jeudi 2 septembre 2010

Rwanda -Kigali fait chanter l’ONU

(L'Observateur Paalga 02/09/2010)
Lors d’une conférence de presse organisée mardi à Kigali, Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères, a été on ne peut plus claire : pour le chef de la diplomatie rwandaise, si l’ONU accuse l’armée rwandaise de génocide, elle « doit être prête à trouver une autre armée pour faire le travail que nous faisons au Soudan ».
Au cœur de ce qui ressemble désormais à une « fâcherie » entre l’organisation internationale et le pays des mille collines, le dernier rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) sur les crimes commis dans l’ex-Zaïre après le génocide de 1994.
Révélé par Le Monde la semaine dernière, le document, qui n’a pas encore été publié, impute à Kigali des « actes de génocide » commis entre 1996 et 1997 dans l’est de l’actuelle RDC.
Des accusations qui ne sont pas du tout du goût des autorités rwandaises, lesquelles ont aussitôt averti le secrétariat général de l’ONU des risques de déstabilisation de la région des Grands-Lacs par suite de cela.
Les dernières déclarations de Louise Mushikiwabo marquent une énième offensive de la diplomatie rwandaise contre une hypothétique parution du rapport de la discorde, car pour Kigali, tout est bon, même les pressions de toute sorte, pour empêcher coûte que coûte l’explosion de cette véritable bombe médiatique.
Et comme pour joindre l’acte aux paroles de la ministre, les casques bleus venus des mille collines sont prêts, comme un seul homme, à quitter immédiatement le Soudan si leur gouvernement leur en donnait l’ordre. Un chantage qui risque fort de faire mouche étant donné que les Nations unies peinent déjà à mobiliser le nombre de casques bleus nécessaires à leurs différentes opérations de maintien de la paix.
Voilà donc un gros dilemme pour Ban Ki-moon, qui ne veut certainement pas perdre du jour au lendemain l’appui, non négligeable, d’une force de plus de 3 500 hommes, déployés au Darfour et dans le reste du Soudan. Tout porte donc à croire que, pour préserver la paix et la stabilité, encore fragiles dans la région des Grands-Lacs, le fameux rapport et son contenu, des plus explosifs, ne sont pas près d’être rendus publics, du moins officiellement.
Coutumier de ce genre de bras de fer, le Rwanda postgénocide a toujours su trouver les moyens nécessaires à l’expression de sa diplomatie musclée : on se souvient que, durant trois années, le pays de Paul Kagamé avait tourné le dos à la France, se rapprochant du monde anglo-saxon et adoptant même l’anglais comme langue officielle au détriment de celle du colonisateur.
Une attitude de défiance qui portera pourtant des fruits, avec une reprise timide des relations entre les deux pays en novembre dernier ; dégel suivi en février du dépôt d’une gerbe au mémorial du génocide par Nicolas Sarkozy himself. La première visite d’un chef d’Etat Français au Rwanda depuis 25 ans.
H. Marie Ouédraogo

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