(Radio Canada 22/12/2010)
Laurent Gbagbo réaffirme être le président légitime du pays, utilisant pour la première fois les ondes de la télévision et de la radio d'État pour s'adresser à ses concitoyens, mais aussi aux grandes capitales qui réclament son départ dans la foulée de l'élection controversée du 28 novembre.
« J'ai remporté l'élection avec 51,45 % des voix, a-t-il soutenu. Je suis le président de la République de Côte d'Ivoire. Je remercie les Ivoiriens qui ont renouvelé la confiance qu'ils ont en moi.
[Les pays étrangers] nous font la guerre non pas parce que nous avons supprimé l'expression démocratique des Ivoiriens, mais parce qu'ils nient le droit souverain du peuple ivoirien à choisir ses propres dirigeants, à respecter ses institutions et à vivre dans un pays libre.
— Laurent Gbagbo
« Les troubles que nous voyons aujourd'hui en Côte d'Ivoire sont dûs au refus de mon opposant [Alassane Ouattara] de respecter les lois, les règles et les procédures en vigueur dans notre pays », a-t-il affirmé.
Il a exhorté les membres du camp de son rival à quitter l'hôtel où ils se sont retranchés, sous protection de l'ONU, depuis le début de la crise politique ayant suivi le dévoilement des résultats. Ils « sont libres de leurs mouvements », a-t-il affirmé.
Avec 54,1 % des voix, M. Ouattara avait été désigné vainqueur par la Commission électorale indépendante, mais le Conseil constitutionnel, acquis à M. Gbagbo, a invalidé ces résultats certifiés par l'ONU.
Pour soustraire la Côte d'Ivoire des violences auxquelles le pays est en proie, M. Gbagbo a proposé « un comité d'évaluation sur la crise postélectorale » qui « aura pour mission d'analyser objectivement les faits et le processus électoral, pour un règlement pacifique de la crise ».
Ce comité, a-t-il dit, sera « dirigé par un représentant de l'Union africaine » et inclura des représentants de l'ONU, de la Communauté économique des États d'Afrique de l'ouest (CEDEAO), des États-Unis, de l'Union européenne, de la Russie, de la Ligue arabe et de la Chine ainsi que « des Ivoiriens de bonne volonté ».
« Je ne veux pas que le sang d'un seul Ivoirien soit versé. Je ne veux pas d'une guerre en Côte d'Ivoire qui peut s'étendre aux pays voisins ou les affaiblir », a ajouté M. Gbagbo.
Un porte-parole de l'armée, qui reste fidèle au président sortant, a parallèlement annoncé la levée immédiate du couvre-feu nocturne instauré à la veille du scrutin.
Alassane Ouattara a répliqué par la voix de son porte-parole, et accusé M. Gbagbo de « ruser avec le monde ». Le camp Ouattara estime que la seule voie de sortie de crise demeure pour le président sortant de reconnaître le verdict des urnes et de partir.
Il n'est par ailleurs pas question de quitter l'hôtel, soutient-on, en raison des nombreux miliciens pro-Gbagbo qui patrouillent les rues d'Abidjan.
L'ONU mise en garde
Patrouille de Casques bleus près du quartier général de l'ONUCI, à Abidjan.
Le ministre de l'Intérieur nommé par Laurent Gbagbo, Émile Guirieoulou, a servi une mise à garde aux forces de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI), a rapporté le réseau BBC.
Si les 10 000 soldats onusiens restent dans le pays en dépit de l'ordre qui leur a été donné de partir, ils seront traités comme des rebelles, a-t-il dit.
Le commandant des troupes onusiennes a indiqué à l'AFP que l'ONUCI était victime de harcèlement de la part de groupes liés à Laurent Gbagbo, qui tentaient de couper leur ravitaillement.
« Les forces de Gbagbo harcèlent nos hommes jusque dans leurs appartements pour les faire partir et la RTI (Radio-Télévision ivoirienne) multiplie les messages de haine et les appels aux attaques contre l'Onuci. C'est brutal », expliquait à Lefigaro.fr, Alain Le Roy, chargé des opérations de maintien de la paix.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban ki-Moon, a d'ailleurs appelé la communauté internationale à « soutenir la mission avec des ravitaillements ».
Il y a quelques jours, le Conseil de sécurité de l'ONU a prolongé de six mois la mission de l'ONUCI en Côte d'Ivoire.Réfugiés : l'ONU se prépare au pire
Plus tôt, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a dit s'attendre à ce que la situation dégénère. Le HCR s'est dit prêt à accueillir 30 000 réfugiés ivoiriens au Liberia et en Guinée, en raison de « l'instabilité continue » en Côte d'Ivoire.
Jusqu'à présent, quelque 6200 Ivoiriens, dont une majorité de femmes et d'enfants, ont fui vers les deux pays voisins, soit environ 1800 de plus que vendredi. 95 % d'entre eux ont trouvé refuge au camp de Nimba, au Liberia, les autres ayant pris la direction de Nzerekore, en Guinée.
Selon le HCR, les violences commises en fin de semaine par les forces de sécurité du pays ont fait au moins 50 morts et 200 blessés.
À l'instar de l'Union européenne la veille, les États-Unis ont par ailleurs interdit, mardi, à Laurent Gbagbo et à une trentaine de ses proches de se rendre sur leur territoire.
Le premier ministre désigné par M. Ouattara, Guillaume Soro, a pour sa part appelé à « la désobéissance au gouvernement factice » de Laurent Gbagbo « jusqu'à son départ ». Il a soutenu que, depuis jeudi dernier, 200 partisans d'Alassane Ouattara sont morts, 1000 autres ont été blessés, 40 sont disparues et 732 ont été arrêtés.
« Des femmes sont battues, déshabillées, violentées et violées. [...] Les ingrédients pour un génocide sont en place », a-t-il averti.
© Copyright Radio Canada
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire