mercredi 15 septembre 2010

Togo : les banques à privatiser sortiront-elles du giron de l’Etat ?

(Les Afriques 15/09/2010)
L’Etat togolais doit se désengager de quatre banques publiques en plein assainissement et restructuration pour de potentiels investisseurs. L’option d’un actionnariat national majoritaire reste envisagée.
BTCI, UTB, BTD et BIA-Togo sont les quatre banques publiques dans la visée du mécanisme. Le gouvernement togolais a dû appeler au secours la société Mazars, spécialisée dans la mise en œuvre des mécanismes de recouvrement. Mais en première aide, la Banque mondiale a financé, à hauteur de 12 millions de dollars, l’étude de faisabilité pour la mise en œuvre du mécanisme à cet effet, qui sera couplé par l’animation d’un marché secondaire des titres, issu de la restructuration bancaire. Tout est inscrit dans le projet « secteur financier et gouvernance », élaboré en étroite collaboration avec la Banque mondiale et le FMI pour accompagner les efforts du gouvernement togolais visant à assainir et à développer le secteur bancaire. Avec une assistance internationale, des experts nationaux de la finance et de la banque ont examiné la question, en atelier, sur le thème « Par quels moyens permettre à l’Etat de rentrer dans ses fonds », en s’appuyant sur des exemples pertinents, notamment du Sénégal, du Burkina Faso, du Cameroun et du Bénin. Il leur fallait sélectionner, parmi un bouquet d’options, celle pouvant instaurer une stratégie optimale de recouvrement des créances et de gestion d’un marché secondaire des titres, pendant que certaines banques en phase d’expansion éprouvent un besoin croissant de liquidités et que la Commission nationale de recouvrement des créances, instaurée en 2001, est en baisse de performance ces dernières années. Les quatre banques publiques en situation moins favorable sont les plus importantes des sept banques commerciales togolaises qui détenaient à fin 2004 environ 62% du total des actifs du système financier.
Des réformes engagées pour résorber des prêts délinquants
Au terme d’un protocole signé le 23 octobre 2008, l’Etat a repris les créances des quatre banques pour un montant de 88,1 milliards FCFA, et émis, en contrepartie de créances cédées, 1762 titres. Ce fut une « bouffée d’oxygène qui a permis aux banques d’avoir accès au refinancement de la Banque centrale », a expliqué Ahéba Johnson, directrice de l’économie au Ministère de l’économie et des finances.
Pour ses concepteurs, la privatisation attendue dopera la santé financière de ces banques et aidera à attirer les investisseurs étrangers : l’Etat togolais, sous pression des institutions de Bretton Woods, était contraint de se désengager, et s’est engagé dans des réformes comprenant la restructuration financière et le renforcement institutionnel. En fait, les banques togolaises ont baissé en performance ces dernières années. Selon le Livre Blanc 2008 de l’Association des grandes entreprises du Togo (AGET-environ 30), avec dix établissements bancaires et trois établissements financiers pour un cumul de bilan de 543 milliards FCFA et un dépôt cumulé de 460 milliards, le secteur bancaire connaît de très grandes difficultés. Pour l’AGET, la principale de ces difficultés réside dans le montant des créances douteuses de l’ordre de 100 milliards FCFA, qui génère une faiblesse des fonds propres et handicape les possibilités de financement des investissements du secteur privé, dont les besoins s’élèvent à 460 milliards, contre une capacité actuelle de financement de 80 milliards. Mention est faite d’un taux d’intérêt moyen élevé, de l’ordre de 15%, sur l’ensemble des prêts au Togo, précisant que le seul point positif de ce secteur demeure le taux de bancarisation de 21,6%, l’un des plus élevés dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), très loin devant les 10,7% de la Côte d’Ivoire.
A en croire des experts de Mazars, « depuis 1990 le secteur financier togolais connaît d’énormes difficultés, la plupart des banques togolaises ne respectent pas les huit ratios prudentiels de la commission bancaire ».
En clair, « la question n’est pas de trouver un partenaire étranger à qui on vend », a précisé le Premier ministre togolais, qui déplore la prévalence, dans les pays du Sud, à souvent sous-estimer les capacités du secteur privé local.
Les institutions de Bretton Woods n’obligent pas à vendre à l’extérieur
Interpellé sur la cession de ces quatre banques publiques lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement le 4 juin dernier, le Premier ministre togolais Gilbert Houngbo avait qualifié cela de « question très intéressante ». « Jusqu’à présent, les institutions de Bretton Woods ne nous obligent pas à vendre à l’extérieur », avait déclaré M. Houngbo, faisant noter plutôt une obligation de « désengagement de l’Etat ». La privatisation, selon les autorités togolaises, n’équivaudrait pas à un effacement total de l’Etat, qui est plutôt tenté, après tout, de garder une minorité de blocage. Dans cette dynamique, l’idée qui circule fait demander si en privatisant l’Etat ne pourra pas garder un minimum qui lui assure un contrôle à 51% en partage avec le secteur privé national. Une option conforme à la tendance, presque en vogue en Occident, où l’évolution du secteur bancaire ces dernières années montre une volonté des Etats de reprendre une part plus active dans la gestion du secteur financier, toujours stratégique. La traditionnelle cession totale aux investisseurs étrangers n’est plus d’actualité, la propension pour un actionnariat national est forte, et se dessine dans la recherche des 51% au travers le secteur privé qui pourra être présent à près de 30% aux côtés de l’Etat. « Je pense que c’est sur cela qu’il faut porter nos réflexions », avait insisté M. Houngbo. En clair, « la question n’est pas de trouver un partenaire étranger à qui on vend », a précisé le Premier ministre togolais, qui déplore la prévalence, dans les pays du Sud, à souvent sous-estimer les capacités du secteur privé local.
Olivier Tovor, Lomé
14-09-2010

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