(Afrikarabia 06/12/2010)
Le mapping report de l'ONU qui évoque la "possibilité d'un génocide" en République démocratique du Congo (RDC), entre 1993 et 2003, continue de susciter la controverse. L'ONU y présente les exactions commises contre les populations civiles et les réfugiés en RDC (ex-Zaïre). Au banc des accusés : l'Ouganda, le Burundi, l'Angola… mais surtout le Rwanda pour qui le terme de "génocide" ne passe pas. Jeudi 9 et vendredi 10 décembre 2010, Kigali organise une conférence internationale sur la convention de l'ONU de 1948 définissant le crime de génocide. Une occasion de revenir sur le fameux mapping report des crimes commis durant les guerres du Congo.
Le fameux rapport de l’ONU du Haut-Commissariat aux droits de l’homme dresse un bilan accablant de dix ans de crimes en République Démocratique du Congo (RDC), de 1993 à 2003. Le Congo (Zaïre à l'époque) a été déchiré au cours de cette période par deux guerres, de 1996-1997 puis de 1998 à 2003. Les violences qui déchirent encore aujourd’hui le Nord-Kivu, découlent de ces précédents conflits. Le rapport d’environ 600 pages, dévoilé par Le Monde, révèle notamment qu’au cours de la première guerre en RDC, de 1996 à 1998, certains faits commis par les soldats rwandais pourraient être qualifiés de génocide. Ces actes de guerre sont pourtant directement liés au génocide de 1994, survenu au Rwanda voisin. Cette année-là, une guerre civile a opposé les ethnies Hutu et Tutsi, conduisant au génocide d’environ 800.000 Tutsi. Suite à la prise de pouvoir à Kigali du Front patriotique rwandais (FPR) à majorité tutsie, plus d’un million de Hutus du Rwanda s’étaient réfugiés sur le territoire de la République Démocratique du Congo, ( Zaïre à l'époque). Pour Kigali, l’APR (bras armé du FPR dirigé par Paul Kagame) aurait commis ces exactions en RDC, alors qu’elle poursuivait les génocidaires hutus ayant quitté le Rwanda.
Si d'important massacres ont bien eu lieu à l'Est de la République démocratique du Congo (personne ne le nie), les «révélations» du rapport de l'ONU n’ont pas manqué d’apporter de l’eau au moulin des tenants de la thèse négationniste du «double génocide», qui, pour amoindrir les crimes des génocidaires rwandais jugés à Arusha ou laver les accusations de complicité qui pèsent sur les autorités politiques et militaires françaises, tentent de relativiser le génocide commis à l’encontre des Tutsi par une rhétorique des tords partagés ou de crimes réciproques équivalents. Or, si des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont indéniablement été commis par l’armée du FPR et demeurent impunis, l’utilisation du terme "génocide" pour les qualifier pose problème.
Dans ce contexte s'ouvrira le 9 décembre 2010 à Kigali, une conférence organisée par la Commission Nationale rwandaise de Lutte contre le Génocide. La conférence sera présidée par Jean-de-Dieu Mucyo, ancien ministre de la Justice, et Aldo Ayello, ancien envoyé spécial des Nations Unies pour ramener la paix au Mozambique (1992-1994) puis par l’Union européenne comme facilitateur de paix dans la région des Grands Lacs (1996-2007).
Ces derniers mois, Aldo Ayello avait contesté dans plusieurs interventions remarquées, le contenu du projet de rapport du Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, révélé fin août 2010 par le journal Le Monde, et qui estime que des faits de "génocide" auraient pu être commis en République démocratique du Congo (RDC) entre 1996 et 1998 par des militaires rwandais ou soutenus par le Rwanda. Pour Aldo Ayello, « l’application inappropriée du concept de génocide discrédite le mapping report. »
Parmi les autres invités de la conférence de Kigali, on notera la présence du professeur Michael Scharf enseignant en Droit et directeur du Centre de droit Frederick K. Cox International aux Etats-Unis. Il a participé à la formation des juges et procureurs irakiens du Tribunal Spécial pour l’Irak. L’ONG qu’il a fondée a été nominée pour le Prix Nobel de la Paix pour sa contribution à la recherche de criminels de guerre majeurs comme Slobodan Milosevic, Charles Taylor et Saddam Hussein.
Autres invités, le juriste français Roland Junod, spécialiste du concept de génocide et le docteur Jean Damascène Bizimana, écrivain et analyste politique (il a notamment publié “L'Eglise et le génocide au Rwanda ; les pères blancs et le négationnisme”) qui présentera une analyse du mapping report tout comme le Brigadier Général Richard Rutatina
De son côté, le Brigadier Général Jérôme Ngendahimana évoquera le contexte de la crise des réfugiés au Zaïre et le contrôle des camps par les ex-FAR en 1994. Enfin, Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, interviendra pour donner le point de vue de son gouvernement sur le pré rapport de l’ONU.
Christophe Rigaud
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