vendredi 24 décembre 2010

ELECTIONS EN CENTRAFRIQUE: chronique d’un échec annoncé

(Le Pays 24/12/2010)

Des militaires ont encerclé le siège de la Commission électorale indépendante (CEI) de la République centrafricaine, logée au sein de l’Assemblée nationale, et ce, depuis la nuit du 22 au 23 décembre 2010. Ils ont pour mission d’empêcher les commissaires de ladite institution de rentrer chez eux tant qu’ils n’auront pas fini le travail de confection des listes d’émargement en vue des élections législatives et présidentielle prévues pour se tenir le 23 janvier 2011.
Fidèle Ngouandjika, porte-parole du gouvernement centrafricain, a indiqué que "les personnes ne seront libérées que lorsque le travail sera fini". De son côté, le premier vice-président de la CEI, Gabriel Jean-Edouard Koyambounou, membre de l’opposition, a marqué sa surprise et denoncé cet "état de siège". La situation relève de l’inédit. Le fait d’assiéger un organe indépendant pour l’obliger à travailler plus vite, ne relève vraiment pas de l’ordinaire. Cette pression, il faut l’avouer, fait un peu désordre. S’il faut de telles mesures pour bien préparer des élections, on se demande quelle fiabilité on peut en attendre.
Aujourd’hui, les gens sont "pris en otage" pour travailler vite. Quelle garantie y a-t-il que demain, ils ne le seront pas pour donner de "bons résultats", c’est-à-dire des résultats favorables à ceux qui disposent de la force publique ? En tout cas, tout laisse subodorer que les autorités de Bangui sont décidées à tenir ces scrutins à la date prévue, qu’il pleuve ou qu’il neige. En effet, on peut déceler à travers cet acte, la volonté, maintes fois affichée, de Bozizé, d’aller rapidement aux élections. Pourtant, cette institution, au regard de son caractère indépendant, devait pouvoir s’organiser, pour trouver, sans aucune contrainte extérieure, des mécanismes pour avancer dans son travail.
Cette volonté de faire avancer, au forceps, le travail de la structure en charge de l’organisation des élections en Centrafrique, n’est pas un signe qui rassure quant à l’issue des consultations électorales à venir. Cela, d’autant plus que cette "prise d’otage" intervient au moment où certaines décisions du chef de l’Etat dont celle de réhabiliter Bokassa, créent d’énormes polémiques dans le pays, et après la tentative d’empêcher la candidature d’un de ses opposants, Martin Ziguélé. En d’autres termes, elle intervient à un moment où il y a de fortes dissensions politiques dans le pays.
C’est la chronique d’un échec annoncé. Tous les ingrédients d’un scrutin à qualité douteuse, sont réunis. Au regard du climat délétère dans lequel les prochaines élections sont préparées, leur fiabilité est sujette à caution. Comme le dit une sagesse de chez nous, "la beauté d’une fête à venir se sent dans la qualité de ses préparatifs". Les mauvaises conditions qui entourent la préparation de ces élections, laissent penser qu’il y a très peu de chances qu’elles soient fiables. On se dirige ainsi vers des élections dont les résultats risquent d’être contestés. Ainsi, on court le danger que les législatives et la présidentielle débouchent sur une crise politique.
Dans ce cas, elles échoueraient dans leur objectif de faire évoluer les choses dans le bon sens. Les perspectives, pour l’heure, ne sont donc pas belles. Autant le dire. Pour un pays déjà instable, qui cherche désespérément ses repères, ce serait du gâchis. Ce serait une occasion ratée pour l’instauration d’une démocratie apaisée à même de mettre la République centrafricaine sur les rails du développement.
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