(Le Pays 25/10/2010)
Tout nouveau tout beau. Comme un bébé, ainsi se présentait la junte nigérienne, au lendemain de son avènement au pouvoir. Se refusant, comme il est de coutume en Afrique, de reproduire une transition avec un poncif, cette dernière avait, à s’y méprendre, séduit la communauté internationale par sa singulière circonspection et son apparente attitude débonnaire.
En tout cas, le processus de transition qui, jusque-là, semblait marcher comme sur des roulettes, traduisait la volonté des prétoriens à oeuvrer pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel au Niger. Et la communauté internationale, quant à elle, n’a eu de cesse de leur manifester son soutien. Mais voilà. Alors que l’on s’approche du rendez-vous capital du référendum constitutionnel du 31 octobre qui va consacrer le début du processus qui remettra le Niger sur les rails de la démocratie, éclatent au grand jour de graves dissensions au sein du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). En effet, quatre officiers dont le numéro deux de la junte, le colonel Abdoulaye Badié, arrêtés depuis les 15 et 16 octobre sont officiellement accusés d’une "tentative de déstabilisation du régime de transition y compris un attentat à la vie du président du CSRD".
C’est ce qu’a déclaré le porte-parole de la junte, Abdoulkarim Goukoye, le 21 octobre dernier. Tout était bien qui devient bizarre, peut-on dire. Jusqu’où mènera cette mésintelligence domestique ? Faut-il y voir une mainmise du politique ? L’ex-président Tandja aurait-t-il encore des partisans au sein de l’armée au point de paraître influent ? Rien n’est moins sûr. Dans tous les cas, cette fêlure, désormais consommée, doit amener la junte à faire preuve de prudence et de vigilance dans sa collaboration avec certaines personnalités afin d’éviter toute récupération politique. Elle doit, de ce récent incident, tirer toutes les leçons dans la perspective d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Très souvent, plus la transition traîne, plus des dissensions naissent, compromettant ainsi sérieusement la feuille de route établie.
Cependant, en parlant "d’officiers des forces armées nationales opposés depuis toujours à un retour à un système démocratique normal", le porte-parole de la junte nigérienne laisse croire que la position desdits officiers dès le début de la transition, était bien connue. Pourquoi ne les avoir donc pas évincés à temps d’autant qu’ils s’étaient déjà montrés récalcitrants et rebelles ? Ils auraient été opportunément écartés que le CSRD aurait gardé sa cohésion et sa sérénité jusqu’au bout du processus.
Le Premier ministre nigérien, Mamadou Danda, interrogé sur les récents événements intervenus à Niamey, s’est voulu rassurant. Il a, quant à lui, parlé "de soubresauts et d’une incompréhension dans les rangs". Une réponse qui, a priori, contraste avec la déclaration officielle de la junte même si, au demeurant, elle traduit également un malaise au sein de la transition.
Quel drôle de malentendu où l’on veut attenter à la vie de certains ! Mais on comprend le Premier ministre nigérien. Il doit rassurer la communauté internationale qui suit de près la transition nigérienne. Quitte à user de la langue de bois. La junte, comme nous l’avions déjà écrit, a le devoir de maintenir le cap. Et l’échéance du 31 octobre prochain sera la première épreuve à travers laquelle elle sera jugée.
Boundi OUOBA
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