mardi 28 septembre 2010

RDC - Tshisekedi cogne sur Kabila et tend la main à l’opposition

(Congo Libre 28/09/2010)
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien «Jeune Afrique», édition n°2594 datée 26 septembre au 2 octobre 2010, Etienne Tshisekedi wa Mulumba déverse un véritable tapis de bombes sur le «bilan» des dix années de Joseph Kabila à la tête de RD Congo. Combatif, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) confirme sa candidature à la prochaine élection présidentielle et tend la main aux «forces du changement» en vue de constituer un «front commun». «Tshi-Tshi» pourra-t-il gommer son image d’homme égocentrique qui lui colle à la peau et valoriser celle de "rassembleur" qu’il revendique?
«J’irai jusqu’au bout. Et je gagnerai. Je n’ai aucun doute là-dessus». «Je n’ai pas accepté l’élection présidentielle de 2006, donc je mets tout en doute, y compris la légitimité de celui qui a été mal élu». «Les grands chantiers ne sont que de la poudre aux yeux». «Joseph Kabila confond la foule avec le peuple.» «Kabila est un adepte de la destruction créatrice». En quelques phrases qui sonnent comme des uppercuts, «Tshi-Tshi» vient de mettre un peu de «pili-pili» qui manquait au débat politique congolais. Un débat insipide monopolisé par Joseph Kabila et ses partisans du PPRD.
Pour exister, l’opposant politique doit parler. Il n’y a pas de démocratie sans débat ni contestation permanente. Il est dommage de constater que quatre années après les élections dites «libres, démocratiques et transparentes» de 2006, les Congolais n’ont droit qu’à un seul son de cloche au niveau des médias publics. C’est le triomphe de l’orthodoxie d’Etat. Le pluralisme tant politique qu’idéologique se résume au nombre des partis agréés par le ministère de l’Intérieur. Les forces dites de sécurité se comportent en milices au service d’un homme : Joseph Kabila. Elles n’hésitent pas à brimer les membres de l’opposition. Les manifestations publiques organisées par les formations politiques n’appartenant pas à la mouvance présidentielle sont considérées comme «subversives» et réprimées.
Le combat de toute une vie
Tshisekedi wa Mulumba paraît décidé à livrer le dernier combat «de toute une vie». Un combat dont le but ultime, dit-il, est de mettre le Congo résolument sur le chemin de la démocratie et de l’Etat de droit. L’homme est un vrai miraculé. Ceux qui l’avaient aperçu en mars dernier lors de l’office religieux organisé à l’occasion du 18ème anniversaire de la Marche des chrétiens n’espéraient pas le revoir en vie trois mois après. En juin, Tshisekedi animait son premier point de presse après plusieurs années d’éclipse. Dans l’entretien avec Jeune Afrique, réalisé en ce mois de septembre finissant, le leader de l’UDPS est apparu en pleine forme phsique. Il a retrouvé toute sa combativité sans nier qu’il vient de loin. «J’ai frôlé la mort. Mais je m’en suis sorti». Sans tomber dans l’angélisme en minimisant l’adversaire, Tshisekedi reconnaît que les conditions sont loin d’être réunies pour un «scrutin transparent» en 2011. Pour lui, les forces politiques et sociales devraient cependant «multiplier les pressions». Et ce, «avec l’aide de la communauté internationale, dont les responsabilités dans la fabrication de Joseph Kabila sont évidentes.»
Un brin provocateur, il dit vouloir «sauver le peuple congolais». De qui et de quoi? Et de sortir l’artillerie lourde : «Ce régime confond les slogans avec la réalité. Il n’a aucune vision de l’avenir, et les membres du gouvernement ne pensent qu’à une chose : se remplir les poches le plus rapidement possible.» Il poursuit : « (…), les contrats chinois conclus dans des conditions qui demeurent opaques, n’offrent aucune garantie de bonne gouvernance. Le climat des affaires est exécrable. Les droits de l’homme sont bafoués. (…).» Pour lui, Kabila a pillé la Miba avant de se présenter en «sauveur». Il en est de même des contrats miniers qu’il a signés avant d’annoncer la «révisitation». Conscient que, seul, il ne peut faire des miracles, «Tshi-Tshi» appèle à la constitution d’un « front commun» des "forces du changement". Selon lui, «des discussions informelles ont déjà commencé».
Rassembler
A-t-il déjà rencontré Kabila? «Jamais. Ni moi ni lui n’en avons éprouvé le besoin.» Le Premier ministre Muzito? Il ironise avec cruauté : «Est-il Premier ministre? Personne, en dehors de lui, ne s’en aperçoit.» Le président du sénat Léon Kengo wa Dondo? «(..), je n’ai pas de grief contre lui dans le cadre de sa fonction actuelle. Mais je lui ai reproché le contenu de sa longue complicité avec Mobutu. Son influence, à l’époque, ne s’est pas exercée dans un sens positif, c’est le moins que l’on puisse dire. A priori, discuter avec lui ne me dit pas grand chose. Mais nous sommes tournés vers l’avenir, vers le changement…» Jean-Pierre Bemba? «Sa place est au Congo et non à La Haye». «Son parti et le mien se parle.» Vital Kamerhe? Tout en gardant la main tendue, le leader de l’UDPS se veut lucide. Il rappele le «rôle clé» joué par «Vital» dans l’élection de Joseph Kabila. Dans la foulée, il fustige le «clan des Katangais» dont les membres seraient, selon lui, les principaux bénéficiaires des «vrais postes de responsabilité».
A propos des consultations politiques de 2011, Tshisekedi espère que la «communauté internationale » s’abstiendra de choisir l’homme qui doit diriger la RD Congo demain. «Depuis l’indépendance, dit-il sur un ton de dépit, pas une seule fois les Congolais n’ont pu décider librement de leur choix. C’est l’étranger qui a imposé Mobutu, Kabila père et Kabila fils. J’ose croire que la communauté internationale a enfin compris que ses choix furent autant d’erreurs et que la refondation de l’Etat congolais ne pourra se faire avec les autorités actuelles, dont l’échec est patent». «Tshi-Tshi» entend ouvrir largement les bras pour rassembler. En cas de victoire, il exclut toute "chasse aux sorcières" et "règlement des comptes". Ceux qui ont des "problèmes" devraient rendre comptes aux instances judiciaires.
Répression policière
Au moment de boucler ce «papier», un communiqué du Comité des Observateurs des droits de l’homme (CODHO) daté du 26 septembre est tombé. Il y est indiqué qu’on assiste à «une recrudescence des arrestations des membres de l’UDPS à Kinshasa".
Dimanche 26 septembre, écrit cette association de Défense des droits humains dirigée par l’avocat Nsii Luanda Nsandwe, Valentin Mubake, président du Comité national de l’UDPS devait animer une réunion à la Fédération de la FUNA / Kinshasa dans la Commune de Kalamu en prévision de la tenue du prochain Congrès et le processus électoral 2011. "Selon les sources de CODHO, malgré toutes les correspondances informant l’autorité municipale de cette activité, au environ de 13h un bataillon de la police nationale, commandé par le major Laurent du District de la police nationale de la Funa /Kinshasa a investi les lieux avec une violence barbare», note le communiqué. La police a dispersé la foule par des tirs à balles réelles et ensuite a procédé à une arrestation brutale de plus de 30 personnes qui se trouvaient sur les lieux de la manifestation, en emportant tout le matériel : plus de 100 chaises, un générateur électrique, ...."
Le communiqué fait état de la détention au cachot de la police du District de la Funa de Clément Beya et Raphael Kapambu, respectivement présidents des comités Fédéraux UDPS du Mont-Amba et de la Tshangu (seules personnes identifiées). L’association demande l’ouverture d’une information judiciaire sur ces arrestations «afin de dégager les responsabilités et que les coupables soient déférés devant la justice».
Dans l’entretien à Jeune Afrique, Etienne Tshisekedi wa Mulumba évoque les aspects sécuritaires : "Nul n’ignore que la garde présidentielle est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes".
Madeleine Wassembinya/B.A.W
© Congoindépendant 2003-2010
© Copyright Congo Libre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire