lundi 16 août 2010

Senegal - PRESIDENTIELLE 2012: Wade « disqualifié » par l’esprit de la Constitution

(Sud Quotidien 16/08/2010)
Pape Demba Sy est formel : l’actuel président de la République, Abdoulaye Wade ne peut pas briguer le suffrage de ses compatriotes en 2012. Parce qu’il est frappé par la limitation du mandat inscrit dans la Constitution de janvier 2001, signifie-t-il.
L’un des rédacteurs du projet de la loi fondamentale de 2001 et non moins leader de l’Udf/Mboolo mi, parti membre de Benno Siggil Senegaal, Pape Demba Sy trouve en effet, « que l’esprit de la Constitution » disqualifie une prochaine candidature à la présidence de la République du Secrétaire général national actuel du Parti démocratique sénégalais (Pds) et chef de l’Etat. Parade : « Il va essayer de faire rétroagir la loi pour avoir un mandat de 7ans », avance le Pr. Ababacar Guèye qui prédit ainsi la tenue de la prochaine élection présidentielle en 2014.
Interrogé depuis Bamako, le Pr. Ismaïla Madior Fall est « pour la liberté de candidature ». Selon lui, il ne revient qu’au juge constitutionnel, la prérogative de disqualifier en le motivant ou de valider la candidature de qui que ce soit.
La candidature annoncée prématurément de l’actuel président sénégalais, Me Wade à sa réélection en 2012 se fraie difficilement chemin au sein de l’opinion. Plusieurs voix s’élèvent contre et cherchent à motiver leur opposition. C’est ainsi que, a soutenu hier, dimanche 15 août, le Pr. De Droit constitutionnel et non moins dirigeant politique, Pape Demba Sy au cours de l’émission « Remue Ménage » de la Radio futurs médias (Rfm) : « Me Abdoulaye Wade ne peut pas se présenter à la prochaine présidentielle de 2012.
Il est frappé par la limitation du mandat ». Pape Demba Sy est un des rédacteurs de la Constitution de 2001. « Selon l’esprit de la Constitution, le président de la République a fini ses mandats. Il ne peut plus se présenter », a-t-il indiqué. Et d’expliquer : « lorsqu’on adoptait l’article 27, il fallait passer par une période transitoire.
L’idée était de permettre au président de jouir de son mandat de 7ans d’abord et c’est après que la limitation s’appliquait à lui. Ce n’était donc pas pour permettre au président d’avoir trois mandats, mais c’était pour régler la période transitoire qu’on avait permis les sept ans et afin d’éviter la rétroactivité ».
Le leader de l’Udf Mboolo mi, membre aujourd’hui de la coalition de l’opposition, Benno Siggil Senegaal après avoir concouru avec plusieurs autres « camarades » de l’opposition à la survenance de l’alternance de 2000, a dénoncé en outre la violation d’un accord politique et de la Constitution. Selon lui, le chef de l’Etat sait bel et bien qu’il ne peut pas se représenter en 2012. « Wade le sait très bien parce que quand nous rédigions la constitution, il était en contact permanent avec la commission chargée à cet effet. L’ancien Garde des sceaux et les autres membres de la commission le savent », a noté avec force le professeur de Droit constitutionnel et non moins acteur politique. « Une Constitution est un texte, un esprit et une pratique », a-t-il ensuite souligné avant d’ajouter : « lorsqu’on rédigeait la Constitution, on voulait régler la question de la limitation du mandat des présidents pour qu’ils ne puissent pas dépasser 10ans ».
Une présidentielle en 2014 plutôt
Son collègue universitaire et non moins corédacteur du projet de Constitution de 2001, le Pr. Ababacar Guèye doute lui, de la tenue de la présidentielle à date indiquée. « Avant cette élection le président va essayer de faire rétroagir la loi pour avoir un mandat de 7ans », a-t-il avancé hier, prédisant ainsi la tenue d’une élection présidentielle prochaine en 2014. Le praticien qui juge en outre que la candidature du président Wade à sa propre succession est anticonstitutionnelle, avance aussi l’argument, l’âge avancé de ce dernier contre celle-ci.
Même s’il ne prend pas leur contre-pied, le Pr. Ismaïla Madior Fall interrogé hier au téléphone depuis Bamako, est d’avis lui « qu’il ne faut interdire aucune candidature ». « Je suis pour la liberté de candidature. Seul le peuple souverain tranche en démocratie », a-t-il déclaré en substance. Selon lui, rien n’interdit dans la Constitution actuelle à Wade de se présenter, même si confie-t-il, « je défendais une thèse contraire au début ». Précisant en outre que les éclairages universitaires n’ont qu’une valeur intellectuelle, il revient au juge constitutionnel la prérogative de valider ou de disqualifier une candidature quelconque. « Alors posons-lui la question le moment venu », avance-t-il. Selon lui, rien n’empêche aux acteurs politiques intéressés de saisir le Conseil constitutionnel une fois la candidature de Me Wade sera officialisée. Il est lui en revanche contre toute exclusion et veut se fier à la maturité du peuple souverain.
Son collègue de « fac » et de matière, Ababacar Guèye, qui croit dur comme fer que la présidentielle sera renvoyée sine die, n’en pense pas moins que l’âge du président Wade est un frein à sa candidature. « En 2012, Wade aura presque 90 ans et élire un président âgé de 90ans pour un mandat de 7ans, c’est plonger le pays dans une crise car à 90 ans, on plus de chance d’être incapable et /ou sénile », a-t-il averti. Il est temps que le Conseil constitutionnel prenne ses responsabilités en anticipant sur cette crise. « Dans certains pays en Afrique le Conseil a anticipé. Il a la possibilité de dire halte au président dans le sens d’une impossibilité de sa candidature grâce à la loi ». Le praticien faisant allusion à l’indépendance de la justice a ajouté :« le Conseil constitutionnel doit se mettre au-dessus de toutes les institutions. S’il décide de s’affranchir de cette pesanteur, c’est possible ». Pour l’auteur de « Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille de l’indépendance aux élections de 2007 » ouvrage paru aux Editions CREDILA CREPOS, février 2007, cependant, « le danger vient souvent des interdits. Il est même heureux qu’en Côte d’Ivoire les candidatures soient désormais automatiques », théorise-t-il. Ne lui parlez pas de la clameur populaire, il se veut universitaire.
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