(Le Pays 12/08/2010)
Le clash était devenu inévitable entre le Secrétaire général de l’Union des forces du changement (UFC), Jean-Pierre Fabre, et le président de ce parti emblématique de l’opposition togolaise, Gilchrist Olympio, avec l’entrée, en fin mai dernier, de l’UFC dans le gouvernement du président réélu, Faure Gnassingbé.
La divergence de vues consécutive à cette entrée qui n’est pas du goût de tout le monde a éclaté au grand jour avec les congrès convoqués, d’une part, par Jean-Pierre Fabre le 10 août, et, d’autre part, par Gilchrist Olympio ce 12 août. Mais si Jean-Pierre Fabre a été contraint de tenir son congrès dans la clandestinité pour avoir trouvé les forces de l’ordre sur son passage, ce n’est pas le cas pour Gilchrist Olympio qui a l’aval du régime avec lequel il compose désormais. Plutôt que de jouer les médiateurs, les autorités, à travers notamment le ministère de l’Administration territoriale et celui de la Sécurité, ont pris fait et cause pour Gilchrist Olympio.
Si bien que ce dernier est déjà assuré d’avoir une reconnaissance légale des nouvelles instances qui seront issues du congrès d’aujourd’hui 12 août. Il n’empêche que l’on parlera désormais d’UFC en terme de tendances avec la ferme intention du Secrétaire général de ne pas se laisser faire. Contre vents et marées, Fabre a tenu son congrès marqué par l’exclusion temporaire du parti de Gilchrist Olympio et de ceux qui l’ont suivi dans son aventure gouvernementale. La réponse du berger à la bergère aura sans doute lieu aujourd’hui dans le camp Olympio qui ne manquera d’exclure les acteurs de l’autre camp et aussi de réaffirmer qu’il représente l’UFC véritable.
Après avoir relevé le défi de l’organisation du congrès, il va rester à Jean-Pierre Fabre, candidat malheureux de l’UFC à la dernière présidentielle, de faire reconnaître les nouvelles instances issues de son congrès. Ce qui n’est pas une mince affaire face à l’attitude du ministère de l’Administration territoriale chargée de donner le quitus légal à tout parti. On imagine mal ce ministère reconnaître l’UFC dirigée par Fabre, vu qu’il a pris le parti de Gilchrist Olympio. C’est dire que le Secrétaire général est battu d’avance dans la partie de bras de fer avec le président et géniteur du parti.
Fabre est à la croisée des chemins et se retrouve face à un choix cornélien : continuer à agir au nom de l’UFC malgré tout ou créer son propre parti politique. Il serait sage pour Jean-Pierre Fabre de laisser le parti à son leader historique et de créer le sien propre. Ce serait faire preuve de réalisme même si l’on peut comprendre la douleur qu’éprouverait Fabre de quitter un parti pour lequel il s’est entièrement dévoué. Il est un fait que cette bagarre de légitimité fragilisera forcément l’UFC alors que des législatives se profilent à l’horizon. Jean-Pierre Fabre représente l’avenir par rapport à Gilchrist Olympio qui, au soir de sa vie, a choisi de composer avec ceux qu’il a passé la plupart du temps à combattre. Aujourd’hui, il ne peut pas se revendiquer de l’opposition véritable tant qu’il est dans le gouvernement de Faure (et pour combien de temps ?). Jean-Pierre Fabre est aujourd’hui en mesure de créer et d’animer un parti politique.
Il ne doit même pas se faire du souci par rapport au nombre de militants car il aura avec lui tous ceux que Gilchrist Olympio a déçus. C’est dire que Fabre doit s’inspirer de l’exemple d’opposants ayant vécu des crises internes provoquées le plus souvent par les pouvoirs en place pour les déstabiliser. Ceux qui ont vite compris la manœuvre ont préféré aller créer un autre parti. Face à un pouvoir togolais aussi déterminé, le juridisme ne mène pas loin.
Séni DABO
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