(Courrier International 29/10/2010)
Dans le pays, des milliers de logements sont inondés. Près de 600 000 Béninois sont victimes des intempéries. La faute aux autorités, qui ont fait preuve d'une faiblesse coupable dans la délivrance des permis de construire.
Depuis quelques semaines, Cotonou, la capitale économique du Bénin, est une ville sinistrée. Et pour cause, les pluies diluviennes qui se sont abattues ces derniers temps ont fait bien des dégâts. Outre le fait que des voies ont été envahies par l'eau, ce sont les habitants des zones inadaptées à la construction à Cotonou qui ont payé le plus lourd tribut. "J'ai perdu deux de mes enfants, morts noyés, quand l'eau nous a surpris", a déclaré une femme de la périphérie de Cotonou. A ces deux enfants, il faut ajouter 41 autres victimes officiellement répertoriées.
On enregistre pour le moment sur l'ensemble de la région méridionale quelque 55 575 maisons et 276 écoles ayant fait les frais de la furie de l'eau dans 42 des 77 municipalités que compte le Bénin, mais c'est surtout à Cotonou que ce phénomène est manifeste. Sur les 1 million de personnes touchées dans le pays, 680 000 se trouvent dans une grande précarité.
Pour faire face à cette catastrophe inédite en raison de l'intensité particulière des pluies de cette année, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se prépare à mettre en place un pont aérien afin d'apporter une assistance à l'ensemble des sinistrés, dont une bonne partie a quitté son lieu d'habitation. Pour le Dr Paulin Houénassi, de la Croix-Rouge béninoise, "les zones de réinstallation qu'ils ont choisies sont insalubres et infestées de moustiques". D'où la crainte d'une épidémie de choléra. A ce jour, 800 cas ont déjà été signalés.
"Notre travail au Bénin consiste à assurer la protection et l'assistance aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, soit une population de 7 300 personnes. Toutefois, nous avons été appelés à répondre aux besoins d'urgence des sans-abri se trouvant dans les régions du sud du pays", a déclaré Adrian Edwards, porte-parole du HCR, lors d'une conférence de presse à Genève, en Suisse. Le HCR a déjà fourni des moustiquaires et prévoit environ 3 000 tentes.
Quant au Programme alimentaire mondial, il a mis à la disposition des victimes 445 tonnes de maïs et 87 tonnes d'huile, avec des aliments thérapeutiques au profit des hôpitaux et d'autres centres de santé dans 3 communes.
Ironie du sort, les inondations sont survenues au moment même où, à l'Assemblée nationale, les députés votaient la loi portant gestion de l'eau en république du Bénin. Laquelle a pour objectif d'"assurer une gestion intégrée des ressources en eau et de façon à prendre en considération ensemble et à concilier les différentes utilisations et fonctions physiologiques, socioculturelles, économiques, environnementales de l'eau, afin d'assurer une utilisation équilibrée, une répartition équitable et une exploitation durable de la ressource disponible".
Toutes proportions gardées, le phénomène presque récurrent d'inondations plus ou moins graves que connaît la ville de Cotonou est en grande partie imputable à tous ceux qui ont eu à un moment ou à un autre la charge d'administrer la capitale économique du Bénin. Il est de notoriété publique que, dans Cotonou et sa périphérie, on fait déguerpir les "faibles" de force après coup et on laisse parfois s'établir les "forts" ou les corrupteurs sur des zones inondables ; il y a là un grand malaise que l'Etat doit avoir le courage et la fermeté de régler une bonne fois pour toutes. Et de façon juste et équitable.
Le pire, c'est que la ville de Cotonou étant située en grande partie dans une zone marécageuse, certains habitants se sont entêtés à ériger des habitations précaires à des endroits où la moindre pluie provoque systématiquement une inondation dans les maisons. Parfois, sans même des titres de construction. A cela il faut ajouter les caniveaux mal récurés et le prélèvement illégal de sable sur les plages de Cotonou.
Depuis l'avènement de l'ex-président Nicéphore Soglo à la tête de la mairie de Cotonou, il a été mis en place, sous la houlette de son fils Léhady Soglo – le premier adjoint au maire –, ce qu'ils ont appelé l'opération 3CI ou CCCI (Cotonou en campagne contre les inondations). Mais, chaque année, cette opération, censée fonctionner normalement à chaque saison des pluies, se révèle être un simple slogan. Dans tous les cas, la ville de Cotonou a besoin d'un grand programme d'évacuation d'eau et d'aménagement urbain. Et pour cela, il faut bien faire tomber des maisons.
C'est la seule façon de faire l'économie des inondations fréquentes et d'avoir une capitale moderne qui réponde aux exigences d'un véritable développement. Seulement voilà, le Bénin n'a pas encore trouvé le président qui dispose à la fois d'un charisme, d'une vision et d'un courage politique pour accomplir cette œuvre de salubrité nationale.
Serge Félix N'Piénikoua
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