lundi 16 août 2010

En Tanzanie, on envoie et reçoit son argent par SMS

(Rue 89 16/08/2010)
De Dar-es-Salaam, Tanzanie) Maria envoie de l'argent avec son téléphone portable à son frère John, qui habite à l'autre bout du pays. En Tanzanie, comme dans toute l'Afrique de l'Est, cette pratique connaît un véritable boom.
Avec ce service, 95% de la population tanzanienne, qui n'a pas de compte en banque, peut envoyer et recevoir de l'argent. Même ceux qui ont un compte se détournent des banques. C'est le cas de Maria, une jeune enseignante :
« C'est si simple et rapide, comparé à un virement ordinaire. On peut le faire partout où se trouve un agent agréé, ce qui m'évite de faire la queue pendant des heures à la banque.
Si j'envoie par exemple 10 euros à mon frère, l'opérateur prend 20 centimes. Mon frère, lui, reçoit un SMS qui le prévient de l'envoi.
Il doit se rendre dans un centre de retrait de son opérateur, montrer le SMS et une pièce d'identité pour retirer l'argent. En une demi-heure, tout est fait. Nous habitons pourtant à 700 kilomètres l'un de l'autre. »
La solidarité s'en trouve ainsi renforcée. D'un bout à l'autre de l'Afrique de l'Est, chaque famille peut à présent se serrer les coudes.
L'introduction du transfert d'argent rend aussi la vie plus facile. Mère de deux filles, Mme Kweka a pu payer les frais de scolarité de ses enfants à distance avec son téléphone. Un gain de temps. « Je n'ai plus les maux de tête que j'avais quand j'attendais à la banque pour déposer mon argent », plaisante-t-elle.
Une commission de 2% pour l'opérateur
Lukas John, un ingénieur, a adopté au quotidien cette technologie :
« C'est très facile d'utilisation. En plus, ça me permet de recevoir mon salaire quand je suis en déplacement, ou dans un coin reculé du pays. »
L'ouverture d'un compte chez un opérateur est gratuit, et il n'y a pas de frais mensuels. Juste une commission de 2% pour l'opérateur lors de chaque transaction.
Vodacom, leader sur le marché de la téléphonie en Tanzanie, voit d'un bon œil le transfert d'argent. Et pas seulement pour ses affaires.
« Cela aide surtout les habitants des zones rurales, là où il n'y a pas de banques. Nous avons un millier de points de retrait. De plus, il est aussi possible de payer son électricité, sa facture d'eau, ou son abonnement au satellite par ce biais », dit-on au siège de Dar-es-Salaam, où l'on pense atteindre les cinq millions d'utilisateurs l'an prochain.
Quant aux banques, ne se sentent-elles pas concurrencées ? Non, répond l'Association des banquiers tanzaniens :
« A présent, nous savons comment attirer de nouveaux clients. Nous devons considérer la téléphonie comme une évolution des services bancaires. »
Profiter de microcrédits grâce au « mobile cash transfer »
Au Kenya, première puissance économique d'Afrique de l'Est et pionnier en la matière, on compte 9 millions d'usagers du « mobile cash transfer ». Chaque mois, ce sont ainsi 200 millions d'euros de transactions qui passent par les portables.
Au pays des coureurs de fond, les opérateurs téléphoniques s'allient aux banques. Safaricom, le numéro un de la téléphonie au Kenya, et Equity Bank ont ainsi lancé début juin un compte en banque adapté au téléphone portable, M-Kesho. (Voir le reportage, en anglais, de la chaîne kenyanne Citizen TV)
Les utilisateurs kenyans disposent des mêmes conditions qu'un compte en banque classique. Cela permet surtout à ceux qui sont éloignés des centres urbains d'avoir accès aux services bancaires. Ils peuvent ainsi profiter de microcrédits allant jusqu'à 50 euros. Modestes fermiers ou vendeurs de fruits sont heureux de pouvoir en bénéficier.
« La plus grande innovation de tous les temps »
Abordable pour le plus grand nombre, M-Kesho rencontre déjà un certain succès avec 8 000 ouvertures quotidiennes de comptes. Chez Equity, on parle même de « la plus grande innovation de tous les temps ». En Afrique de l'Est, tout le monde se frotte les mains car la marge est énorme, le taux de pénétration actuel du mobile n'étant que de 30%.
Au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, mais aussi au Burundi, et au Rwanda, qui forment la Communauté d'Afrique de l'Est, on se modernise à grande vitesse. La Banque africaine de développement (BAD) l'a remarqué : selon l'institution basée à Tunis, l'Afrique de l'Est sera cette année l'entité régionale du continent avec le plus fort taux de croissance (+ 6%).

Par Arnaud Bebien
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