(Le Pays 21/12/2010)
L’ancien président nigérien, Mamadou Tandja, depuis le coup de force de février dernier, consécutif à sa politique aventuriste, est véritablement aux abois. En effet, alors que des voix s’élèvent pour condamner son arrestation et sa détention et exiger sa libération, la Cour d’Etat du Niger vient de lever son immunité, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires contre lui pour de présumées malversations financières.
"Cette levée de l’immunité de l’ancien président fait suite à des contrôles dans divers organismes et sociétés qui ont décelé des irrégularités que les responsables de ces sociétés lui ont imputées directement ou indirectement", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Laouali Dan Dah. Sans rentrer dans les micmacs procéduriers, on se demande réellement de quelle immunité il est question d’autant que le président Tandja est en prison depuis dix mois environ et cela sans aucun jugement.
En accusant Mamadou Tandja de malversations financières et non de parjure et haute trahison comme s’y attendaient bien des gens, la junte semble se livrer à un jeu de cache-cache juridique, visant à retarder le procès pour, in fine, le confier aux nouvelles autorités, à l’issue de la transition. La preuve est qu’en l’accusant de malversations financières, il faudra, à moins que cela ne soit déjà fait, réunir toutes les preuves irréfragables pour parvenir à un procès juste et équitable. Toute chose qui, à n’en point douter, est loin d’une sinécure.
Certes, les enquêtes ouvertes depuis mai dernier ont déjà conduit à l’incarcération de plusieurs hauts responsables pour dilapidation de fonds publics, mais cela ne saurait directement engager la responsabilité de Tandja sans autres preuves établies. La tâche est vraiment immense pour la junte et ses héritiers. Il aurait été plus facile, à notre sens, de poursuivre Tandja pour violation de serment que de le poursuivre pour crimes économiques, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques. Les inconditionnels et les irréductibles obsédés du pouvoir, qui entravent la démocratisation complète des pays africains, auraient pu tirer les leçons de ce procès. L’impunité est une exhortation aux frasques et aux inconduites notoires pour bien des dirigeants africains. En tout état de cause, une longue procédure judiciaire attend Tandja, qui pourrait déboucher sur sa gestion politique de l’Etat. Patience donc. A notre humble avis, la junte, quoi qu’il advienne, doit maintenir le cap et ne point se laisser divertir, sans pour autant glisser aussi dans l’excès en détenant arbitrairement, Tandja. On pourrait toutefois se féliciter de ce que la junte donne l’impression d’avoir prêté une oreille attentive à la communauté internationale, notamment à la Cour de justice de la CEDEAO, en revisitant, à tout le moins, le dossier Tandja. En fait, elle assure un service minimum. "La justice, disait Proudhon, c’est aussi le respect de la dignité humaine".
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