lundi 2 août 2010

Sénégal - Le président ne contrôle plus l’appareil de l’Etat

(Walfadjiri 02/08/2010)
Les attitudes espiègles et contradictoires du président Abdoulaye Wade n’étonnent plus, mais plutôt inquiètent les Sénégalais, qui se posent moult questions sur la santé mentale de notre magistrat suprême. D’ailleurs à ce sujet, un de ses anciens collaborateurs et compagnons, Ahmed Khalifa Niasse, le Secrétaire général du Front des alliances patriotiques, confiait que ‘la plupart du temps, Wade dort. S’il ne dort pas, il oublie. Et s’il n’oublie pas, il confond, Wade est allé jusqu’à confondre Kalidou Diallo et Moustapha Sourang’. Cette situation politique telle que vécue dans notre pays est dangereuse pour la République, parce que les vociférations inutiles du chef de l’Etat engagent un risque fort en péril, des fondements de notre pays, des institutions républicaines et des corps de l’Etat. Ses réponses antinomiques apportées sur l’affaire Tiken Jah Fakoly mettent en doute sa capacité de discernement des actes qu’il pose et qui engagent notre pays qui n’a pas su gérer cette affaire truffée de vices en amont et en aval.
En commençant par Me Ousmane Ngom, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur de l’époque, qui avait pris illégalement un arrêté d’interdiction de séjour à l’endroit du chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly, qu’il a lu à la télévision et qu’il n’a jamais notifié officiellement au chanteur ivoirien pour qu’il puisse, s’il le voulait, formuler une requête juridique ou hiérarchique auprès des autorités compétentes. Cette divagation juridique que commet le ministre-avocat, constitue un vice de procédure et une violation flagrante du Code de procédure civile. D’abord, dans son arrêté, Me Ousmane Ngom y mentionne une identité erronée du chanteur ivoirien qui ne s’appelle pas Seydou Facoly Doumbia, mais Moussa Fakoly Doumbia.
Ensuite, les griefs reprochés à l’artiste ivoirien étaient ridicules et légers, ils se fondaient sur les propos jugés insolents et discourtois. C'est-à-dire : ‘Laissez votre fils Karim Wade à la maison si vous ne voulez pas qu'il soit auditionné par l'Assemblée nationale’. Comment de tels propos véridiques peuvent-ils constituer une offense au chef de l’Etat et manquer de correction et de courtoisie à son égard, surtout que son fils exerçait une gestion financière publique et devait assumer lui-même sa responsabilité civile et pénale de citoyen sénégalais lorsque celle-ci était engagée. A l’époque, cette décision injuste et illégale constituait un abus de pouvoir puisqu’elle manquait d’arguments juridiques valides sur la forme et le fond. Surtout que Tiken Jah possédait la citoyenneté ivoirienne qui lui octroyait parfaitement le droit de circuler librement au Sénégal, en vertu des accords conclus dans le cadre de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. D’autant plus que ce monsieur ne constituait aucunement une menace pour la sécurité publique, la sûreté de l’Etat, la défense nationale et l’intégrité territoriale.
Grosso modo, cette décision était totalement farfelue et arbitraire puisqu’elle était conduite en dehors de tout principe régissant un Etat de droit. Elle n’était pas conforme aux règles de droit en vigueur, à la Constitution sénégalaise, à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux valeurs du panafricanisme. C’est ce que surement le président Abdoulaye Wade a tenté de rectifier, en révélant au chanteur qu’il n’était pas au courant de cette mesure d’interdiction. Malheureusement, par manque de tact, le président de la République s’est contredit incontestablement parce qu’il contrôle les renseignements généraux qui lui fournissent la liste détaillée de toutes les personnes interdites de séjour au Sénégal.
Le président a commis une autre gaffe parce que son action malhabile discrédite un de ses ministres, qui appliquait assidument à l’époque ses directives. De facto, avec cette incohérence du président Abdoulaye Wade, revient la question sur sa capacité mentale, son état d’esprit et son état de mémoire. Il se rétracte régulièrement en variant inversement sur ses propos, ses faits et gestes. Or, cette attitude est connue généralement chez les personnes âgées qui ont perdu la tête parce qu’elles gardent une confiance solide en leurs capacités d’agir et de réfléchir. Si tel était le cas, le président Abdoulaye Wade constitue clairement un véritable danger pour le Sénégal où, de plus en plus, se soulèvent sincèrement des interrogations sur la notion d’empêchement du chef de l’Etat telle quelle est mentionnée dans notre Constitution, en son article 41 : ‘La démission, l’empêchement ou le décès du président de la République sont constatés par le Conseil constitutionnel saisi par le président de la République en cas de démission, par l’autorité appelée à le suppléer en cas d’empêchement ou de décès’.
De droit, il reviendrait au président du Sénat de prendre ses responsabilités et d’interpeller le Conseil constitutionnel sur la déficience mentale et physique de M. Abdoulaye Wade, pour que les neufs sages constatent la vacance de la présidence de la République et appliquent les dispositions de notre Constitution en son article 39 qui montre la voie : ‘En cas de démission, d’empêchement définitif ou de décès, le président de la République est suppléé par le président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31’. C’est la raison pour laquelle bon nombre de Sénégalais réclament la destitution de M. Pape Diop, le président du Sénat et son remplacement immédiat, parce qu’il faille à ses obligations et prérogatives que lui confèrent les lois, les codes, les règlements et la Constitution du Sénégal.
Si cette inaptitude mentale du président de la République est avérée, elle serait extrêmement aventureuse pour le Sénégal qui se trouve momentanément dans une situation de blocage institutionnel et constitutionnel, parce que M. Abdoulaye Wade a délégué tous ses pouvoirs à son fils Karim Wade, qui exerce illégalement la fonction de président de la République. C’est pourquoi le Sénégal compte désormais deux Présidents : un de juré, c'est-à-dire celui qui exerce la légalité constitutionnelle, en l’occurrence M. Abdoulaye Wade et, aussi, un autre président de fait, c'est-à-dire de facto M. Karim Wade qui usurpe tous les pouvoirs et qui exerce illégalement la fonction de président de la République. Ce qui constitue naturellement un coup d’Etat en douceur avec la complicité du père-président qui truque les institutions et la Constitution pour que l’enfant le dépose en catimini.
Pour conclure, l’affaire Tiken Jah Fakoly vient renforcer les questions récurrentes que se demandent les Sénégalais sur l’état mental, l’état d’esprit et l’état de mémoire du président Abdoulaye Wade qui ne cesse de poser régulièrement des actes biscornus qui prouvent sa capacité limitée d’analyse et de discernement. Ensuite, les déclarations variées, ambivalentes et inexactes du président Wade montrent clairement qu’il ne contrôle plus l’appareil de l’Etat et qu’il ignore carrément son état de délabrement. Et qu’il a cédé à son fils le gouvernail, or, Karim Wade est inapte et inopérationnel ; il ne cesse de se distinguer par une impopularité insurmontable et des insuccès récursifs. En conséquence, les forces vives de la nation doivent se mobiliser pour exiger du président du Sénat, l’assumation totale de ses prérogatives constitutionnelles pour sauver la République et la démocratie.
Enfin, à l’avenir, pour que ce cas de figure de tentative de dévolution monarchique ne puisse plus se poser, notre pays a intérêt majeur de réviser sa Constitution, en y inscrivant des garde-fous, tels que la publication périodique du bulletin de santé du chef de l’Etat mais aussi la rectification de son article 28 qui ne borne pas l’âge légal du président de la République.

Cheikh Sidiya DIOP Secrétaire général de la Ligue des Masses dcheikhsidiya@gmail.com
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