ne pas vouloir être impliquée dans cette affaire. D’ailleurs, a décrété le Tribunal spécial à la demande du témoin, "personne ne pourra prendre de photo ou tourner de vidéo de Mme Campbell", ni à l’entrée, ni à l’intérieur, ni à la sortie du bâtiment.
La justice espère faire la lumière, non pas sur le côté étrange de la rencontre entre la belle et la brute avec un bon pour entremetteur, mais sur "les diamants du sang". Selon l’accusation, Charles Taylor s’était rendu, en 1997, en Afrique du Sud, pour vendre ou échanger contre des armes, des diamants reçus des rebelles sierra-léonais. L’ex-chef de l’Etat est, en effet, accusé d’avoir dirigé en sous-main les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) en Sierra Leone. Depuis le début de son procès, Charles Taylor affirme n’avoir jamais possédé, transporté ou vendu d’autres diamants que des bijoux de famille. En confirmant avoir reçu une de "ces pierres", Naomi Campbell apporterait la preuve que l’homme ment et permettrait de démontrer qu’"il est responsable du développement et de l’exécution d’un plan qui a causé mort et destruction" et "qui consistait à prendre le contrôle politique et physique de la Sierra Leone pour exploiter ses abondantes ressources naturelles" , estime l’accusation.
Charles Taylor a plongé son pays, le Liberia, et sa voisine, la Sierra Leone, dans deux guerres civiles notoires pour leurs atrocités. En 1991, alléché par les diamants de Freetown, il avait poussé un Sierra-Léonais qui combattait dans ses rangs, Foday Sankoh (aujourd’hui décédé), à créer un mouvement armé dans son pays, le RUF. L’horreur s’y répandit rapidement : viols, meurtres, cannibalisme, enrôlement d’enfants-soldats, mutilations systématiques. "Manche courte ou manche longue ?", était une question souvent posée par les rebelles aux victimes dont ils allaient couper un peu ou beaucoup du bras La guerre y dura jusqu’en 2001, fit 120 000 morts et des milliers de mutilés.
C’est pour ces faits que le Libérien, arrêté le 29 mars 2006 au Nigeria, est aujourd’hui jugé à la Haye. "Superglu" , comme on le surnommait (les dollars qui passaient entre ses mains dans le cadre de ses fonctions dans l’administration avaient l’habitude d’y rester collés), n’a pourtant cessé, depuis sa toute première comparution à Freetown, le 3 avril 2006, de plaider non-coupable des onze crimes de guerre et contre l’humanité dont il est accusé.
Sabine Verhest
Procès Taylor: Naomi Campbell témoigne avoir reçu des "pierres sales"
Naomi Campbell a témoigné jeudi devant le tribunal de La Haye qu'elle avait reçu des "pierres à l'aspect sale", dont elle pense qu'ils étaient offerts par Charles Taylor après un dîner organisé par Nelson Mandela en 1997.
"J'étais en train de dormir, on a frappé à ma porte et j'ai ouvert. Et deux hommes étaient là et m'ont donné une petite bourse et ont dit: Un cadeau pour vous", a déclaré le mannequin britannique lors de son témoignage devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)."J'ai ouvert la petite bourse le lendemain matin", a poursuivi Mme Campbell: "j'ai vu quelques petites pierres, de toutes petites pierres à l'aspect sale".
Naomi Campbell affirme avoir parlé de ce cadeau à son agent Carole White et l'actrice Mia Farrow, le lendemain lors du petit déjeuner."L'une d'elles a dit que c'était clairement de la part du (président libérien de l'époque) Charles Taylor et j'ai dit: je suppose que oui", a ajouté Mme Campbell, les cheveux attachés et vêtue d'un ensemble beige dont une jupe lui arrivant à hauteur des genoux.
L'accusation comptait sur le témoignage du top model pour démontrer que Charles Taylor a menti en affirmant ne jamais avoir possédé de diamants bruts.M. Taylor, dont le procès s'était ouvert en janvier 2008, est accusé d'avoir dirigé en sous-main les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) en Sierra Leone en leur fournissant armes et munitions en échange de diamants.
Un tribunal pas comme les autres
Justice. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a été créé en 2002 pour juger les "principaux responsables de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra-léonais commis depuis le 30 novembre 1996", date des accords d’Abidjan qui étaient censés mettre fin aux atrocités. Le TSSL a inculpé treize personnes, dont quatre sont, à l’instar de Foday Sankoh, aujourd’hui décédées. Les trois procès tenus à Freetown ont été bouclés, tandis que le procès de l’ancien président libérien Charles Taylor en est au stade des plaidoiries à La Haye.
