(Liberation 28/10/2010)
A Kidal, dernière ville du Nord-Mali avant la frontière algérienne, le commissaire de police et ses hommes ne travaillent pas. «Ils ont peur de sortir de la ville», explique un de leurs directeurs, à Bamako. On ne peut pas en dire autant des amoureux du désert, des Européens qui ont du mal à croire que la menace que fait peser Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) soit si sérieuse. "Ces bandits s'en prennent à des cibles très précises, des gens qui travaillent pour des ONG, des diplomates, des employés d'Areva", se rassure-t-on entre expatriés, à Bamako. Difficile d'oublier, pourtant, que des touristes ordinaires sont aussi visés, et que quatre vacanciers français ont été tués en 2007 par des hommes d'Aqmi.
Le déni, face au terrorisme, reste important au Mali. "Nous continuons d'aller dans le désert avec des étrangers, nous comptons sur nos propres réseaux de guides, explique un tour opérateur. Ce sont des Touaregs bien informés, ils ont tous un cousin ou un frère dans l'armée, et quand il y a un problème, ils nous le disent". Pour l'instant, les moyens et les services de l'Etat n'ont pas été regroupés pour travailler ensemble. Armée, gendarmerie, police et renseignements continuent de travailler en vase clos, sans faire front commun. Aqmi, pour l'instant, inquiète surtout l'armée mauritanienne, la seule qui soit vraiment active contre le groupe terroriste. Vu de Nouakchott, le groupuscule représente un problème d'ordre intérieur : le tiers de ses effectifs sont de jeunes islamistes mauritaniens.
La guerre ouverte déclarée à Aqmi par la Mauritanie, avec le soutien de la France, ne va pas sans représailles. Un attentat à la voiture piégée a ainsi été déjoué le 25 août sur la base de Nema, à proximité de la frontière malienne. Le kamikaze, que les sentinelles avaient vu venir, a été tué à bord d'un véhicule immatriculé au Mali et bourré d'explosifs. Un assaut mémorable avait aussi été donné le 4 juin 2005 par une centaine d'hommes contre la base mauritanienne de Lemgheity, faisant au moins 15 morts.
Au Mali, en revanche, l'organisation terroriste n'est redoutée que dans la mesure où elle supprime ceux qui la trahissent ou oeuvrent contre elle. L'officier malien Lamana Ould Elbou a été assassiné à Tombouctou le 10 juillet 2009, un an après avoir arrêté une recrue mauritanienne d'Aqmi dans une mosquée de la ville. Faut-il y voir un phénomène de déni ? La rumeur, en tout cas, affirme que Lamana aurait trempé dans une vente d'armes à Aqmi. Un ancien rebelle touareg, le lieutenant des douanes Sidi Ahmed Ag Alchérif, alias «Marzouk», a quant à lui été enlevé à Tessalit et exécuté le 12 août, accusé par Aqmi d'être un espion à la solde des services maliens. Les rumeurs, là encore, font état d'un «double jeu» avec les terroristes.
•Par Sabine Cessou
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