vendredi 24 décembre 2010

R.D.C. -Droits de l’Homme : tirs croisés sur la RDC

(Le Potentiel 24/12/2010)
Que s’est-il donc passé pour que la communauté internationale se réveille d’un coup pour exiger de la République démocratique du Congo plus d’actions en matière des droits de l’Homme. Après la France qui, par son ambassadeur aux droits de l’Homme, a qualifié de « naufrage » la situation en RDC, les Etats-Unis sont revenus à la charge, en début de semaine, en présentant comme mobile à l’exclusion de la RDC des avantages de l’Agoa le désastre dans le domaine des droits de l’Homme. Des tirs croisés qui cachent quelque chose d’insolite.
Longtemps reléguée aux oubliettes, la brûlante question de droits de l’Homme a refait surface et trône à la Une de l’actualité politique au Congo démocratique. Le premier à relancer le débat sur cette question a été l’ambassadeur de France aux droits de l’Homme, François Zimeray.
Revenant d’une visite en RDC où il a été confronté à des «moments extrêmement forts», le diplomate français a qualifié de «naufrage» la situation des droits de l’Homme en RDC où il a effectué, selon ses termes, une visite «bouleversante». Son récit traduit tout le désastre dans lequel est plongée la population congolaise, particulièrement celle vivant dans l’Est du pays. «Je dois à l’amitié (avec la RDC) et à l’honnêteté de dire les choses vraies, crues, et ce voyage était bouleversant», a-t-il déclaré à Kinshasa à l’issue de son séjour d’une semaine dans le pays. « Il y a eu des moments extrêmement forts qui me donnent le sentiment d’une situation de naufrage s’agissant des droits de l’Homme » a indiqué François Zimeray. Kinshasa n’a pas tardé à réagir au tableau macabre présenté par le diplomate français. 24 heures après ces déclarations, rapportées du reste par l’AFP, Alexis Thambwe Mwamba, ministre des Affaires étrangères a officiellement fait part à l’ambassade de France en RDC la protestation du gouvernement congolais, qualifiant « d’inacceptables » les propos tenus par le diplomate français.
Venant à sa suite, le ministre de la Communication et Medias, Lambert Mende, a dénoncé le mercredi 22 décembre 2010, les « allégations » de François Zimeray. « Par ignorance ou conformisme, (M. Zimeray) rend effectivement la RDC coupable de crimes dont elle est en réalité la victime », a réagi le porte-parole du gouvernement lors d’un point presse tenu à Kinshasa.
Dans sa réplique, Lambert Mende a fait remarquer que M. Zimeray «méconnaît que l’aggravation de la situation des droits de l’Homme est due à l’action inconsidérée de pays occidentaux et notamment la France, qui contraignirent en 1994 (après le génocide au Rwanda) les autorités congolaises à ouvrir leurs frontières aux forces négatives rwandaises qui sont à la base de ces atrocités ».
LES ETATS-UNIS ENFONCENT LE CLOU
Comme pour s’aligner à la position défendue par l’ambassadeur François Zimeray, les Etats-Unis ont, pour les faits relevés par le diplomate français, enfoncé le clou. Ils ont exclu la RDC des avantages de la loi américaine « African Growth and Opportunity Act (Agoa) ». Cette loi a été promulguée par le président Clinton en 2000. A la suite de l’examen annuel prenant effet le 1er janvier 2011, le président Obama a déterminé que la RDC «ne répondait plus aux critères d’admissibilité à l’Agoa et ne serait plus parmi les pays bénéficiaires de l’Agoa».
Le communiqué publié jeudi 23 décembre par l’ambassade des Etats-Unis en RDC renseigne que «selon la législation qui a établi l’Agoa, un pays de l’Afrique subsaharienne ne doit pas, entre autres, se livrer aux violations flagrantes des droits humains internationalement reconnus, afin de conserver son admissibilité aux avantages qu’offre l’Agoa ». Par ailleurs, le communiqué souligne que «la situation en RDC soulève des préoccupations importantes en ce qui concerne sa conformité à ce critère».
RESPONSABILITE PARTAGEE
«Afin de retrouver son éligibilité aux avantages de l’Agoa dans le futur, le gouvernement congolais peut mettre fin aux violations flagrantes des droits de l’Homme», précise le communiqué de presse. Sur un ton plus conciliant, le document de l’ambassade américaine en RDC note que «les Etats-Unis continueront à travailler étroitement avec les autorités congolaises afin d’appuyer les efforts visant à améliorer les conditions des droits de l’Homme, ce qui constitue un objectif commun pour les deux pays».
Est-ce pour se dédouaner ? Difficile à le dire pour l’instant. Ce qui est vrai c’est que beaucoup de rapports pullulent et se recoupent sur les violations graves des droits de l’Homme en RDC. Les pressions qui pèsent sur les autorités de Kinshasa visent à faire prendre conscience à ces dernières de leur responsabilité première et régalienne, en l’occurrence, la protection des populations civiles et de leurs biens.
Toutefois, nombreux sont des observateurs qui pensent que cette responsabilité est partagée avec les partenaires extérieurs de la RDC lesquels n’accompagnent pas suffisamment les autorités de Kinshasa dans la lutte et la réduction de ces violations des droits de l’Homme, dont certaines sont utilisées comme armes de guerre. C’est le cas de viols massifs des femmes et jeunes filles, voire de jeunes gens dans l’Est de la RDC. Ce qui est le fait des groupes armés étrangers (FDLR, LRA) et congolais (Maï-Maï). Des anciens éléments FARDC issus des rangs du CNDP, converti depuis en parti politique, sont également indexés dans maints rapports en circulation.
Du moment que les pressions exercées sur Kinshasa vont jusqu’à des sanctions du genre exclusion de la RDC de l’AGOA – décidée par le gouvernement américain- des Congolais deviennent inquiets. Ils s‘interrogent sur ce que pourrait cacher réellement une attitude qui s’assimilerait à une exigence d’une table rase des institutions congolaises, pourtant issues d’élections générales reconnues par tous comme démocratiques et indépendantes.

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