Cette Special Court porte bien son nom en ce qu’elle diffère des tribunaux pénaux internationaux ad hoc créés par le Conseil de sécurité de l’Onu. Le TSSL a été installé en accord avec le gouvernement sierra-léonais. Il s’agit d’une juridiction hybride, qui associe droit international et droit national sierra-léonais. Elle s’inscrit dans le système judiciaire de l’Etat, tout en dépendant d’un soutien extérieur important et travaillant avec des juges étrangers. Le TSSL devait siéger dans le pays où les crimes ont été commis, c’est-à-dire en Sierra Leone, alors que les tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda travaillent respectivement à La Haye et à Arusha. Le procès de Charles Taylor a cependant été délocalisé aux Pays-Bas (au Tribunal spécial pour le Liban), de peur qu’un coup de force ne libère le bonhomme, s’il demeurait en Afrique, et ne déstabilise la région. S.Vt.
Naomi Campbell, un (top) modèle à suivre ?
Portrait
Sans doute faut-il avoir vécu dans une grotte - sous-équipée, sans TV, ni tabloïds - pendant ces vingt dernières années pour ne pas pouvoir mettre un nom sur le joli minois de Naomi, dont le prénom seul suffit à l’identifier. " Naomi, wouhouh, Naomi " criaient, enfiévrés, les photographes surpris de sa présence voici deux ans au défilé Hermès. Il faut dire qu’avec l’âge (40 ans cette année), celle que l’on nomma la diva des podiums a un peu pris du plomb dans l’aile. Ses présentations sur podiums ne sont plus monnaie courante, trop charnue pour les canons de beauté - elle aurait fait son temps. A la fin des années quatre-vingt pourtant, la toute jeune Naomi règne sur la culture visuelle, imposant avec ses cinq autres petites camarades du club des "Big Six", Cindy, Claudia, Linda, Kate et Christie, visages angéliques et salaires faramineux. Un leitmotiv synthétisé par Linda Evangelista en son temps : " On ne sort pas de notre lit pour moins de 10 000 $ par jour ".
Au milieu de canons de beauté des plus caucasiens, Naomi réussit à imposer sa couleur aux pages de papier glacé. En 1988, elle est le premier top modèle noir à poser pour "Vogue U.S.", largement plébiscitée par un Yves Saint Laurent emballé. Devenue icône de la mode pour Vivienne Westwood ou Versace, elle est l’égérie à la peau d’ébène des photographes Helmut Newton et Patrick Demarchelier. Comment alors ne pas être tenté de pousser la chansonnette - sur un album qui ne se vend qu’aux Japonais - ou lancer une carrière ciné - loupée. La récession des années nonante modifie profondément les codes du luxe et de la beauté, ce qui ne fait pas l’affaire de Naomi précisément - ses autres camarades semblent plus "bankables".
En retrait du monde de la mode depuis le milieu des 90’s, Naomi n’est pas sortie de nos vies. Médiatisée pour ses méthodes douteuses de management, - elle est reconnue responsable d’avoir frappé deux des ses assistantes, ainsi que son personnel de maison, parfois à coups de BlackBerry customisé (1998, 2005, et 2006, et 2007)- elle fait régner son bon vouloir. En 2000, dans "Tout le monde en parle", chez Ardisson, lors de l’interview des croyances, Naomi dit croire au retour des Spice Girls - non sans avoir eu des mots avec l’une des chanteuses qui avait choisi la même voie humanitaire qu’elle -, à la fidélité, et aux crèmes antirides. Entre temps, elle n’a, de fait, pas pris une ride, a posé pour une grande campagne anti fourrure (et défilé en manteau de renard juste après), et a changé quelques fois de boyfriends, qui ont tous en commun d’être fortunés - l’actuel, le milliardiaire russe Vlasdislav Doronin, répond à cette fiche technique.
Naomi, personnage public, donne à voir une image peu enviée, où s’entremêlent le souci de garder une influence et une attraction pour l’argent; un lien qui ne peut manquer de soulever l’attention au moment du procès de Charles Taylor et du témoignage que la belle doit rendre. A-t-elle reçu en cadeau "les diamants de sang" ? Mia Farrow devrait témoigner en ce sens. Quant à Naomi, difficile à dire, elle craint pour sa vie.

Aurore Vaucelle
Mis en ligne le 05/08/2010
Mis en ligne le 05/08/2010
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