mardi 14 septembre 2010

RDC - Exploitation des minerais à l’Est: Joseph Kabila doit sanctionner les coupables

(Le Potentiel 14/09/2010)
La pieuvre aux multiples tentacules à l’Est de la RDC va bientôt tomber dans les filets de la justice. Joseph Kabila a décidé de couper l’herbe sous les pieds du réseau maffieux qui alimente l’exploitation et l’exportation illicite des minerais dans l’ancienne province du Kivu en suspendant toutes les activités minières jusqu’à nouvel ordre. Les coupables se comptant à tous les niveaux de la pyramide nationale, seule une justice indépendante serait à même à relever le défi du chef de l’Etat.
Tous le savaient. Mais, personne ne levait le ton pour le dénoncer. Parce que tous y trouvaient leur compte, du niveau local en passant par les provinces jusqu’au niveau central, c’est-à-dire à Kinshasa. Un scenario digne de « Les animaux malades de la peste » de La Fontaine.
En tournée d’inspection dans la partie Est, le chef de l’Etat a réalisé l’étendue des dégâts. L’anarchie est telle que les trois provinces (Maniema, Nord et Sud-Kivu) du grand Kivu sont devenues un Far west, un « no man’s land ». A ce sujet, le communiqué signé par le directeur de cabinet du ministre des Mines épingle sans circonlocutions les magnats de la chaîne d’alimentation et d’entretien de l’insécurité dans la partie orientale de la RDC. Le communiqué fait mention de «l’implication manifeste de certaines autorités locales, provinciales et centrales tant civiles que militaires dans l’exploitation illégale et le commerce illicite des substances minérales ».
La conséquence immédiate dans cet état de choses est que les opérations de stabilisation et de pacification menées à l’Est se sont souvent soldées par des résultats en demi-teinte. Car, aussitôt des mesures prises, les exécutants sur le terrain se volatilisent ou se retranchent derrière des carapaces de titres et autres distinctions. Qui pis est, ils ont aménagé des passerelles pour entretenir leurs entreprises.
Parfois, ils s’attaquent aux éléments loyalistes. Et, quand il faut brouiller les pistes, ils mènent des opérations de représailles contre les populations civiles. Grâce à la complicité active des décideurs, le cycle se referme, tournant en dérision tous les efforts déployés.
Des morts qui se comptent par millions et de nombreux déplacés font le frais de l’appétit insatiable des décideurs à tous les niveaux de l’appareil de l’Etat. L’impunité étant garantie, personne n’ose se départir de cette propension à se faire de l’argent sur le sang de paisibles populations de l’Est.
PUNIR LES COUPABLES
De Goma, la décision est tombée. Joseph Kabila a franchi une nouvelle étape en décrétant l’interdiction de toute exploitation minière dans le Grand Kivu. Il a ainsi pris le taureau par les cornes. Le centre nerveux du système de déstabilisation de l’Est de la RDC qui s’alimente par des activités parallèles d’exploitation des minerais telles que la cassitérite et le coltan va prendre un coup.
L’heure n’est plus à la récitation de bonnes intentions. Il faut agir. Le gouvernement, qui a pris une sérieuse option de restaurer l’autorité de l’Etat, est invité à sévir contre ces personnes qui, des années durant, ont privilégié leurs propres intérêts au péril de la vie des populations et de l’existence de la République. « Avec des petits porteurs qui atterrissaient sur une route abandonnée (NDLR, Walikale), les FDLR, les militaires égarés, les Maï-Maï exportaient leurs produits illégalement », a confié à notre rédaction Janson Luneno, président de la société civile du Nord-Kivu.
En poussant sa logique jusqu’au bout, le chef de l’Etat aura cassé le cycle infernal qui mine cette partie de la République. Car, les groupes cibles étant globalement identifiés, il faudra passer à la vitesse supérieure en actionnant la machine judiciaire. Les coupables doivent être traduits devant les cours et tribunaux afin d’être jugés et sanctionnés. Etant entendu que personne n’est censé être au-dessus de la loi.
Rien ne se fera si la Justice en RDC reste dans sa situation actuelle. Sur le plan des textes, l’indépendance des juges est garantie. Mais en réalité, des pesanteurs persistent notamment en ce qui concerne la dotation en moyens financiers et logistiques, d’une part et, pour ce qui est des immunités dont se prévalent certaines personnalités autant civiles que militaires, d’autre part. Pour mener jusqu’à un aboutissement heureux pareil processus, l’appareil judiciaire devra être mis à l’abri des pressions de tous genres. Des observateurs proposent la permutation des chefs militaires opérant dans tous les secteurs de l’Est. Une manière de limiter leur influence sur la marche des opérations militaires de pacification. Ainsi, la mauvaise herbe sera coupée à la racine.
La justice militaire devra être mise à contribution pour mener des investigations et aboutir à des sanctions éventuelles. Le règlement militaire est clair. Le comportement affiché, autrefois par l’ex-général Laurent Nkunda, doit absolument conduire devant une cour martiale. C’est l’unique voie pour que la décision présidentielle ne ressemble pas à un coup d’épée dans l’eau.
La mise hors d’état de nuire des présumés acteurs dans le drame de l’Est de la RDC passe par une justice réparatrice. Les victimes qui se comptent par millions ne demandent pas mieux qu’une réparation.

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