mardi 3 août 2010

Rwanda - Enseignant des sciences politiques, prisonnier au Rwanda : Le Congolais Buhendwa Eluga arrêté en plein cours

(L'Avenir Quotidien 03/08/2010)
*Par ses idées, le professeur Buhendwa est considéré par certains comme l’équivalent de « Bundu dia Kongo » à la kivutienne.
Les relations entre la Rdc et le Rwanda retrouveront-elles un jour leur niveau d’avant la guerre ? Cette question est suspendue sur plusieurs lèvres aussi bien au Congo qu’au Rwanda. Elle est à la base d’un certain scepticisme et pourquoi pas d’une certaine prudence, sinon d’une méfiance.
Ce qui est arrivé au professeur Buhendwa Eluga en est une preuve qui fait que demain, un professeur, un opérateur économique ou culturel congolais, réfléchirait longtemps avant de s’installer dans une des villes rwandaises. Il nous revient que le professeur Buhendwa Eluga a été arrêté au Rwanda. Directeur général de l’Isc (Institut supérieur du commerce) de Uvira dans la province du sud-Kivu, il enseignait les sciences politiques dans une école rwandaise. Il a été, selon la même source, pris en plein cours et conduit à une destination inconnue. La même source précise que cet intellectuel congolais est la seconde personne à subir la rigueur du pouvoir rwandais. L’autre prisonnier congolais dans les geôles rwandais étant Idesibald Byabuze.
Le Professeur Buhendwa est connu pour son engagement pour la paix dans la région. C’est la raison qui a fait qu’après ses études en Europe, il ait choisi de revenir dans son pays afin de se mettre au service de la jeunesse. Panafricaniste, il a pris l’option d’étendre ses services dans les pays de la région qui ont les mêmes besoins. Cela explique sa présence au Rwanda où il enseigne les sciences politiques apparemment une discipline dangereuse dans un pays où les mots, les principes, les idées, … doivent être pesés et repesés avant d’être utilisés, surtout enseignés dans les milieux aussi sensibles que ceux de la jeunesse universitaire. Buhendwa a aussi un doctorat en sciences économiques. Mais c’est en plein cours de sciences politiques qu’il a été arrêté. Cela n’explique rien. Son souci de relever le système de l’enseignement en Rdc l’aurait-il poussé à quelque critique qui n’aurait pas plu aux dirigeants rwandais ?
Panafricaniste, Buhendwa Eluga est connu pour ses implications dans des activités de recherche de la paix et de la convivialité interethnique. C’est un domaine très sensible au Rwanda où la question ethnique serait même taboue. L’intellectuel congolais aurait-il dit quelque chose dans ce domaine qui n’aurait pas rencontré la politique des dirigeants post-génocide ? Il est aussi possible que le professeur congolais ait été inquiété pour des idées qu’il repend, notamment celles sur le devenir de la province du Sud-Kivu dont il déclare propriétaire du Lac Kivu. Pour lui donc, ce lac serait congolais et rien d’autre. Telles idées ne seraient pas de nature à égayer les dirigeants rwandais qui exploitent du gaz dans ce lac. Buhendwa serait-il un danger pour les intérêts rwandais sur le lac Kivu ? Car, écrit-il : « Kivu de 1953, nous conduit à revisiter certaines thématiques qui peuvent être mises au service d’un nouveau regard sur les implications socio-économiques et les répercussions politico-géostratégiques de notre Province, appelée ou dénommée, à tort, Sud-Kivu.
Cette ordonnance du Gouverneur Général, Monsieur Pétillon, définit, expressis verbis, les contours, les limites, les bornes de notre actuelle Province et, à ma connaissance, aucun autre texte, de portée générale, n’a modifié ces limites d’une entité passée de District, en Sous-Région puis en Province. Mine de rien, cette Ordonnance consacre l’appartenance du Lac Kivu qui, par onomastique et par antonomase, donne une identification à cette aire particulière, singulière, spécifique du Congo qu’était le District du Sud-Kivu devenu notre Province ».
Le professeur ne fait pas une masturbation politique dans la mesure où il cherche des applications concrètes de ses idées. Parlant de l’élection de Marcelin Chisambo à la tête de cette province, il y voit une opportunité. « Il va falloir soit lui créer un rêve, soit lui définir une identité à partir de ses entités, soit continuer à en faire un « proconsulat » écartelé entre les appétits de Politiciens de Kinshasa et ceux des Commerçants de Dar es Salaam, Nairobi, Kampala, Kigali et Bujumbura », dit-il en précisant l’opportunité que devrait selon lui, saisir le nouveau gouverneur. C’est un homme actif qui a un programme qui peut aux yeux de certains ressembler à de la subversion, lorsque par exemple il demande de « Détruire toutes les barrières qui entravent les liens avec les Provinces congolaises du Nord-Kivu, du Maniema, du Katanga mais aussi celles de nos voisins tanzaniens (Kigoma, Sumbawanga, Kagera), burundais (Nyanza Lac, Bujumbura rural, Bujumbura, Cibitoke) et rwandais (Ouest) ». Ce programme lui fait coller l’image d’un chef d’une certaine espèce de « Bundu dia Kongo » à la kivutienne. Le Rwanda pouvait avoir senti ces enseignements comme une tentative de la balkanisation de son pays.
Le professeur en dit plus en parlant de la communauté des pays swahilophones. Il recommande d’« Œuvrer, hardiment, à la création d’une « Communauté des Etats Swahili » ou de la « Ligue Swahili » ou de la « Communauté des Provinces du Bassin de la Ruzizi » en mettant en valeur les concepts liés aux Lacs Kivu et Tanganyika, à la Rivière Ruzizi et à l’appartenance à l’Univers Swahili ». Ce ne sont que des supputations journalistiques en attendant que Kigali donne les vraies raisons de l’arrestation du professeur congolais. Cependant, quoi qu’il ait fait, ce professeur nécessite une mobilisation au pays afin d’obtenir sa libération. C’est un appel lancé au gouvernement congolais qui doit s’enquérir de la situation de ce compatriote.
Qui est Buhendwa ?
Buhendwa Eluga est né à Luvungi (Uvira) au Sud-Kivu. Il a fait ses études secondaires au Petit Séminaire de Mungombe ( Mwenga) et à l’Institut Alfajiri. Il termine ses études secondaires en 1970. Il s’inscrit en droit à l’actuelle université de Kinshasa (Unikin). En France, il poursuit les études en sciences politiques et défend avec succès sa thèse.

Joachim Diana G.
© Copyright L'Avenir Quotidien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire