De Christophe KOFFI (AFP)
ABIDJAN — "J'ai voté pour la paix", lance Adèle Doba, tout sourire, en sortant d'un bureau de vote à Abidjan. Comme de nombreux Ivoiriens, elle s'est levée tôt dimanche pour donner un président à la Côte d'Ivoire et tourner la page d'une décennie de crise.
Dans tous les quartiers de la métropole ivoirienne (un tiers des quelque 5,7 millions d'inscrits), les électeurs se sont pressés devant les bureaux de vote avant même l'ouverture à 07H00 locales (et GMT) du scrutin présidentiel, le premier depuis 2000, fébrilement attendu après six reports depuis 2005.
Dans une ambiance bon enfant, les Abidjanais attendent calmement leur tour, sous l'oeil vigilant des forces de l'ordre. Mais dans la matinée certains centres ont mis du temps à ouvrir leurs portes.
Adèle Doba, mère de famille, a "voté pour le président sortant", populaire dans l'immense quartier de Yopougon. Laurent Gbagbo est "à même d'assurer un bon avenir pour mes six enfants", dit-elle, convaincue.
Monique Kanga veut aussi oublier la guerre déclenchée par le coup d'Etat manqué de 2002 et la crise qui a déchiré et appauvri le pays.
"Je suis contente parce qu'on va avoir la paix, nos enfants vont avoir du travail", déclare la vieille femme, qui a pu entrer en priorité dans son bureau de Koumassi, un autre quartier populaire.
Casquette vissée sur la tête, l'informaticien Jules Ahoré est "très ému". Il vient de glisser son bulletin dans l'urne dans le quartier chic et verdoyant de Cocody. "Je me sens libre, c'est comme si j'étais à l'église et que je venais de prendre la communion..."
Mais dans le bureau où trônent le président et ses assesseurs, tous en chasubles orange-blanc-vert, les couleurs nationales, son voisin Georges Etranny, connu des Ivoiriens pour ses livres et sa musique, est moins serein.
"Les Africains nous ont habitués à des après-élections tendues. Nous faisons un premier pas mais il faut croiser les doigts pour que les résultats arrivent et que chacun accepte le verdict", avance-t-il.
A Bouaké (centre), fief de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui contrôle le nord du pays depuis 2002, c'est aussi jour de fête. Rues quasi-vides, commerces fermés: des milliers de personnes se sont donné rendez-vous dans les écoles aménagées en lieux de vote.
"Maintenant on est libéré, je pense que la Côte d'Ivoire va se retrouver", s'exclame Azita Bamba, une commerçante venue avec ses six enfants.
"Ici à Bouaké on a trop souffert, on est dans l'insécurité, on ne mange pas bien et nos frères ne trouvent pas de travail", se lamente-t-elle. Mais la jeune femme a foi dans son champion, l'ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara ("ADO"), candidat pour la première fois et grand opposant avec l'ex-président Henri Konan Bédié. "Avec +ADO+, tout ça va changer".
Pour Lassina Touré, chauffeur de 35 ans, ce scrutin marque un tournant pour les "dioulas". Ces ressortissants du nord majoritairement musulman s'estiment stigmatisés depuis des années, car soupçonnés d'être étrangers. Sur fond de querelle de l'"ivoirité", leur sort est depuis longtemps au coeur des tourments du pays.
"Cette élection va ramener ma dignité perdue, parce qu'on nous a volé notre dignité", assène-t-il froidement.
"Avant, quand tu dis que tu t'appelles Touré, Koné ou Bamba, on dit que tu n'es pas ivoirien. Mais en accomplissant mon acte civique aujourd'hui, j'ai retrouvé ma citoyenneté".
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