mercredi 18 août 2010

Congo - Le nouvel aéroport de Maya-Maya, le chef-d’œuvre inconnu

(Congopage 18/08/2010)
Le premier module de l’aéroport de Maya-Maya vient d’être inauguré par Sassou jeudi dernier (12 août 2010). Selon le journaliste Kakou (Télé-Congo) , les superlatifs manquent pour qualifier l’ouvrage (l’un des meilleurs d’Afrique en matière de haute technologie). Coût total : 81 milliards de Fcfa. Le hic c’est que les travaux de l’aéroport en question ne sont pas pas encore finis.
"L’aéroport est tellement ultra moderne qu’on se demande, en le voyant, si nous sommes bien à Brazzaville." C’est toujours Jean-Claude Kakou qui le dit dans ses commentaires. On montre Sassou au milieu des officiels. L’homme a un visage qui exprime je ne sais quoi d’extravagant qui fait penser à un chef d’état italien du début du siècle dernier. Joie, arrogance, détachement et, à la fois, implication dans l’ordre du monde se lisent sur son visage. Cette suffisance dans le regard est également visible à l’inauguration de la statue du cinquantenaire qu’il dévoile dans le centre-ville de Brazzaville et que Jean-Paul Pigasse compare simplement à la Marianne française. Le monument qui représente une femme aurait pu inspirer au patron des Dépêches, le nom de Kimpa-Vita, notre symbole de l’héroïsme féminin. Mais tout Congolais soit-il devenu, Jean-Paul Pigasse reste avant tout gaulois.
L’augure de l’Inauguration
Pour en revenir à la série des inaugurations auxquelles se livre le Président congolais, Dostoievski parle, afin d’ l’illustrer l’absurde cocasse d’une situation, d’une selle sur une vache. C’est l’impression que donne l’aéroport de Maya-Maya dans l’environnement sordide de Brazzaville où, il est de notoriété publique, il n’y a point d’eau, point d’électricité, point de routes. C’est aussi l’image dostoïevskienne que procure à notre esprit l’inauguration (avant la lettre) de l’usine hydro-électrique d’Imboulou. On dirait un tombeau chrétien : beau à l’extérieur, pourri à l’intérieur.
Le module 1 de l’aéroport d’avenir n’est pas encore livré que déjà on l’inaugure. On danse plus vite que la musique. Peut-on inaugurer l’inachevé ? Il n’y a qu’au Congo, pays où tout marche à l’envers, que la chose peut arriver. Sassou ne cesse pas de couper des rubans pour des ouvrages inachevés. Ce n’est pas de bon augure. On aurait dit qu’il est pressé par le temps. Certes nous sommes à zéro jour du cinquantenaire des Indépendances. On comprend que l’homme ait envie d’épater la galerie. Il y a des homologues qui sont arrivés à Brazzaville pour la circonstance. Des soldats français, tchadiens, centrafricains vont défiler en compagnie des militaires congolais sur le boulevard des armées. Il s’agit de montrer à tous qu’on n’est pas « bâtisseur infatigable » en vain. Mais il y a comme une métaphysique de l’existence précaire dont semble conscient le plus vieux président que le Congo ait jamais eu en termes de durée au pouvoir. L’axiome semble le suivant : on ne sait pas de quoi sera fait demain et, à chaque jour suffit sa peine. Alors, allons-y ferme. Mettons le paquet. Si je ne finis pas l’œuvre au moins j’aurai fini de convaincre les détracteurs que j’y aurai pensé. L’intention ne vaut-elle pas l’action ?
L’insoutenable légèreté de l’inachevé
Le Congo est actuellement un tableau d’ouvrages commencés, jamais achevés. Souvenons-nous de la théorie de la dernière nasse que développe lui-même Sassou lorsqu’il visite à l’hôpital de Loandjili (encre une œuvre inachevée) les blessés de l’accident ferroviaire de Yanga. Quand on regarde derrière le premier module de l’ultra-moderne aéroport de Maya-Maya, se cachent des nasses vides. La très futuriste aérogare masque un vieux passé d’œuvres laissés en vrac par une municipalisation accélérée et... incomplète. A-t-on besoin d’être oiseau de mauvais augure pour deviner que Maya-Maya comme Imbouilou comme Djiri, comme la Nationale 1, autant d’œuvres commencées, ne verront jamais le jour dans leur plénitude ? En tout cas pas du vivant de celui qui en a posé les premières pierres et qui n’a jamais rien inaugré de sa vie, en dehors du mausolée de Pierre Savorgnande Brazza (10.milliards de fcfa).
Comédie humaine
L’expérience de la praxis économico-politique congolaise nous a enseigné au moins un théorème : quand la fête arrive au lendemain, on oublie tout. Un peu à l’image du proverbe créole : les tams-tams sont lourds après la danse. Une fois les rideaux du cinquantenaire tombés, rien ne dit qu’on ne laissera pas tout tomber. Nous mettons le Chemin d’avenir au défi de nous prouver le contraire. On nous promit le courant électrique pour le 15 août. On n’a rien vu. L’eau de la Djiri a été remise également aux calendes grecques. Exit aussi la municipalisation de Boundji (pourtant dans le fief électoral de Sassou, c’est-à-dire la future région de l’Alima). A l’ère du Chemin d’avenir, on ne compte plus les projets sans lendemain.
Dans Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac, l’un des maîtres de la comédie humaine, l’artiste Frenhofer est à pied-d ‘œuvre devant un tableau que ses disciples attendent avec fièvre, car c’est lui le maître. Lorsque le maître dévoile enfin le chef-d’œuvre, le tableau est vide.
Sassou serait-il le Frenhofer congolais ?

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