mardi 28 septembre 2010

Côte d'Ivoire - Présidentielle - Dossier Exclusif : Réalités et péripéties d’une liste électorale non contestée

(Afriscoop 28/09/2010)
(AfriSCOOP Abidjan, Dossier Exclusif) — 5.725.720 électeurs se rendent aux urnes le 31 octobre 2010, avec une liste électorale définitive « certifiée » par l’Onu. Les principaux acteurs politiques du pays que sont Laurent Gbagbo président de la République, Guillaume Soro Premier ministre, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, respectivement présidents du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Rassemblement des républicains (RDR) "se sont mis d’accord" sur sa qualité le 6 septembre dernier.
Est-ce parce que la liste est déclarée « solide, équilibrée, crédible » par l’ONU que les élections vont se dérouler dans un environnement apaisé ? Autrement dit, la fiabilité de la liste électorale est-elle gage d’une élection crédible ?
Répondre à ces questions recommande de passer en revue le processus de confection débutée en 2008 dudit listing.
D’emblée, il est important de savoir ce que recouvre la notion de fiabilité au regard des normes définies par l’Organisation des Nations Unies, puisque c’est elle qui est l’observateur électoral mondial de tous les temps. L’ONU fixe traditionnellement cinq critères de certification des élections.
Ces critères sont :
Un environnement paisible et sécurisé
Un processus inclusif
Des médias libres et équitables
Des listes électorales fiables
Des résultats acceptés
En plus, les listes électorales doivent être déclarées fiables à la suite de consultations dont le but est d’aboutir à un consensus entre les principaux acteurs politiques engagés dans la course électorale. Ces critères sont valables pour le processus électoral ivoirien qu’observe l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), depuis 2003.
A Abidjan, en plus de ce que les personnalités citées ont fait l’unanimité sur la bonne qualité de la liste électorale définitive, le président de la République a pris un décret le 9 septembre pour l’approuver et autorisé la distribution des cartes nationales d’identité.
En général, un fichier électoral peut ne pas être fiable pour plusieurs raisons dont les plus évidentes sont les suivantes :
Un climat sociopolitique instable
Un état civil non sécurisé
Ces deux éléments sont-ils observés en Côte d’Ivoire ? Une assertion est partagée, c’est qu’une liste électorale fiable est une liste dépouillée de toutes irrégularités successibles d’entacher sa conformité à la loi.
En Côte d’Ivoire où la crise militaro-politique a duré dix bonnes années, le désarmement des ex-rebelles et des ex-miliciens peut garantir des élections crédibles. Parce que le corpus électoral aura librement exprimé sa volonté par les urnes.
Genèse de la liste électorale définitive
Plusieurs opérations techniques ont permis d’aboutir à la liste ; ces opérations ont été fondées sur le code électoral national de 2000, l’Accord Politique de Ouagadougou, l’ordonnance 2008-133 portant ajustement au code électoral, le décret fixant la collaboration entre Sagem-Sécurité (société d’intérêt français en charge de produire les cartes nationales d’identité) et l’Institut National de la Statistique (INS), et enfin le décret portant modalité d’établissement de la liste électorale de 2010.
Ainsi, les protagonistes de la crise ivoirienne ont-ils unanimement décidé que la liste électorale de 2010 soit élaborée sur la base de la liste électorale de 2000 (environ cinq millions électeurs). Avec pour seul et unique document d’inscription sur la liste, l’extrait de naissance présenté à l’enrôlement. C’est après ces préalables que d’autres accords, tel un mode opératoire pour l’établissement d’une liste électorale fiable, sont venus autoriser le démarrage du processus identification.
