(IPS 03/12/2010)
KAMPALA - L’Ouganda a perdu plus de deux millions d’hectares de forêt depuis 1990; la plus grande partie a été convertie en terre agricole par une population croissante de petits producteurs. Le fonds carbone, à travers le programme REDD, est souvent présenté comme un moyen d’arrêter cette destruction, mais seulement à condition que les avantages aillent réellement à la base.
Presque un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre provient de la destruction des forêts – la deuxième position seulement après le secteur de l’énergie.
L’idée qui sous-tend le REDD (réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation forestière) est de donner une valeur financière au carbone emmagasiné dans les forêts, en finançant la protection des forêts dans les pays en développement comme l’Ouganda avec l’argent mobilisé à partir de la vente du carbone emmagasiné dans ces arbres aux pollueurs du monde développé.
La mise au point des détails devrait être l’une des principales tâches de la conférence des Nations Unies sur le climat, ouverte le 29 novembre à Cancun, au Mexique. Assurer une participation importante des populations tributaires des forêts est l’un des nombreux défis dans la mise en œuvre effective du REDD.
La forêt ougandaise détenue à titre privée
Plus de deux tiers des forêts de l’Ouganda sont sur des terres privées, contrôlées par de petits agriculteurs individuels ou détenues à titre communautaire. Xavier Mugumya, un chef d’équipe dans le programme de développement du portefeuille carbone de l’Autorité forestière nationale (NFA), a déclaré à IPS que la préservation de ces forêts détenues à titre privé doit être une priorité absolue.
"Nous devons faire face à la réalité selon laquelle la plupart des forêts appartiennent à des individus et à des communautés et pour que le REDD réussisse, il doit y avoir des mécanismes clairement définis pour introduire davantage d’incitations à la conservation des forêts par ces populations", a déclaré Mugumya.
La reforme politique se poursuit lentement
Mugumya est aussi négociateur du REDD en Ouganda et il est impliqué dans l’élaboration de ce qu’on appelle 'a Readiness Preparation Proposal' (R-PP - une proposition pour préparer les esprits). Le R-PP fait partie du processus – soutenu avec 200.000 dollars de la Banque mondiale – qui présente la façon dont on luttera contre les principaux facteurs de la déforestation dans un système du REDD, en disposant de budgets, de règlements, de systèmes de suivi et de directives pour la participation communautaire.
Le premier projet de document jugé non satisfaisant
"[L’Ouganda] a fait une proposition qui a été jugée non satisfaisante par la Banque mondiale et nous sommes retournés pour faire ressortir les préoccupations et les besoins des populations tributaires des forêts à qui ce mécanisme profitera ou pas, selon la mise en oeuvre", déclare David Kureeba, un membre de l’Association nationale des environnementalistes professionnels (NAPE).
Les communautés qui seront directement touchées par le REDD n’étaient pas suffisamment impliquées dans la rédaction de la proposition. L’Ouganda a reçu en plus 185.000 dollars du gouvernement norvégien pour terminer les consultations.
"Les premières consultations ont été faites par la NFA, mais actuellement, avec le fonds norvégien, cela a été une nécessité pour eux d’inclure les organisations de la société civile dans le processus de consultation. En fait, la NAPE est l’un des consultants associés pour saisir les préoccupations des personnes vivant autour des forêts, au centre de la région", a déclaré Kureeba à IPS.
Des avantages monétaires limités
Comme il retravaille la politique du pays, l’Ouganda a de possibles modèles pour le suivi, la gouvernance et le partage local des bénéfices, y compris le 'International Small Group Tree Planting Program' (TIST - programme international des petits groupes de planteurs d’arbres).
David Mwayafu et Leo Peskett de la Coalition ougandaise pour le développement durable ont procédé à une évaluation du programme, dans lequel les petits groupes d’agriculteurs de subsistance s’engagent dans des activités comme la plantation d’arbres et l’agriculture durable pour la vente de crédits de gaz à effet de serre.
On paie aux agriculteurs 35 shillings ougandais – environ 20 cents – par arbre et par an.
"En supposant qu’un agriculteur plante 400 arbres sur un hectare avec le programme TIST", a dit Mwayafu, "[il] gagnera avec le programme TIST 400 arbres x 30 versements x 35 shillings = 420.000 shillings par hectare".
Malgré les grandes attentes – et les besoins – des agriculteurs, cela revient à six dollars seulement par hectare et par an – moins de 200 dollars sur 30 ans.
Mais Mugumya déclare que des interventions comme le REDD relanceront le secteur forestier du pays.
"Nous avons des politiques qui pourraient sauvegarder les forêts mais l’application est coûteuse et quand vous établissez un budget, personne ne veut l’examiner", a-t-il déclaré. "L’obstacle majeur est le renforcement des politiques et la mise en place de stratégie de mesures incitatives qui donneront plus de valeur aux arbres quand ils tiennent encore debout que quand ils sont abattus".
Se focaliser sur la conservation
Cependant, ceci peut être une perspective dangereusement optimiste. Bien que le temps et les ressources soient investis dans l’élaboration d’un accord sur le REDD, il peut s’avérer essentiel de promouvoir simultanément les avantages intrinsèques de protection et de restauration des forêts et du couvert arboré, comme le programme TIST le fait avec ses projets en Tanzanie, au Kenya, en Inde et en Ouganda.
Les arbres qui sont sur les fermes et autour de ces dernières peuvent fournir des fruits et des noix à vendre; ils fournissent de l’ombre pour les cultures, ils protègent contre l’érosion et dans certains cas ils maintiennent les substances nutritives dans le sol. Les communautés rurales font aussi un usage considérable des zones très boisées, non cultivées, et la réforme de la gestion de telles forêts, au nom de la conservation du carbone, doit être soigneusement considérée.
Kureeba de la NAPE: "Nous devons aller sur le terrain pour voir si les gens épousent l’idée du REDD. Nous apportons de l’argent, mais les gens ont besoin de savoir et de proposer ce qui arrivera à la gestion de la forêt, de considérer les questions d’accès à la forêt pour la nourriture, pour les herbes, pour les piquets à utiliser pour la construction et d’autres questions comme la culture".
Kureeba est inquiet de ce que ces détails – vitaux pour les derniers bénéficiaires du REDD – intéressent peu les décideurs. "Le problème est que le gouvernement est après l’argent. Il y a moins d’intérêt dans les processus qui pousseront l’initiative du REDD à travailler pour les populations tributaires des forêts", déplore-t-il.
"La question d’équité est importante. Est-ce que l’argent descend vers les bénéficiaires prévus, étant donné les niveaux de corruption ici?"
* Cet article de IPS fait partie d’une série d’articles soutenue par 'Climate and Development Knowledge Network' (Réseau de connaissances sur le climat et le développement) - http://www.cdkn.org. (FIN/2010)
Rosebell Kagumire*
© Copyright IPS
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire