vendredi 1 octobre 2010

Cote d'ivoire - Vers la consolidation des digues entre Paris et Abidjan ?

(Afriscoop 01/10/2010)
(AfriSCOOP Abidjan) — La visite à Abidjan d’une délégation française conduite par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, se précise par l’inscription d’audiences à l’agenda de certains acteurs politiques ivoiriens avec l’émissaire du président Nicolas Sarkozy.
De sources proches de leurs cabinets respectifs contactées par AfriSCOOP, les opposants que sont Henri Konan Bédié (PDCI), Alassane Ouattara (RDR), membres du Cadre permanent de concertation (CPC) reçoivent les illustres visiteurs le dimanche 3 octobre. Il pourrait en être de même, selon les mêmes sources, pour Pascal Affi N’Guessan, responsable du Front Populaire Ivoirien (FPI), proche du chef de l’Etat.
Le président Laurent Gbagbo qui annonce son entrée officielle en campagne ce même jour, à partir du quartier général de campagne de la majorité présidentielle à Abidjan, pourrait fort probablement clore cette série de consultations.
Dans la sphère politique ivoirienne, il se dit déjà que les entretiens avec Claude Guéant seront « décisifs » pour la suite du processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire et pour la coopération bilatérale avec la France.
Le « bras droit » de Sarkozy enfin chez Gbagbo, cela augure sûrement de nouveaux auspices dans l’ « amitié » franco-ivoirienne. Une amitié qui s’était fortement effritée du fait de l’implication, selon Abidjan, de la France dans la crise ivoirienne.
La présente d’un émissaire, et non des moindres, du pouvoir français au Palais présidentiel d’Abidjan, peut s’interpréter comme la réponse de Paris au chef de l’Etat ivoirien. Ce dernier avait boycotté l’invitation de la diplomatie française lui à d’honorer de sa présence la célébration du cinquantenaire des indépendances des colonies françaises, sur les Champs Elysées.
Remonté contre l’ancienne métropole qu’il a accusée à mots ouverts de vouloir le chasser du pouvoir, le n°1 ivoirien avait exigé que l’Etat français qu’il répare d’abord le tort qu’il a fait à son régime. Le règlement de ce contentieux était la condition à laquelle il foulerait le sol français, selon lui.
Cependant, au mois août, alors qu’il était en tournée dans le Sud du pays Laurent Gbagbo avait concédé que la « page est tournée » en ce qui concerne la brouille survenue dans les relations entre les pays, en septembre 2002 par une tentative de coup d’Etat.
Début septembre, c’est encore lui Laurent Gbagbo qui a donné un autre signal fort à la diplomatie Sarkozy. Parti procéder à la réouverture du Lycée Jacques Prévet, un établissement français à Abidjan, le président ivoirien a fait une concession fort éloquente à l’endroit de l’Elysée. « Si je suis tatillon aujourd’hui sur le futur c’est parce que je ne veux plus qu’il y ait de rupture de digue », avait clairement regretté M. Gbagbo.
Le président ivoirien avait solennellement marqué sa bonne foi par cette déclaration : « J’ai tenu à être là, ce matin. Parce que, Monsieur l’Ambassadeur (Ndlr : de France en Côte d’Ivoire, Jean Marc Simon), vous l’avez compris, vous l’avez souligné, c’est un moment symbolique. Et, les symboles, il faut les souligner pour que ceux qui ont des oreilles entendent et ceux qui ont des yeux voient. Nous avons assisté, vous l’avez dit, à une rupture de digues, les années passées, surtout en 2004. Les digues étant rompues, tout pouvait arriver. Ce qui était important, c’était de faire de telle sorte que n’importe quoi n’arrive pas. C’était de faire en sorte que le pire n’arrive pas. Je crois que sur cela, nous avons réussi à faire en sorte que n’importe quoi n’arrive pas ».
En effet, en 2004, pris de colère contre la France qui venait de bombarder l’aéronef ivoirien et ouvert le feu sur des « manifestants aux mains nues » exigeant le départ des troupes française (Licorne) de l’hôtel Ivoire, des ‘’jeunes patriotes‘’ proche de M. Gbagbo avaient détruit tout ou presque les édifices d’intérêt français. Le collège Jean Mermoz (privé), l’école Jacques Prévert et lycée Blaise Pascal avaient été saccagés.
Tout cela est-il du passé ? On est tenté de répondre par l’affirmative, puisqu’apparemment Nicolas Sarkozy semble avoir changé d’avis s’agissant de mettre les pieds à Abidjan « tant qu’il n’y aura des élections crédibles » en côte d’Ivoire. Qu’il décide d’envoyer une mission de l’Elysée, et non celle du ministère de la Coopération et des Affaires étrangères chez M. Gbagbo, présage forcément d’un dégel dans les relations France-Côte, même si ‘’Sarko‘’ ne se déplace pas personnellement.
Des relations « vraies » et « solides » souhaitées par Laurent Gbagbo, profil si on en croit aussi la confidence faite à Jeune Afrique par des « sources proches du dossier », selon lesquelles « la visite de M. Guéant était suspendue à la publication de cette liste, qui laisse enfin à penser que la date du 31 octobre pourra être tenue ». Et qu’ « elle devrait marquer la première étape de la reprise d’un dialogue normal avec la Côte d’Ivoire ».
Toutefois, avec du recule, cette visite peut être interprétée comme une énième pression extérieure sur Abidjan, en vue que les élections présidentielles se tiennent effectivement le 31 octobre 2002, date fixée de façon consensuelle par les principaux acteurs politiques ivoiriens.
Pression également possible, vu que le scrutin paraît de plus en plus incertain, même si la Commission Électorale Indépendante (CEI), en charge de l’organiser, maintient que le délai est « tenable ».
Beaucoup reste à faire d’ici au 31 Octobre, en effet. Outre le recrutement de soixante mille personnels électoraux devant servir dans les bureaux de vote, il y a l’impression des documents électoraux (bulletin de vote, procès verbaux), le convoyage et la distribution en 15 jours des cartes nationales d’identité et des cartes d’électeur qui devraient arriver, le vendredi 30 septembre, de la Belgique et de l’Allemagne. Un observatoire du code de bonne conduite, pas encore signé par les 14 candidats dans course, devrait aussi être installé depuis lors.
Une menace point à l’horizon, c’est l’arrêt brusque, mercredi, dans le Centre-ouest du pays de l’opération de démantèlement des milices ; après que seulement 1/3 des 5000 membres des groupes d’auto-défense ont été profilés. Ce opération qui vise à insérer les jeunes à risque, pour avoir plus ou moins manipulés les armes pendant la guerre, a été « interrompue pour des raisons opérationnelles », selon le Centre de Commandement Intégré (CCI) qui la pilote.
A la mi-septembre des miliciens ont manifesté bruyamment leur contentement au Sud et à l’Ouest du pays, réclamant leur démobilisation, réinsertion et dédommagement à hauteur de 500 Fcfa par personne, au même titre que les éléments des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN), ex-rébellion, comme le prévoit l’accord complémentaire IV à l’Accord Politique de Ouagadougou (APO).

Par Seraphin KOUASSI, © AfriSCOOP
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