mercredi 18 août 2010

Togo - Faure Gnassingbé et les germes d’un règne élastique: Vers une caporalisation du Togo et l’érection d’une opposition… gentille

(Etiame.com 18/08/2010)
On peut tout reprocher à Feu Gnassingbé Eyadèma. Certes il a fondé son règne sur l’installation d’un parti unique, le Rassemblement du peuple togolais (Rpt), un creuset national dans lequel est effectivement venu se fondre tout le peuple togolais. Bien que de la vieille école, il a fini par abdiquer devant la volonté populaire de sortir de ce monolithisme politique et concéder le multipartisme. Mais son Fils qu’on dit avoir été formé à l’école des Blancs, dans les universités des plus grandes démocraties au monde, et incarner un «esprit nouveau», veut visiblement caporaliser le Togo. Le grand obstacle étant l’opposition politique, il faut tout d’abord s’employer à la détruire. C’est dans ce contexte qu’il faudrait placer les misères faites à Jean-Pierre Fabre, Agbeyomé Kodjo et consorts.
Le pouvoir Faure Gnassingbe profite tout simplement des problèmes internes à l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts) et à l’Union des forces de changement (Ufc). Pour la formation politique de l’ancien Premier ministre Agbeyomé Kodjo, tout est parti de la mise en place du gouvernement Houngbo II. Pour avoir refusé de faire entrer l’Obuts au gouvernement pour servir de caution à la victoire (sic) de Faure Gnassingbé à l’élection présidentielle du 4 mars dernier dont il continue de contester les résultats, il est l’objet d’un acharnement du pouvoir. Son parti a été dissous suite à une plainte de deux (02) démissionnaires instrumentalisés, Gaston Vidada et Codjie. La Justice étant toujours aux ordres du pouvoir malgré qu’on crie à sa modernisation, tout est passé comme une lettre à la poste. Les actifs du parti devront être vendus et les recettes versées aux enfants du Village SOS. Bien que le dossier ne soit pas encore clos, Dieu seul sait si le droit sera dit pour Agbeyomé Kodjo.
Faure Gnassingbé et les siens n’en demandaient pas mieux, ils exploitent le conflit d’ego au sein de la plus grande formation politique de l’opposition, sinon du Togo pour casser la dynamique de l’opposition. Aujourd’hui ils peuvent se réjouir d’avoir réussi à phagocyter Gilchrist Olympio et foutre le bordel dans l’Union des forces de changement. L’ «esprit nouveau» a débauché l’«opposant historique» en lui faisant signer un accord le 26 mai dernier et en embarquant ses amis dans le gouvernement. Certainement que tout a été fait moyennant contrepartie. Dans ce bras de fer qui oppose Gilchrist Olympio au Bureau national incarné par Jean-Pierre Fabre, le pouvoir a pris le parti de son nouvel ami. Le «Leader charismatique» est autorisé à circuler librement sur le territoire, mais Jean-Pierre Fabre et le Bureau national sont empêchés de mener leurs activités. L’apothéose a été les congrès du parti. Bien que le congrès convoqué par le Bureau national soit légal au regard des statuts du parti et n’ait pas été interdit, ce sont des escouades de forces de l’ordre qui ont été déployées pour empêcher sa tenue. Ce mardi c’était une course poursuite dans les rues de Nyékonakpoè à Lomé. Mais le congrès de Gilchrist Olympio lui, a été autorisé et sécurisé par les mêmes éléments qui ont 48 heures plus tôt, fait vivre l’enfer aux « FABRistes » . Pour couronner le tout, le ministre de l’Administration territoriale a refusé de réceptionner les documents issus du congrès du Bureau national. On veut ainsi faire passer le camp Fabre pour illégitime, l’isoler davantage et restituer le contrôle du plus grand parti de l’opposition au nouvel ami du pouvoir Gilchrist Olympio, et ainsi le tour serait joué.
La finalité de ce plan est de vassaliser l’opposition démocratique. Avec la neutralisation de l’Obuts, la discorde semée au sein de l’Ufc, et donc l’affaiblissement du Front démocratique pour l’alternance et le changement (Frac) qui trouble depuis mars dernier le sommeil de Faure Gnassingbé, l’essentiel est fait. Ce sont les partis et organisations les plus menaçants. Le reste de l’opposition n’est qu’une épave. Le Comité d’action pour le renouveau (Car) de Me Yawovi Agboyibo et la Convention démocratique des peuples africains (Cdpa) du Professeur Léopold Gnininvi ont déposé les armes depuis. A défaut de dissoudre tous les partis de l’opposition- c’est improbable, le Togo en compte une quatre-vingtaine-, le pouvoir aura réussi à casser les dards aux plus virulents. Faure Gnassingbé aura donc en face une opposition clémente et gentille, une opposition presque inexistante, comme au Burkina Faso ou encore au Gabon à l’ère Omar Bongo. Ces types d’opposition ne constituant pas véritablement des contrepoids aux pouvoirs en place, la voie est ainsi pavée à l’érection d’un parti unique, ou du moins à l’installation d’un régime autoritaire et despotique qui en a pour longtemps. Il faut craindre que Faure Gnassingbé ne soit ainsi parti pour rivaliser son géniteur en termes de longévité au pouvoir.
Une démocratie forte induit forcément l’existence d’une opposition forte. Mais le régime actuel régnant sur le Togo ne l’entend pas de cette oreille. Si les gouvernants ne cessent de crier dans les discours que le Togo est un Etat démocratique, Faure Gnassingbé est néanmoins dans une logique de caporalisation du Togo, qui devrait passer par une vassalisation de l’opposition démocratique. C’est en cela qu’il faut prendre comme une prophétie, la fameuse phrase de feu Eyadema: «Le Togo reculera de cent ans en arrière». Et l’histoire retiendra que celui qui a fait reculer la Terre de nos aïeux d’un siècle en arrière, aura été son Fils.

T. K. Liberté
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