(Liberation 29/09/2010)
C'était il y a un an. Le 28 septembre 2009, un rassemblement pacifique organisé par l'opposition guinéenne dans le plus grand stade de Conakry était réprimé dans le sang par les forces de la junte militaire alors au pouvoir. «Des femmes violées, d'autres embrochées à la baïonnette, des blessés achevés...», décrivait alors à Libération un syndicaliste présent sur place.
Bilan: «au moins 157 morts, des dizaines de disparus, une centaine de femmes victimes de violences sexuelles, plus de 1.000 blessés», selon la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme (OGDH), qui publient un rapport ce mardi (version PDF).
Douze mois après ce massacre, les victimes rescapées et leurs proches attendent «que la Cour pénale internationale (CPI) se saisisse du dossier»; pour l'heure, aucun des militaires guinéens présumés responsables des exactions n'a encore inquiété.
«Commission nationale d'enquête totalement sous contrôle»
Selon la FIDH, «la junte a d'abord voulu enterrer ce dossier par la mise en place d'une commission nationale d'enquête totalement sous contrôle» qui a conclu «opportunément à la responsabilité exclusive d'Aboubacar Sidiki Diakité dit "Toumba», aide de camp du chef de la junte Moussa Dadis Camara.
Ce militaire, en cavale depuis dix mois, avait tenté, deux mois après le massacre de tuer son patron, le capitaine Camara. «J'ai tiré sur lui» parce qu'«il avait essayé de faire reposer toutes les charges des événements du 28 septembre sur moi», avait-il ensuite affirmé.
Le chef de la junte qui vit désormais au Burkina Faso, a été remplacé en janvier par le général Sékouba Konaté, chargé de conduire la transition jusqu'à la prochaine élection d'un président civil.
Crimes contre l'humanité
Puis, sous la pression de la communauté internationale et de la CPI, trois juges ont été désignés, en février, pour instruire «l'affaire du 28 septembre». Depuis, «seuls deux militaires de second ordre ont été arrêtés. Les donneurs d'ordre et les plus hautes autorités militaires et politiques de l'époque demeurent bien loin de la ligne de mire de la justice guinéenne», constate la FIDH.
La Commission d'enquête internationale nommée par l'ONU - qui avait qualifié les violences de «crimes contre l'humanité» - avait conclu à la «responsabilité pénale individuelle» de Dadis Camara, incriminé pour sa «responsabilité de commandement». Ses neveux Siba Théodore Kourouma et Marcel Kuvugi sont également mis en cause par des témoins.
Deux autres militaires incriminés, Claude Pivi et Moussa Tiegboro Camara, ont certes perdu leur rang de ministre mais conservent des postes très importants: le premier reste chef de la sécurité présidentielle, le second directeur national de la lutte contre le banditisme, la criminalité et le narcotrafic.
Election présidentielle en attente
La Guinée attend à présent le second tour de l'élection présidentielle, dont la date reste à fixer, qui se jouera entre deux civils. L'un, Cellou Dalein Diallo, avait lui-même été sévèrement blessé par les militaires le 28 septembre; l'autre, Alpha Condé, avait été l'un des premiers à fustiger, alors, le «pouvoir criminel».
Ce mardi, Cellou Dalein Diallo, a souhaité qu'une Commission vérité et réconciliation soit mise en place, tout en estimant que «ce n'est pas l'emprisonnement des coupables qui est la solution». «Il faut que la vérité soit connue, que les responsabilités soient situées et que les coupables demandent pardon s'ils sont disposés à entrer dans cette dynamique», a-t-il ajouté.
Par LIBÉRATION.FR
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