(Le Point 23/09/2010)
Andry Rajoelina, le président du régime en place à Madagascar tente d'imposer son schéma de sortie de crise en faisant fi des critiques de l'opposition mais aussi de la communauté internationale, comme en témoigne la tenue d'une récente Conférence nationale.
Depuis l'échec fin mai à Pretoria des dernières négociations avec les "trois mouvances" des anciens présidents Marc Ravalomanana, Albert Zafy et Didier Ratsiraka, le régime avance ses pions, patiemment.
Après avoir signé un accord politique le 13 août incluant plusieurs dizaines de partis politiques, il a réuni plus de 4.000 personnes la semaine dernière lors d'une Conférence nationale censée jeter les bases de la Quatrième République.
Arguant de la nécessité de limiter la durée de la transition politique, le régime a validé un calendrier prévoyant un référendum constitutionnel le 17 novembre, puis une présidentielle en mai 2011.
Lundi, des municipales anticipées ont également été convoquées pour le 20 décembre.
Pour le politologue Franck Ramarosaona, il s'agit d'une stratégie pour se maintenir au pouvoir, puis y rester.
"Si on peut organiser des municipales, pourquoi ne pas avoir fait une présidentielle avant la fin de l'année, comme cela avait été promis maintes fois?", s'interroge-t-il.
"Il y a une volonté de prolonger la transition, et toutes les malversations qui vont avec", assène-t-il, rappelant notamment que de nombreux appels d'offres ont été lancés ces dernières semaines.
M. Ramarasaona est aussi persuadé que M. Rajoelina sera candidat à la présidentielle en dépit de son engagement en mai de ne pas l'être.
"Il se sent trahi par beaucoup de monde et même par la communauté internationale, donc il ne se sent pas obligé de respecter ses engagements. Il va y aller comme un kamikaze", prédit-il.
Alors que le médiateur Joaquim Chissano avait donné son approbation pour des négociations menées par la Coordination nationale des organisations de la société civile (CNOSC), et que plusieurs pays avait apporté un "appui technique et financier" à ses travaux, cette Coordination a été écartée du processus à la faveur de l'accord politique du 13 août.
Organisée par une nouvelle association réputée proche du pouvoir, la Conférence nationale a été jugée "insuffisamment impartiale et consensuelle" par le médiateur de la communauté internationale, et l?opposition en a dénoncé les "résolutions sur mesure".
L'âge minimum du président a par exemple été abaissé de 40 à 35 ans, ce qui remet techniquement en course M. Rajoelina, 36 ans.
"Nous étions seulement invités pour la forme", a estimé Emmanuel Rakotovahiny, de la mouvance de M. Zafy, qui a boycotté l?événement.
"La suite des évènements est plutôt nébuleuse", estime un diplomate sous couvert d'anonymat. "Le référendum constitutionnel pourrait avoir lieu puisque le pouvoir dit qu'il en a les moyens. Il risque cependant d'être qualifié d'unilatéral et il y aura un problème de crédibilité".
Madagascar est plongée dans une grave crise politique depuis fin 2008 et l'éviction de M. Ravalomanana le 17 mars 2009, au profit de M. Rajoelina, ex-maire d'Antananarivo.
M. Ramarasaona pour qui le régime actuel et les trois mouvances des anciens présidents sont tout autant responsables du statu quo, croit comme d'autres analystes à l'émergence d'une "troisième force" symbolisée par Raymond Ranjeva.
Cet ancien recteur de l'université d'Antananarivo et ex-vice-président à la Cour internationale de justice de La Haye milite pour la mise en place d'une transition dirigée par des techniciens mais son schéma ne suscite guère l'engouement du personnel politique.
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