En Côte d'Ivoire, l'interruption de la publication des résultats du second tour de l'élection présidentielle fait craindre le pire.
L'élection présidentielle ivoirienne s'enfonce dans la confusion. Mardi, la publication des résultats du scrutin de dimanche qui opposait Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo a brusquement été interrompue. Depuis la fin de la matinée, des militaires mutiques étaient déployés devant les locaux de la Commission électorale indépendante (CEI), l'organisme chargé de superviser le scrutin, bloquant l'accès aux observateurs et aux journalistes. Peu auparavant, les techniciens de la Radio télévision ivoirienne (RTI), une chaîne publique, censés assurer la diffusion des chiffres, avaient plié bagage sans la moindre explication. Ce très étrange cafouillage a brusquement ravivé les tensions et les craintes d'un dérapage complet de ce processus considéré comme la dernière étape pour la sortie d'une décennie de crise en Côte d'Ivoire.
Couvre-feu décrétéImmédiatement, les proches d'Alassane Ouattara ont accusé le camp présidentiel de chercher une «confiscation du pouvoir». «Nous observons que M. Laurent Gbagbo est dans une logique d'empêchement de la CEI d'annoncer des résultats», a affirmé Albert Mabri Toikeusse, le porte-parole d'Alassane Ouattara, une attitude qui, selon lui, «conduit le pays vers le chaos». Mais les ouattaristes, de plus en plus sûrs d'eux-mêmes, refusent de s'inquiéter. «Tout va rentrer dans l'ordre. Chacun connaît les chiffres, la victoire ne nous échappera pas», a-t-il asséné.
Du côté de la présidence, les mots n'étaient pas plus aimables. Pascal Affi N'Guessan, président du Front patriotique ivoirien (FPI), le parti de Gbagbo, a dénoncé des «bourrages d'urnes» et annoncé qu'il avait saisi le Conseil constitutionnel pour faire annuler le vote dans au moins trois provinces du nord du pays, largement favorables à Ouattara.
Couvre-feu
Dans les quartiers populaires d'Abidjan, cette joute verbale, pour l'heure encore policée, agace. Les militants sont rendus plus nerveux encore par l'absence de résultats, le couvre-feu décrété par la présidence et les rumeurs souvent baroques qui traversent la capitale économique. Aucun incident sérieux n'avait pourtant été signalé mardi soir. «Il y a un risque d'affrontements qui pourrait conduire à la mise en place d'un état d'urgence, à la suspension du décompte des voix et à un retour à la crise ouverte», redoute un analyste ivoirien.
Les fragiles symboles de réunification du pays, coupé en deux depuis une tentative de coup d'État en 2002, n'ont pas résisté à ces tensions. Lundi soir, le centre de commandement intégré, une unité qui regroupait des militaires loyalistes et d'anciens rebelles, s'est dissout. Rentré en 2006 à Abidjan, Alassane Ouattara a préféré, pour sa part, prendre ses quartiers dans un hôtel de luxe du nord de la ville, sous la protection de casques bleus et d'un détachement d'élite de l'ex-rébellion.
Pressions sur les deux rivaux
Pour prendre de vitesse les humeurs de la ville et remettre en marche le décompte, les diplomates multipliaient les pressions sur les rivaux. Désiré Tagro, ministre de l'Intérieur et proche de Laurent Gbagbo, est parti mardi à Ouagadougou pour rencontrer le président burkinabè, Blaise Compaoré, le médiateur du processus ivoirien. De son côté, le premier ministre, Guillaume Soro, qui se place lui-même en arbitre de l'élection, a longuement rencontré Youssouf Bakayoko, le président de la CEI. Ce dernier est enjoint de reprendre au plus vite son travail. La commission électorale, qui a officiellement jusqu'à mercredi soir pour rendre public le nom du futur président ivoirien, avait rouvert ses portes dans la soirée de mardi.
Par Tanguy Berthemet
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C'est une video montrant la declaration du Conseil constitutionnel - http://mayomo.com/93592
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