jeudi 21 octobre 2010

Ethiopie -La politisation éhontée de l’aide alimentaire

(Le Pays 21/10/2010)

Pour conserver son trône, tous les moyens sont bons au prince : la ruse, la violence, le cynisme et même la guerre. Les vertus comme l’honnêteté, la droiture et la probité étant pour lui encombrantes et pouvant conduire à sa ruine. Ainsi s’exprime Machiavel dans "Le prince".
Cette leçon machiavélique, le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, l’a bien comprise. Il l’a même trop comprise d’autant qu’il préfère laisser mourir des affamés éthiopiens qui ne partagent pas sa vision politique plutôt que de leur donner de la nourriture que des bonnes volontés offrent pourtant gracieusement à ce pays incessamment en proie à la famine. En tout cas, un rapport qui vient d’être publié par l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human right watch (HRW), montre que cette pratique est le sport favori du pouvoir éthiopien. "Dis-moi de quel parti politique tu es, et je te donnerai à manger". Telle est la formule instaurée par Meles Zenawi au pays de Hailé Silassié.
En adoptant cette stratégie politique, Zenawi, tirant sur l’ambulance, commet par là même un double crime. En effet, en plus d’être incapable d’offrir à manger à son peuple, ce qui n’est pas excusable en ce 21e siècle de tous les progrès technologiques, l’homme fort d’Addis Abeba lui refuse encore les dons alimentaires mis à la disposition par des âmes charitables. Et quand on sait que l’Ethiopie est l’un des pays au monde où le taux de mortalité due à la famine est très élevé, il y a de quoi se demander si cette discrimination que commet Zenawi ne peut pas être classée dans le registre des crimes contre l’humanité. Par ailleurs, en plus d’être un crime, cette politisation de l’aide alimentaire frise aussi le ridicule. En effet, comment Zenawi, fût-il un assoiffé du pouvoir, peut-il compter sur l’aumône pour faire chanter son peuple ?
Et si les Etats-Unis, principaux donateurs de cette aide, venaient à fermer le robinet, sur quoi donc le Premier ministre va-t-il compter pour faire du chantage à ses opposants ? Heureusement que jusque-là, ces donateurs ne conditionnent pas l’aide alimentaire à la bonne gouvernance politique et économique. Sinon, sous la direction de Zenawi, l’Ethiopie est loin d’être une démocratie exemplaire. Et puis, au non de l’Union africaine dont la capitale éthiopienne, Addis Abeba, abrite le siège, Meles Zenawi ne devrait pas se permettre ces pratiques qui relèvent d’une autre époque. En d’autres termes, l’honneur conféré à son pays, d’abriter l’institution panafricaine, devrait lui imposer une ligne de conduite irréprochable. Ce qui est loin d’être le cas. Malheuseument.
Certes, aujourd’hui, c’est le Premier ministre éthiopien qui est indexé. Mais combien sont-ils ces dirigeants africains qui font de cette pratique une arme politique pour combattre ceux qui ne voient pas les choses de la même façon qu’eux ? Sans doute nombreux sont-ils qui affament leur peuple pour le rendre taillable et corvéable à souhait. Convaincus qu’ils sont, que ventre creux n’a ni oreille, ni conviction politique ou idéologique.
Boulkindi COULDIATI
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