vendredi 8 octobre 2010

MORT D’ENFANTS CONTAMINES AU NIGERIA

(Afrique Actu 08/10/2010)
Le rituel des drames des contaminations a repris au Nigeria. Depuis le début de l’année, plus de 400 enfants de moins de cinq ans sont morts des suites d’empoisonnement au plomb dans l’Etat de Zamfara (nord du pays). Une vraie catastrophe sanitaire puisque selon un rapport rendu public par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la contamination tend à se propager dans d’autres Etats. Parmi les causes de la propagation, on évoque le silence coupable des populations.
Dans le cas de Zamfara, il ressort du rapport du PNUE que les populations craignaient de perdre leur source de revenus. Dans cet Etat du nord Nigeria riche en minerais, l’orpaillage sauvage est une tradition, mais surtout un véritable gagne-pain. Croyant bien faire, des villageois ont ramené chez eux des blocs de roches pour en extraire le métal précieux. Des blocs riches en plomb qui ont contaminé le sol, l’eau et les gens. Tant
et si bien que depuis le début de l’année, l’on a enregistré des cas d’empoisonnement massifs.
Faut-il s’étonner de la survenue d’une telle catastrophe et surtout du comportement des populations concernées ? De notre point de vue, ces faits sont tributaires de la mal- gouvernance. Il y a, en effet, comme une absence de la puissance publique dans cette partie du Nigeria fédéral. Les populations semblent avoir été abandonnées à leur triste sort. Des enquêtes plus poussées devraient permettre d’y voir plus clair, surtout dans le dysfonctionnement des services publics ayant en charge la couverture administrative et socio- sanitaire de la région. Dans nombre de pays du continent, deux acteurs principaux interviennent dans la recherche effrénée de l’or : les individus et l’Etat. Les premiers sont des orpailleurs, regroupés ou non, qui usent d’outils rudimentaires et fouillent les entrailles de la terre à leurs risques et périls. Leurs trouvailles sont généralement transformées en bijoux par des artisans et vendus sur le marché. Dans d’autres cas, la poudre d’or collectée est cédée à des prix toujours contestés auprès de privés, d’intermédiaires de toutes sortes ou de structures mises en place par l’Etat.
L’Etat, qui constitue le second acteur, agit par le biais des sociétés d’Etat ou de grandes corporations tenues de respecter un cahier des charges. Malheureusement, il arrive parfois que ces dernières profitent de la naïveté, du manque de vigilance sinon de la complicité des pouvoirs établis, pour agir contrairement aux attentes. Dans l’ensemble, en Afrique, l’exploitation minière se fait dans une certaine opacité. Avides de s’enrichir, les élites cupides qui gèrent l’Etat et les compagnies étrangères qui opèrent sur le continent, se préoccupent à peine de l’indigence, de la santé, de l’éducation et de la sécurité des populations. De l’environnement qui se dégrade, y compris la faune, la flore et les plans d’eau, on n’en a cure. Les orpailleurs ne sont pas si innocents : on peut leur reprocher le manque d’organisation qui favorise la pénétration du vice sur les sites, la cupidité qui pousse à exploiter des personnes vulnérables (femmes et enfants), et de façon générale le non-respect des droits humains élémentaires. Leur manque de responsabilité est flagrant comme dans les événements récents de Zamfara au Nigeria. Lorsque l’Etat et ses partenaires font l’essentiel, il s’en trouve toujours des inconscients pour conduire les autres à leur perte.
Par ailleurs, les actions de sensibilisation et d’éducation portent difficilement fruit. Cela, du fait de l’insuffisance ou de la pertinence des actions (incompétence, nombre réduit des acteurs, rareté ou inadéquation de l’évaluation), de la faiblesse des ressources (difficultés d’ordre matériel et financier : abus, détournements et corruption), et de l’ampleur des problèmes subjectifs (clientélisme, politique politicienne). Sans oublier le flux démographique sur les sites d’orpaillage. Quelles leçons tirer du drame de Zamfara ? On pourrait avancer que la pauvreté, l’ignorance mais aussi l’absence de l’autorité de l’Etat, sont principalement à l’origine de la situation. A-t-on proposé des alternatives socio-économiques porteuses aux communautés ? A-t-on sérieusement sensibilisé les populations aux dangers liés à l’orpaillage ? Quels messages de prévention sont adressés à quelles cibles, par quels canaux, à propos des risques encourus dans les zones à haut risque d’endémicité ?
L’insécurité sanitaire est une réalité au Nigeria qui résume à lui seul l’Afrique dans ses errances, ses incohérences, ses incongruités et son absence de l’autorité de l’Etat. Parce que résoudre certains problèmes est bien possible, l’on ne cessera de dénoncer ces élites africaines qui s’accaparent les richesses nationales et évitent de répondre à la demande sociale.
Cinquante ans après les indépendances, revoilà les populations africaines dans une indigence révoltante. Comment alors s’étonner que se sentant abandonnées à elles-mêmes, acculées, des franges de la population ne soient incitées à poser des actes de désespoir ? Des drames du genre de celui que vit le nord Nigeria, reflètent bien ce qui se passe dans la quasi-totalité des Etats africains. Révélateurs de l’échec des politiques de développement, ils témoignent de l’incapacité des Etats africains à faire face à leurs obligations ; singulièrement de la négligence et de la fuite de responsabilité des élites, autant que du manque de bonne volonté des gouvernants. Combien de morts faudra-t-il donc pour qu’enfin chacun prenne conscience des drames vécus au quotidien ? Qui toucher finalement pour sauver les populations des griffes d’élites corrompues et de dirigeants sans scrupules et sans retenue, qui s’enrichissent aux dépens des populations ?
Publié par Le Pays

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