L’enrôlement des Ivoiriens, dont les ‘’nouveaux majeurs‘’ 11.000 d’enrôlement ont été ouverts ; avec pour chaque bureau un représentant de chaque structure technique nationale ONI, INS, CEI, CNSI et étrangère Sagem-sécurité. Cette représentation ainsi organisée avait pour but d’organiser tous les partis politiques. Car, à l’origine l’opposition a soupçonné l’INS (Institut National de la Statistique), CNSI (Commission Nationale de Supervision de l’Identification) et l’ONI (Office national d’Identification) d’être à la « solde » du pouvoir. Ce dernier n’était pas aussi rassuré par la CEI composé, selon lui, à 80% de militants du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). La CEI était, et est actuellement, dirigée par un baron du PDCI, ancien parti au pouvoir pendant 40 ans.
L’enrôlement a été réalisé pendant neuf mois jalonnés d’échauffourées, dans un environnement de psychose d’affrontements.
En mars, des marches de protestations organisées par l’opposition se sont soldées par « 5 morts », selon le gouvernement et « une dizaine de morts » d’après la presse. La résidence à Korhogo (Nord) du directeur de cabinet adjoint, Dr Issa Malick Coulibaly a été saccagée et incendiée. Il en a été de même pour la résidence, à Katiola (Nord) du Préfet Gervais Coulibaly, porte-parole du président de la République, pour ne citer que ces incidents.
Au terme de l’enrôlement ce sont 6.384.253 majeurs enregistrés, parmi lesquels 2.583.704 personnes ont été retrouvées sur la liste de 2000. Conformément à l’APO, ces derniers sont « intouchables », parce qu’ayant voté en 2000 : donc Ivoiriens. 901.332 Ivoiriens ont été également retrouvés dans le ‘’fichier fusion Ivoiriens‘’, un des 12 fichiers historiques tenus par l’Administration nationale. Ces Ivoiriens ont été ajoutés aux premiers découverts sur la liste de 2000. Dans les 6.384.253 Ivoiriens, l’on a fait le ‘’croisement par ascendants‘’ tant sur la liste électorale de 2000 ou dans le fichier fusion Ivoiriens.
L’un des parents retrouvé par ce croisement confirmant le statut d’Ivoirien, 1.792.356 ont été repêchés. Mais la fouille ne s’est pas arrêtée là, car 49.682 personnes, inscrites comme Ivoiriennes, ont été retrouvées dans le ‘’fichier étranger‘’. Qui est l’ensemble des étrangers ayant une fois voté en Côte d’Ivoire ou qui détiennent une carte de séjour. Toutefois, 1.083.000 individus ont été déclarées « introuvables » après ces tris minutieux. Cependant, 23.000 indélicat(e)s qui se sont inscrits deux fois ont été déniché(e)s. Cette catégorie de « fraudeurs » est estampillée ‘’doublon alphanumérique‘’ : c’est-à-dire que leurs identités ont été retrouvées deux fois, dans différents d’enrôlement. A l’opposé, il y a la catégorie ‘’doublon pièce‘’ ; les individus fichés ici, se sont inscrits avec les pièces d’autres personnes (parents, amis ou connaissances).
Autre procédure d’élimination de la fraude
Pour tirer au clair le statut d’« introuvables » sur aucun fichier historique, l’ont leur demandé de se présenter physiquement devant la CEI, Sagem, l’INS (Institut National de la Statistique), CNSI (Commission Nationale de Supervision de l’Identification)et l’ONI (Office national d’Identification) pour justifier pourquoi ils introuvables. Leur audition a duré 15 jours au bout desquels 496.000 ont été repêchées sur 1.106.861 cas qui constituaient la ‘’liste grise‘’.
Les personnes repêchées ont été ajoutées à la liste de 2000, aux fichiers fusion Ivoiriens et aux Ivoiriens par ascendants. Voici l’origine de la ‘’liste blanche‘’ dont tous les inscrits ont été soumis au contentieux administratif. Lequel s’est fait en 69 jours devant la CEI. Dans les faits et conformément à l’article 12 code électoral un en récuser l’inscription d’un autre sur la liste électorale parce qu’il conteste à ce dernier la qualité d’Ivoiriens. Par ailleurs, d’autres pétitionnaires ont eu l’occasion de signaler des erreurs sur leurs noms, prénoms, date et lieu de naissance ou sur les identifiants de leurs parents, etc.
La rocambolesque affaire des 429.000 personnes
Alors que le contentieux administratif tirait à sa fin, le camp présidentiel s’est opposé à la poursuite de l’opération. M. Laurent Gbagbo et ses proches ont accusé le président de la CEI d’alors, Robert Beugré Mambé, de « tentative » d’inscription de 429.000 sur la liste électorale provisoire. Il va s’en suivre la dissolution de la CEI et du gouvernement. L’opposition soupçonne le camp présidentiel de fomenter « un coup pour se maintenir au pouvoir ». C’est le tolet général.
Alors, le Premier ministre, premier responsable du processus de l’électoral au regard de l’APO fait installer une équipe mixte, composée d’un représentant des structures techniques sus citées, dans les 429 commissions locales de la CEI (CEL). Avec pour objectif de reprendre intégralement le contentieux administratif et contrôler toutes les pièces que les pétitionnaires avaient présentées pendant les réclamations. Quelques cas suspects ont été interceptés et soumis à vérification pendant 15 jours.
A suivie, l’étape du contentieux judiciaire d’inscription sur la liste électorale provisoire (5.776.784 inscrits). Chose normale, puisque l’article 12 nouveau du code électoral ivoirien recommande que les décisions de la CEI puissent faire l’objet d’une recours devant le tribunal compétent, après déclaration aux greffes dudit tribunal. Cette étape a duré 84 jours (soit 69 premiers jours prorogés de 15 autres ). On a connu de milliers de cas de demandes en radiation à cette époque qui a été émaillée d’affrontements, de chasse à l’homme, de conflits entre adversaires politiques. Résultat : seulement 1.273 pétitionnaires ont été radiés.
La vérification de l’authenticité avec l’état civil
Toujours pas convaincu de la pureté de la liste électorale obtenue après tous les contrôles, le camp présidentiel a exigé et obtenu un autre passage à la loupe, qui a consisté à comparé l’extrait naissance ayant servi à l’enrôlement avec l’état civil du lieu de naissance. Les membres du CPC, MM. Gbagbo, Bédié, Ouattara et Soro, ont sous l’égide du facilitateur Blaise Compaoré adopté un mode opératoire consensuel, à cet effet. Il a été alors question de savoir qui a pu se présenter à l’enrôlement avec un extrait de naissance frauduleux, c’est-à-dire non enregistré dans l’état civil national. Cette vérification a concerné le 1.492.000 d’inscrits et s’est déroulée en contrôle informatique et un croisement manuel, plus de 500 centres d’état civil.
Les résultats de cette vigilance sont éloquents : 55.948 ajournés devant justifier leur statut « après les élections ». Parmi ces c.as douteux, 25.473 aux « mentions non conformes » et 30.473 se sont fait enrôlés avec un extrait de naissance dont le numéro est inconnu de l’état civil de Côte d’Ivoire.
Le verdict objectif de l’ONU
Pour avoir porté une attention particulière à toutes étapes de la confection de la liste électorale définitive, l’ONUCI en déduit qu’elles été inclusives. « Selon mon appréciation, malgré les multiples défis et retards, le processus électoral a été mené dans une atmosphère que l’on peut qualifier de stable et pacifique. Les procédures adoptées et mises en œuvre tout au long de ce processus ont raisonnablement donné aux électeurs une large opportunité de s’inscrire pour voter. C’est pourquoi en ma qualité de Représentant spécial du Secrétaire Général et conformément au mandat de certification que m’a confié le Conseil de sécurité, j’ai l’honneur de certifier d’une façon explicite la liste définitive des électeurs pour les prochaines élections ivoiriennes », a déclaré YJ Choi, chef de l’ONUCI. Logiquement la distribution des cartes nationales d’identité devrait s’en suivre, début octobre, comme promis par la CEI et l’ONUCI.
Par Seraphin KOUASSI, © AfriSCOOP
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