mardi 19 octobre 2010

Guinée - Doute sur la tenue du second tour de la présidentielle en Guinée

(Le Point 19/10/2010)
CONAKRY/DAKAR (Reuters) - Tirs, jets de pierre et barricades: le climat se tend à cinq jours du second tour de l'élection présidentielle en Guinée, jetant le doute sur un vote censé sceller le retour à un régime civil après le putsch de décembre 2008.
Arrivé en tête au premier tour avec 44% des suffrages, l'ex-Premier ministre Célou Dallein Diallo accuse le président de la commission électorale (Ceni) de favoriser son adversaire Alpha Condé, l'opposant historique arrivé deuxième avec 18% des voix, et menace de boycotter le scrutin de dimanche.
"Aller aux urnes dans ces circonstances conduira à un chaos total. Dans le scénario actuel, personne n'acceptera les résultats. L'instance électorale a perdu toute crédibilité", a estimé Mohamed Jalloh, expert guinéen à l'International Crisis Group.
Les enjeux sont importants pour cet Etat producteur de bauxite entre autres, pauvre et situé au coeur d'une région relativement instable et fragile comptant en autres la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, le Liberia et la Côte d'Ivoire.
Les 10 millions de Guinéens aspirent à tourner la page de 50 ans de régime autoritaire et ont voté dans le calme au premier tour de la présidentielle, le 27 juin, bien que la Cour suprême ait dû corriger certaines irrégularités avant d'en valider le résultat.
Mais leurs espoirs se sont transformés en frustration et en violences de rue à la suite des reports répétés du second tour, dont la tenue est désormais de plus en plus douteuse, même si Condé déclare ne pas vouloir tenir compte des menaces de boycottage de Diallo.
"Il faut d'urgence que les deux camps soutiennent le rôle de la Ceni dans l'organisation du second tour", a déclaré John Stremlau, vice-président de l'organisme de surveillance des élections du Centre Carter d'Atlanta, se disant inquiet des risques de violences.
Le gouvernement à dominante militaire a menacé lundi de réprimer durement les fauteurs de troubles à la suite d'une journée d'incidents provoqués par de jeunes manifestants qui ont perturbé la circulation et dressé des barricades à Conakry et autour de la capitale.
"Des individus ont continué ce matin à occuper les grands axes de notre pays pour interrompre la circulation des voitures, menacer des passagers, détruire des véhicules et s'en prendre aux gens. Cela ne peut pas durer", a déploré lundi soir le Premier ministre, Jean-Marie Doré.
Il a précisé avoir donné instruction à la police et à la garde nationale de rétablir l'ordre "par tous les moyens". Des tirs ont entendus dans la soirée dans le quartier d'Hamdallaye.
Un peu plus tôt, lors d'une visite dans un autre quartier de la capitale, le général Sékouba Konaté, chef de la junte, a essuyé des insultes de la part de jeunes gens lui reprochant les cahots du processus électoral.
L'armée contrôle le pays depuis le coup d'Etat de 2008, mais Konaté s'est attiré les bonnes grâces des Etats-Unis et de la France, l'ancienne puissance coloniale, en s'engageant à remettre le pouvoir aux civils au terme du processus électoral.
Certains analystes craignent un possible déchaînement de violences intercommunautaires, faisant valoir que Diallo et Condé incarnent respectivement les ethnies peule et malinké, les deux principales qui composent la Guinée.
Dans un souci d'apaisement, ils se sont engagés ce mois-ci à ne pas exclure du gouvernement celui des deux qui perdra les élections, mais le respect de ce pacte reste aléatoire au vu de l'animosité qui s'accroît entre les deux camps.

Publié le 19/10/2010 à 16:49 Reuters
par Saliou Samb et Richard Valdmanis
Marc Delteil pour le service français, édité par Gilles Trequesser

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