Les Afriques 24/09/2010)
Cinquante ans après l’indépendance, le Niger qui fournit à la France de l’uranium en abondance est l’un des pays les plus pauvres de la planète. A l’heure où s’écrivent ces lignes, un programme alimentaire d’urgence est en cours d’exécution. Paradoxes.
L’uranium nigérien est d’abord une exclusivité signée par la France, le 24 avril 1961, sous forme d’un accord de défense entre la métropole, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger. Les annexes de cet accord sont sans équivoques, mélangeant intérêts mutuels en matière de défense et fourniture de matières premières. Par cet accord, la France qui venait d’accorder leurs indépendances à ces trois pays s’arrogeait le droit de poursuivre l’œuvre coloniale, à savoir l’exploitation des ressources minières à un prix arbitraire. Qu’y gagnaient donc les nouveaux dirigeants de ces pays ?
En échange de cet accord, la France soutient tacitement les régimes sans toutefois s’engager à intervenir en cas d’agression extérieure. Pendant ce temps le commerce de l’uranium prospère. Le petit Niger qui ne dispose que de cette matière comme ressource émet de timides protestations emmenant à une première révision des accords « secrets ».
Ainsi, dès 1969, la France propose d’enlever l’uranium au prix fixe au titre d’une aide au développement d’un milliard de F CFA. Le premier président nigérien Hamani Diori qui avait émis le vœu de rediscuter les termes de l’accord sera renversé en 1974 en plein pourparlers autour des prix de l’uranium.
Ce coup d’état était-il fomenté par la France ? Dans quelle mesure la brutalité du changement de régime a-t-il contribué à figer les cours ? Il faudra attendre 2007 avec l’arrivée des chinois et la montée spectaculaire du cours de l’uranium pour voir le gouvernement nigérien de Mamadou Tandia (renversé en 2010) exiger la révision des prix quasiment figés depuis 1960.
Le Niger a perdu entre 14,5 et 21 milliards d’euros depuis 1960
Entre temps et selon nos estimations, le Niger a produit entre 100 000 et 150 000 tonnes depuis 1960 au prix moyen de 27 300 F CFA le kilo (soit 42 euros) . Nettement en dessous du cours mondial moyen qui était de 122 000 F CFA le kilo (187 euros) sur la période . Sur la base de ces prix moyens et d’une production oscillant entre 100 000 et 150 000 tonnes, l’on peut dire que la vente de l’uranium du Niger est chiffrée entre 4,2 milliards et 6,3 milliards d’euros. Si le prix international avait été appliqué, les actionnaires (Etat et partenaires) se seraient partagés entre 18,7 milliards et 28 milliards.
C’est dire que depuis l’indépendance, et sur la base de ce calcul simple ne tenant pas compte de la différence de cours entre le marché spot et celui des contrats, les actionnaires de l’uranium du Niger ont perdu entre 14, 5 milliards d’euros et 21 milliards de dollars. Enorme pour un pays qui compte à peine 2 milliards de dollars de PIB et dont le modeste budget est «généreusement » alimenté par l’aide publique au développement pour plus de la moitié.
A qui profite cette sous valorisation de l’uranium nigérien? Aux actionnaires non nigériens qui enlèvent pour leur propre compte des quantités non contrôlées par l’Etat, sur la base de leurs propres appréciations. Il est clair que de cette manière, l’uranium ne profitera jamais au Niger.
Les choses bougent quand même depuis 2007 puisque un nouvel accord obtenu à l’arraché permet de doubler le prix, qui atteint 40 000 F CFA, ce qui en réalité ne représente même pas 50% du cours international. La libéralisation de l’Uranium promise à hue et à dia changera-t-il la donne ? Depuis 2007, beaucoup de permis (entre 70 et 100) ont été accordés, relançant du coup les activités d’une rébellion touarègue dont les liens avec les uns et autres ne sont pas totalement élucidés.
A.W
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