mercredi 6 octobre 2010

Ouganda - Pluie de critiques contre l'enquête sur les attentats de Kampala

(Cyberpresse 06/10/2010)
La justice ougandaise doit entendre vendredi la quarantaine de suspects arrêtés trois mois après les attentats islamistes de Kampala -76 morts- mais les défenseurs des droits de l'homme dénoncent le flou du dossier et des violations flagrantes des droits de la défense.
Les autorités ougandaises ont inculpé à ce jour 38 personnes -dont 36 toujours en détention- pour terrorisme, meurtres et tentatives de meurtres, en liaison avec les attentats à la bombe contre deux restaurants de la capitale Kampala qui retransmettaient la finale de la Coupe du monde de football, le 11 juillet.
Le procureur général ougandais, Richard Butera, a prévenu que ces accusations ne devraient guère être développées lors de l'audition de vendredi, vraisemblablement brève.
«À ce stade, il n'est pas forcément nécessaire de définir ce que seront» les accusations définitives, a indiqué M. Butera dans une interview à l'AFP. «Je ne voudrais pas m'engager» maintenant, ajoute-t-il.
«Il s'agit d'un crime qui dépasse les frontières. Ses préparatifs ont pris du temps, ils ont nécessité de parcourir de grandes distances et ont impliqué beaucoup de monde. L'enquête va prendre du temps», prévient M. Butera.
Ces arguments laissent de marbre les organisations de défense des droits de l'homme, telles Amnesty International et Human Rights Watch qui ont exhorté la justice ougandaise à préciser les charges pesant contre un des inculpés les plus en vue, Al-Amin Kimathi, ou à le relâcher.
Fondateur du Forum musulman des droits de l'homme, une association kényane, M. Kimathi a été interpellé le 15 septembre alors qu'il venait d'arriver à Kampala pour assister à une audience d'une partie des inculpés.
Il fait désormais partie d'un groupe de treize suspects kényans, arrêtés soit en Ouganda, soit sur le sol kényan.
M. Kimathi a été arrêté en compagnie de «terroristes» présumés réunis dans un hôtel en dehors de Kampala, selon la police. À cette réunion participait un certain Omar Awadh Omar, «responsable de haut niveau de Al Shabab», la milice somalienne islamiste des shebab qui a revendiqué les attentats de Kampala, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police ougandaise, Vincent Ssekate.
Mais la version policière de l'arrestation est catégoriquement rejetée par Me Ladislaus Rwakafuuzi, avocat de M. Kimathi ainsi que d'Omar Awadh Omar.
Selon cet avocat, M. Omar ne se trouvait pas à l'hôtel à Kampala au moment du coup de filet et a en fait été arrêté au Kenya puis déporté en Ouganda.
Par ailleurs, un avocat kényan arrêté en même temps que M. Kimathi en Ouganda, et depuis relâché, Me Mbugua Mureithi, a dénoncé un «coup monté» de la police ougandaise qui les a attirés vers un rendez-vous fictif pour les appréhender.
Au Kenya, un juge de la Haute Cour, Mohammed Warsame, a estimé que la décision du pouvoir kényan de remettre à l'Ouganda huit de ses ressortissants constituait «une violation (du droit) perpétrée avec une arrogance ou une ignorance remarquable».
Quatre suspects ougandais sont de leur côté passés aux aveux en août, en public et hors de toute procédure judiciaire, une initiative du chef du renseignement militaire jugée «non professionnelle» par le chef de la police nationale.
Ces confessions publiques suffisent à jeter le doute sur l'équité du procès à venir, selon Godfrey Odongo, responsable d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Est, qui a également affirmé à l'AFP ne pouvoir exclure le recours à la torture par la police ougandaise.
Des accusations rejetées catégoriquement par le procureur général ougandais, qui assure que son pays «n'agit pas en dehors des normes habituelles de procédure criminelle».

Agence France-Presse
Publié le 06 octobre 2010
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