lundi 13 décembre 2010

Côte d'Ivoire - L’inévitable explosion sociale ?

(Le Pays 13/12/2010)
Pour conserver son trône, tous les moyens sont bons au Prince : la ruse, la violence et même la guerre. C’est bel et bien dans cette logique machiavélique que se trouve Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire depuis qu’il a refusé catégoriquement de partir du pouvoir, selon la volonté de la majorité du peuple ivoirien, exprimée à travers les urnes, le 28 novembre dernier.
Après avoir semé le vent, l’heure de la récolte de la tempête a sonné pour Gbagbo et compagnie. En effet, comme il fallait s’y attendre, l’instabilité politique, consécutive à l’entêtement de celui que l’on avait jadis surnommé "le boulanger de la Côte d’Ivoire" à rester au palais de Cocody, a entraîné, de facto, une crise socio-économique dont les principales victimes ne sont autres que les Ivoiriens. En moins d’un mois déjà, la crise politique à l’actif de Gbagbo commence à peser de son poids intenable sur le quotidien des Ivoiriens en ce que les prix des produits de première nécessité ont quadruplé.
Et, comble de malheur, la Côte d’Ivoire qui est déjà isolée du reste du monde du fait de l’usurpation, par l’enfant de Mama, du fauteuil présidentiel, semble lâchée par ses opérateurs économiques. Ne sachant à quel saint se vouer dans cette situation de non-Etat que vit aujourd’hui la lagune Ebrié, ils préfèrent tout simplement s’abstenir de payer leurs impôts. Les hommes d’affaires n’investissent pas pour les beaux yeux des Ivoiriens mais bien pour en tirer profit. De ce fait, rien de surprenant qu’ils cessent d’investir s’ils savent qu’ils courent désormais des risques de pertes énormes. Certes, Gbagbo sait encore user de roublardise. Comme toujours, il a su s’entourer de "juristes émérites", de généraux dont la fidélité semble lui assurer sécurité, avec aussi de médias très prolixes acquis à sa cause.
Et comme bien des régimes dictatoriaux, notamment africains, dans un passé relativement lointain, lorsqu’ils étaient dos au mur, Gbagbo et son clan politique arguent du patriotisme, du nationalisme et de la capacité de la Côte d’Ivoire de vivre en autarcie. Mais tout ce tintamarre observé ici et là en Côte d’Ivoire, surtout ces derniers temps, cache mal une évidence : tous les ingrédients sont réunis aujourd’hui dans ce pays pour une explosion sociale. L’accentuation croissante de la crise politique, ajoutée à l’asphyxie économique dont est victime ce pays, rendront plus que jamais la vie du peuple ivoirien insupportable.
Et le risque que ce peuple, derrière lequel se cache Gbagbo pour assouvir ses désirs de rester au pouvoir, se retourne contre lui, est inévitable. Surtout lorsque les mensonges, telles des fleurs de l’aurore qui se fanent dès le lever du soleil, disparaîtront pour faire place à la vérité. Et ce n’est pas le soutien de Yahya Jammeh de la Gambie qui n’est déjà pas un modèle de démocratie - dans ce pays qu’il dirige d’une main de fer, les opposants politiques et les journalistes sont muselés, s’ils ne disparaissent pas comme par enchantement - qui pourra assurer un lendemain politique certain à Gbagbo.
Peut-être Laurent Gbagbo l’apprendra-t-il à ses dépens : en ce 21e siècle où la mondialisation a atteint son paroxysme, il vaut mieux avoir les institutions sous-régionales et surtout la communauté internationale avec soi que contre soi.

Boulkindi COULDIATI
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